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jeudi 31 décembre 2009

Je mens

Plus la neige tombait, plus le silence devenait profond. Seul le crépitement de l'âtre le troublait, mais en faisait partie en réalité, car le feu éteint les pensées quand on l'observe.
"- Il y a beaucoup de gens à venir ici? demanda Marie.
- A vrai dire non, car il n'y a rien à voir, et je suis souvent dans les collines avec mes moutons.
Quelquefois, des promeneurs...
- Pourtant on nous a dit au bar céleste que vous pouviez héberger le passant.
- Oui, cela arrive, ce n'est pas écrit, c'est le bouche à oreille, au moment opportun les choses se font, comme pour vous.
- Il y a eu une première fois, comment cela a t-il commencé?
- La première fois c'est moi qui suis venu là. Je voulais voir l'horizon, et je suis monté ici. Cette maison était en ruine. Une femme chamane avait installé un tipi provisoirement pour être près de la nature et des étoiles. Elle vivait de presque rien, de ceuillette, et parfois de soins qu'elle donnait à des personnes qui avaient entendu parler d'elle. Elle m'a proposé au bout d'un moment de passer quelques jours. Elle m'a transmis un peu de ses connaissances. Très vite j'ai senti que cette vie me convenait. Un jour elle me dit que je deviendrais berger, que je vivrais ici, et que si je restais dans un état d'accueil, je ne manquerais de rien.
C'est ce qui s'est passé. Cela n'a pas été facile parce qu'il faut faire confiance, et cela veut dire perdre ses anciens repères. Au début j'étais attiré mais je vivais aussi dans la peur. Un beau jour quelque chose s'est passé, et la peur a disparu définitivement.
- Comment ça?
- Dans la société citadine, les gens accumulent et ont quand même peur de manquer. Quand on simplifie sa vie, la seule peur qui reste, c'est de ne pas avoir assez à manger. C'était une période où je n'avais plus de réserves, les brebis allaient agneler et il n'y avait pas de lait, plus de fromage, rien. Je jeunais depuis 5 jours, et des idées noires m'envahissaient parce que j'avais en fait perdu confiance. Un matin je n'avais plus que ce mot à la bouche, c'est le cas de le dire, mange. Et j'ai réalisé que si on inverse les syllabes, cela donne : je mens. J'ai accepté au fond de moi l'idée que je me mentais, que je n'étais pas assez fort pour vivre ainsi, et que la peur était encore en moi, alors que je croyais l'avoir dépassée. Je n'avais pas été au bout de moi même, et c'est bien ce que me proposait la vie à ce moment : une mise à l'épreuve. Jusqu'où va ma confiance? J'ai alors admis que je m'étais trompé, et qu'il fallait aller demander à l'être rangé...
Je me suis agenouillé comme pour demander pardon de mon arrogance.
C'est alors qu'un couple est apparu, avec un panier plein de victuailles. Il me cherchait depuis la veille, sans me trouver. J'ai vraiment compris alors que tout arrive au moment juste, la veille il eut été trop tôt. Depuis je ne me préoccupe de rien.
- Alors la vie nous teste dans nos croyances?
- Indéniablement..."
Il remit une bûche dans le feu.

mercredi 30 décembre 2009

Mon esprit est pauvre


Ils mangèrent en silence. La neige tombait drue maintenant et couvrait de son manteau vierge toute trace d'un passé qui les avait amené là.
"- Je ne crois pas que vous pourrez partir demain, dit Barnabé, la neige va persister toute la nuit et la circulation sera impossible.
- Comment savez-vous cela?
- Vous savez, à force de rester immobile, dans l'observation de ce qui va, de ce qui vient, on ressent les choses au delà des apparences. Rien n'arrive brutalement, tout se prépare. Le temps est facile à prévoir car il obéit à des lois, il suffit de regarder les nuages, le vent, sentir l'air humide ou sec, si l'on voit loin ou pas, tout ça sont des indicateurs.
- Et vous savez aussi pour les hommes?
Barnabé plissa les yeux comme s'il se demandait s'il allait dévoiler un secret ou non.
- Oui, pour les hommes c'est pareil. Une mère qui vit en osmose avec son bébé, sait à l'avance ce qu'il lui faut, car elle pressent tout de lui. Mon métier de berger m'a fait apprendre le silence et l'écoute à travers la solitude. Mon esprit est pauvre, il n'est pas chargé d'informations de toutes sortes. Ainsi il capte d'autres informations plus subtiles, mais plus essentielles. Lorsque je vois apparaître quelqu'un, sa manière de se tenir, de marcher, de s'asseoir, me dit déjà beaucoup de lui. Lorsqu'il parle, je sais si c'est son coeur qui parle ou sa tête, s'il est dans la paix ou dans la précipitation. Ainsi je sens s'il est en évolution ou non, ce qu'il attend de la vie et ce qui risque de lui arriver ou pas..."
Un silence s'ensuivit. Marie et Joseph se regardèrent sans mot dire, mais tout semblait évident pour eux. Il y avait une unité de compréhension. Marie sentait toujours les choses à l'avance, en parlait à Joseph, qui avait une confiance totale en elle, et aidait à la réalisation de ses prémonitions en ne discutant pas. En quelque sorte il donnait à Marie la force de mettre en oeuvre ce qu'elle pressentait.
"- Le plus grand chemin n'est pas d'aller loin, reprit Barnabé, mais de se rapprocher de soi même. Quoiqu'il arrive, c'est la façon dont on prend les choses qui peut nous rapprocher de nous même ou non. La volonté fait aller vers l'extérieur, l'abandon fait revenir à l'intérieur.
- J'ai l'impression que nous sommes venus au bon endroit, dit Joseph.
- Vous n'êtes pas venus de vous mêmes, vous avez été guidés, car ce matin vous ne connaissiez rien de là où vous êtes ce soir.
- Alors c'est bien mon intuition qui se dévoile en ce moment, dit Marie.
- Oui, sauf que l'intuition n'est pas à vous, elle fait partie de la vie. C'est en s'ouvrant à la vie que celle ci nous traverse et nous conduit vers l'aide que l'on cherche pour grandir.
- Merci, dit Joseph en mettant sa main sur son coeur."
Une larme perlait sur la joue de Marie, tandis que son coeur vibrait.
Barnabé mit une main sur l'agneau, dans un geste de paix indicible.

mardi 29 décembre 2009

Ecouter son intuition


"- Où allez-vous? demanda Barnabé d'un oeil malicieux.
- J'ai senti au fond de moi, que nous devions quitter la maison pour quelques jours parce qu'un évènement allait arriver, je ne sais pas quoi exactement, mais qui ne pouvait se passer dans notre lieu de vie habituel, répondit Marie. Quelque chose me poussait dehors. Je l'ai dit à Joseph, qui a bien compris, et me fait totalement confiance pour mes intuitions.
- Donc vous ne savez pas encore où vous allez?
- Non!
- Ni de quel évènement il s'agit?
- Je sens que c'est une chose importante, mais neuve, comme je n'en ai jamais vécu.
- Avez-vous eu des signes? Vous avez du en avoir, sinon vous ne seriez pas parti sans savoir.
- Oui. Une nuit je rêvais de quelque chose avec de la lumière. Je me suis soudain réveillée, et en ouvrant les yeux j'ai constaté qu'il y avait une bougie d'allumée à côté du lit.
- Pourtant on s'était endormi après avoir soufflé la bougie, je m'en souviens très bien, dit Joseph.
Et soudain il se rappela qu'au bar céleste, il y avait des bougies sur la table, ce qui est assez inhabituel, comme ici d'ailleurs...
- Vous pensez aux bougies que vous avez rencontrées, dit Barnabé, lisant dans les pensées de Joseph.
- Tout à l'heure, vous avez parlé du bar céleste, comment saviez-vous que nous nous y sommes arrêtés? demanda Joseph.
- Oh, vue l'heure, cela ne pouvait venir que de là!
- Mais ce n'est pas le patron qui nous a renseigné, c'est une personne seule à une table. Heureusement qu'elle était là d'ailleurs.
- Lorsque l'on écoute son intuition, la vie met en place des relais, seuls ceux qui font confiance peuvent le vérifier. La soupe est chaude, mangeons."
Il mit sur la table 3 vieilles assiettes creuses et des couverts, prit un gros pain dans un sac en toile rêche, des fromages qu'il faisait, et servit. Il passa la main sur la bougie au centre de la table qui se mit à éclairer plus fort.

Barnabé


La chemin s'élevait en serpentant parmi les arbres. Doucement la neige se mit à tomber. La voiture arriva à une clairière. Il y avait effectivement une maison avec une lueur visible par une fenêtre. Joseph et Marie descendirent et frappèrent à la porte. Pas de réponse. Ayant de nouveau frappé, ils finirent par rentrer, poussés par le froid et le désir de se reposer pour de bon.
A l'intérieur un feu brûlait dans la cheminée. Il y avait aussi des bougies sur la table. Cela ressemblait un peu à l'ambiance du bar céleste, mais le mystère en plus, car il n'y avait personne.
"- Il y a quelqu'un ? dit Joseph en haussant la voix? Pas de réponse.
- Que fait-on? demanda Marie.
- C'est étrange, personne ne répond, pourtant c'est habité puisqu'il y a du feu. Et puis on se sent bien. Attendons un peu."
C'est alors qu'un bruit se fit entendre par derrière. Un homme entra par une porte cachée par la pénombre. Il semblait un peu âgé, avec une barbe grisonnante, une cape sur ses épaules, et un mouton dans les bras.
"- Bonsoir, dit-il, je vous attendais!
- Comment ça? demanda Joseph.
- C'est le vent qui me l'a soufflé. Quand il vient de la ville, il me transmet les nouvelles. Je capte celles qui me correspondent.
- Peut-on passer la nuit ici?
- Bien sur, je suis berger, mon rôle est d'héberger celui qui passe. Je m'étais absenté un moment car une brebis s'était égarée, et je devais absolument la retrouver car cette nuit la neige va recouvrir toute la contrée."
Disant cela il vérifiait les pattes de la brebis, ainsi que sa toison, pour s'assurer qu'elle n'était pas blessée. Puis il la laissa par terre. Il enleva sa cape, et son visage apparut vraiment. Il avait un regard clair, si clair, qu'on pouvait s'y perdre.
"- Je réchauffe de la soupe, vous devez avoir faim.
- Nous ne nous sommes pas présentés, voici Marie, mon épouse, et je me nomme Joseph.
- Et moi Barnabé, mais on a du vous le dire au bar céleste. Il signifie : Fils de l'encouragement, de la consolation..."
(La photo vient du livre "Moines du désert d'Egypte" d'Alain et Evelyne Chevillat)

lundi 28 décembre 2009

Le bar céleste

Au bout d'un moment, Joseph, traversant un village, se dit que cette fois il fallait vraiment s'arrêter. Il vit une lumière dans un bar et se gara. Poussant la porte, une odeur d'encens lui monta à la tête. L'ambiance était chaleureuse bien qu'il n'y ait que très peu de monde. Sur chaque table il y avait une bougie. Au dessus du comptoir était écrit : "Au bar céleste". Il se dit qu'il allait certainement trouver une possibilité d'hébergement.
"Bonsoir, nous sommes fatigués par la route avec mon épouse, et nous cherchons un endroit pour dormir, connaîtriez-vous un lieu qui pourrait nous accueillir?"
Les quelques personnes attablées, qui parlaient bas, levèrent la tête pour regarder qui posait cette question une veille de fête. Le patron leva les yeux, et répondit :
"Il est bien tard pour trouver quelque chose d'ouvert, je ne fais pas auberge malheureusement, peut être qu'à la prochaine ville..."
L'une des personnes au fond de la salle dit alors : "Et s'ils allaient demander à Barnabé, le vieux berger en haut de la colline? Il a toujours quelque place au fond de sa grange!"
Joseph se fit expliquer le chemin, remercia tout le monde, et remonta en voiture.
Marie s'était réveillée. Il lui expliqua le drôle de lieu où il venait de s'arrêter.
"- Ecoute, l'endroit s'appellait "Au bar céleste", et maintenant on va chez Barnabé, c'est curieux, non?
- Oui, j'aime bien ce mot : céleste, puis abbé, tu vois on est guidé!"
Ils étaient sur un chemin caillouteux qui montait à travers un bois. On leur avait dit qu'à la fin du bois, ils verraient une lumière, et que c'était là...

dimanche 27 décembre 2009

Départ dans la nuit

Joseph ouvrit son portable pour chercher un hôtel. Cela faisait longtemps qu'il souhaitait prendre quelques vacances bien méritées. Mais jusqu'à la dernière minute il lui fallut honorer une commande. Enfin, c'était fini. Bien sur il y aurait des embouteillages à la sortie de la ville, mais il voulait partir, même de nuit.
- Alors chéri, tu nous as trouvé quelque chose? lui cria sa femme en finissant de préparer leur valise.
- Rien pour l'instant, tout a l'air complet, j'ai peur que l'on roule toute la nuit...
- Cherche encore, je me sens fatiguée et je ne voudrais pas passer la nuit dehors!
Il refit le trajet sur l'ordi et cliqua sur tous les hôtels qui s'affichaient, mais tous étaient déjà complets. Incroyable. Il commençait à s'inquièter et se demandait que faire. Il ne voulait pas alerter Marie qui avait besoin de repos.
- Ecoute, partons, nous trouverons bien quelque chose en route. J'ai fait le plein de sens, et je suis sur que si on fait confiance, notre bonne étoile nous guidera.
- Tu sais Jo, depuis mon rêve prémonitoire, je ne m'inquiète pas. Quoiqu'il arrive, ou n'arrive pas, c'est absolument ce qu'il nous convient. Sur le moment on ne comprend pas toujours, mais après, nous en rirons, car le sens nous sera plus clair.
- Oui, tu as raison. et puisque nous ne savons pas où dormir, laissons notre porte ouverte, au cas ou quelqu'un serait dans le même cas.
La nuit était noire, il y avait du monde sur la route, mais partir en vacances, même fatigués, leur donnait une nouvelle énergie qui les aidait à vaincre ces dernières difficultés.
Joseph conduisait prudemment. Il était plus à l'aise avec une herminette qu'avec un volant. Petit à petit les autres voitures se firent rares. Marie dormait et la solitude du silence l'envahit...

jeudi 24 décembre 2009

mercredi 23 décembre 2009

C'est demain la veille...


Demain soir c'est la veillée de Noêl.
Nous sommes donc la veille de la veillée!
La veillée c'est la période entre le repas du soir et le coucher.
La veille c'est ne pas dormir, c'est en fait retarder le fait d'aller dormir, faire des efforts envers notre besoin de se reposer.
Veiller c'est s'abstenir de dormir. C'est donc de l'ordre de l'exception ou difficile.

Veille vient d'une racine indo-européenne weg qui signifie : vigueur.
En latin vegere veut dire : être vif, ardent, qui a donné vegetus : vif, dispos; vegetare : animer, vivifier; velox : agile à la course; vigere : être bien vivant; vigor : force vitale; vigil : dispos, bien éveillé; vigilare : être éveillé, attentif; vigilia : veille...
En allemand wachen signifie guetter.

Donc veiller ce n'est pas faire la fête, c'est être vigoureux, ardent, vivant, attentif, vigilant.
C'est quand même extraordinaire de voir que derrière ce simple mot il y a tout un sens caché, qui nous parle bien de quelque chose de vivant et de fort.
D'où ce leit motiv dans l'évangile de la veille, de garder la lampe allumée, car on ne sait pas à quelle heure le Maître viendra.
Ce n'est pas non plus le fait d'être simplement réveillé, bien sur, mais un état de présence à soi même. Dormir, se réveiller, c'est la nature des choses, mais veiller, c'est au delà de l'état naturel de base. D'où une force particulière, une vigueur, une agilité.

La veille, c'est le jour d'avant. D'avant quoi?
Il n'y a que veille qui vaille...

mardi 22 décembre 2009

Momix



Encore un petit cadeau pour Noël.
J'ADORE...

lundi 21 décembre 2009

samedi 19 décembre 2009

Silence


C'étaient mes premières vacances à la neige, avec des amis. J'étais étudiant, autonome, mais sans le sou. Je découvrais tout : les pistes, le monde, les bosses, la frime, et la joie des descentes...

Un jour lors d'une promenade dans la neige, en dehors de tout, je suis arrivé dans un ancien abri de berger, en pierres. Me glissant à l'intérieur, je m'asseyais dans la pénombre.
Au bout d'un moment, le silence m'envahit, assourdissant.
Ce lieu, habité par les pierres, le froid, la neige, et la solitude, était porteur de silence.

Depuis l'adolescence, je fréquentais la solitude et les lieux sauvages, mais je n'avais jamais senti ce silence si total qu'il se transforme en présence.
J'ai eu l'occasion de retrouver cette ambiance si particulière que peuvent transmettre certains lieux qui ont accumulé solitude et silence ou prière, et froid peut être. Je crois que le froid ajoute quelque chose. Le sombre aussi. Indéniablement, la nuit apaise. Lorsque les gens dorment, le bruit de fond, mais aussi les tensions inhérentes, le stress invisible mais palpable dans l'air, tout cela s'évapore, et nourrit peu à peu le silence qui revient, comme de l'eau boueuse qui peu à peu s'éclaircit.

Ces lieux sont sacrés.
D'où les ermites dans les grottes, les monastères dans les lieux à l'écart, cachés dans les montagnes.

L'architecte que je suis, sait que selon les matériaux et les formes, on peut faciliter cette qualité du silence dans une maison. Ensuite, c'est ce qu'on y met...

jeudi 17 décembre 2009

Mourir

Mourir...
Ai-je peur de mourir?
Certains disent : "J'ai bien vécu, je peux mourir!"
Si je regarde vraiment, la seule vraie peur que j'ai c'est de ne pas avoir bien vécu.
Qui m'empêche alors de prendre la décision : "A partir de maintenant je décide de bien vivre!"
Vivre...
Qu'est-ce qui m'empêche de vivre?
Mes peurs, mes doutes, mes faiblesses.
OK. Je m'en occupe, ou je m'en préoccupe.
Je ne rêve plus à ce que j'aimerais être ou vivre.
Je fais juste en sorte de reconnaître et réparer les maillons faibles qui empêchent à la chaîne toute entière de faire ce que certains maillons aimeraient.
J'apprend à soigner ma dignité, qui commence par le respect de ma petitesse.
Et si je meurs en chemin, je sais que j'aurais tenté une part du difficile.

mardi 15 décembre 2009

Le Toumelin


Il y a quelques semaines, je pensais à Jacques Yves Le Toumelin. J'étais passé au pied de sa maison cet été, au bord de l'eau, juste en face du Croizic, dans un endroit complètement sauvage.
Je me disais qu'il devait être bien vieux, et même qu'il pouvait mourir d'ici peu.
Je viens d'apprendre sa mort, le 10 novembre dernier. Il avait 90 ans.
Il y a 60 ans il avait fait un tour du monde de 3 ans avec son bateau en bois, Kurun, sans moteur, avec les instruments de l'époque : un sextant, une montre, un loch, un compas. Plus personne ne navigue comme ça aujourd'hui, et souvent les instruments modernes sont en double...
C'était une autre époque, et c'était un homme peu ordinaire.
Le Toumelin était le frère de Yahne, la mère de Matthieu Ricard, en photo ci dessus.
"Il vécut ce voyage comme une retraite intérieure, dit sa soeur, un dissident de la société de consommation inspiré par la mer."
"C'est un homme profond et intègre, témoigne Matthieu Ricard, mon oncle fut pour moi comme un deuxième père. Lorsque j'étais jeune, je l'admirais pour ses qualités de grand marin, et pour l'exigence du travail bien fait qu'il appliquait à toutes ses activités, même la plus simple.
Il manifeste quelque effarement devant le culte de la vitesse et l'ambition de faire le tour du monde le plus vite possible. Les records sont pour lui une incongruité, presque une provocation à la mer..."
Un ami à lui disait qu'il vivait comme un sage immobile dans la frénésie du monde.
Comme sa soeur et son neveu, il pratiquait la méditation, dans l'esprit du bouddhisme.
Le dernier des très grands marins de l'époque puriste de la circumnavigation s'est éteint.
En toute discrétion.
Merci pour l'exemple.
Il existe un blog pour perpétuer sa mémoire :
kurun-kurun.blogspot.com/

lundi 14 décembre 2009

Cheminer

Au début c'est riant, coloré, accueillant, superbe.
Les quelques marches nous invitent au départ.
Le panneau qui nous indique que le but est atteint.

De là où nous sommes,
on peut contempler de là où l'on vient

D'en bas, c'est ce que l'on voit.
Entre temps il y a eu tout ce chemin.
Qui pourra se retourner d'assez haut?

Le mont Fuji est sacré pour les Japonais.
Forme parfaite et symbolique,
pointant vers le ciel.

dimanche 13 décembre 2009

Petit bonjour en passant




- Salut!
- Salut!

samedi 12 décembre 2009

GupaJuhe


Je viens de découvrir une de ses oeuvres sur le blog "Eveil Impersonnel". Je vous conseille le site de cet artiste qui expose prochainement à Sèvres.

vendredi 11 décembre 2009

Kundun


Kundun est un film de Martin Scorcese retraçant la vie du XIV° Dalai Lama jusqu'à ce qu'il quitte le Tibet.
Le mot Kundun est attribué au Dalai Lama et signifie : Présence.

jeudi 10 décembre 2009

Pourquoi pas?


C'est quand même une phrase extraordinaire : "Pourquoi pas?"
Ca appelle des possibles, ca repousse des limites, ça excite les envies...
Le dire vite en passant, c'est en oublier le sens profond.

"Le Pourquoi Pas" était le nom du bateau du commandant Charcot, célèbre explorateur du début du vingtième siècle, faisant naufrage lors d'une tempête alors qu'il quittait l'Islande pour Copenhague (tiens, tiens!).

Pourquoi pas? c'est aussi une phrase que vient de mettre Soisic en commentaires!

mercredi 9 décembre 2009

Crise d'identité

Il parait que ça débat sur l'identité nationale... Alors que le monde est de plus en plus international, mélangé, interdépendant.
On veut bien faire fabriquer là où la main d'oeuvre n'est pas chère, profiter de conditions de travail plus que difficiles, mais ne pas voir trop d'étrangers chez nous.
On veut bien continuer de piquer les richesses des pays pauvres, mais pas qu'ils viennent chercher un semblant de travail ici.
Bref les riches veulent le beurre et l'argent du beurre, comme toujours, et les très riches continuent de planquer leur fric en toute impunité... Tandis que les apeurés continuent d'élever des murs!
De toute façon, débat ou pas débat, les hommes les plus ouverts commencent à se dire citoyens du monde. Et puis cette recherche d'identité nationale, c'est pour quoi au juste? On peut se sentir tellement plus proches de gens qui vivent les mêmes choses que nous, quelle que soit leur couleur de peau ou leur appartenance ethnique.
Bien sur, on a des racines, on est né quelque part, ça laisse des traces.
Mais le but, le grand but, n'est-il pas la désidentification à quoique ce soit?
Si on n'est plus attaché à quelque idée que ce soit, il n'y a plus débat!
Bon c'est pas demain la veille...

mardi 8 décembre 2009

lundi 7 décembre 2009

Copenhague

Aujourd'hui démarre le sommet mondial de l'environnement à Copenhague...
A quand le sommet mondial de l'intérieurement?
En fait de sommet c'est plutôt un point de départ, car tout reste à faire. D'abord se mettre d'accord, puis passer aux actes, faire comprendre la démarche aux habitants des pays concernés, et se retrousser les manches. Parce qu'il faut faire face à l'inertie des habitudes, des comportements, des désirs exagérés, du tout pour moi d'abord.
Quelque part il faut se serrer la ceinture pour viser un meilleur plus tard, dont on n'est même pas sur. Est-ce que cela pourra résister à la facilité de l'égoisme?

On commence à changer quand ça fait trop mal de continuer dans l'inconscience.
A titre individuel, comme à titre sociétal ou mondial.
Je n'entends pas parler de remise en cause du fonctionnement humain basé sur la puissance de l'avoir. Alors que peut-on en attendre?
Changer intérieurement est difficile.
D'abord une prise de conscience, comprendre, puis agir. Pas agir de temps en temps, mais de plus en plus souvent. En un mot persévérer, même quand une partie de nous n'en a pas envie.
Ne pas s'attendre à un miracle un jour, ne pas croire que ça va se faire tout seul. Non, juste y revenir sans cesse, tout en acceptant de chuter parfois.
Je lisais hier soir un passage de Durkheim où il disait que tirer à l'arc 1000 fois, ou tout autre exercice de vigilance, ce n'était rien, c'est le faire 100 000 fois qui apporte un effet!
Sans commentaires...

dimanche 6 décembre 2009

Ressentir

Sur un blog ami est écrit cette phrase d'Eric Barret :
"Quand il y a ressenti, il n'y a pas pensée. La sensibilité brûle la pensée."
C'est important de le reconnaître car c'est un moyen de revenir le plus souvent possible au ressenti. Le ressenti physique, mais aussi le ressenti de ce qui se passe en nous.

Hier je coupais les branches d'un arbre, d'abord sur un tabouret, puis pour finir, perché sur l'arbre. Cela demande beaucoup d'attention : bien scier, se tenir en équilibre, retenir la branche, etc... autant d'actions qui suscitent le corps et qui évitent de penser. Le travail manuel est un bon moyen, il me semble, de penser moins et d'être plus dans le présent. On peut ressentir la tension des muscles, l'agilité de ses mains, de son corps, ou la fatigue, l'acuité du regard,... autant d'aspects qu'un métier, où la tête fonctionne seule, n'offre pas.
Et c'est libérateur.

Hier soir : soirée tango. Je suis devenu accro!
Petit à petit les pas sont enregistrés dans le corps. Parfois je peux sentir qu'il n'y a plus que la musique qui guide le rythme au corps, dans lequel il se laisse aller. Cela devient un mouvement de vie où penser n'a jamais existé. Et si la partenaire est dans la même dynamique, il n'y a plus deux danseurs, mais un couple évoluant au son du bandonéon. Plusieurs fois j'ai fait l'expèrience que si l'un se met à parler, quelque chose est rompu, ou l'erreur de pas arrive. Etre présent et apprendre à se taire n'est pas si simple. C'est pourtant le seul moyen de ressentir.

Cela me fait penser au roller, ou à ces sports de glisse. A un moment il y a une évidence à la vie qui s'écoule en nous dans une fluidité au delà de tous les mots.
Juste le goût du ressenti dans une absence d'effort quelconque...
Demandez aux surfeurs...

samedi 5 décembre 2009

Solitaire sur le chemin (fin)

Nous vivons dans un Univers qui est en même temps assez gigantesque pour nous envelopper et assez petit pour tenir dans notre coeur. Dans l'âme de l'homme se trouve l'âme du monde, le silence de la sagesse. Pendant que nous pédalons vers notre but, il est toujours important de nous demander : "Qu'y a-t-il de beau dans cette journée?" Le soleil peut briller, mais si la pluie tombe, rappelons-nous que cela signifie aussi que les nuages noirs se seront bientôt dissipés. Les nuages se dissipent, mais le soleil demeure, et il ne passe jamais - dans les moments de solitude, il importe de nous en souvenir.
Enfin, quand les choses deviendront très dures, n'oublions pas que tout le monde est déjà passé par là, indépendamment de sa race, de sa couleur, de sa situation sociale, de ses croyances, ou de sa culture.

Paolo Coelho "Comme le fleuve qui coule"

vendredi 4 décembre 2009

Solitaire sur le chemin (suite)

Eh bien oui; il suffit de ne pas renoncer. Le père Alan Jones dit que pour que notre âme puisse surmonter ces obstacles, nous avons besoin de Quatre Forces Invisibles : l'amour, la mort, le pouvoir et le temps.
Il est nécessaire d'aimer, parce que nous sommes aimés par Dieu.
La conscience de la mort est nécessaire, pour bien comprendre la vie.
Il est nécessaire de lutter pour nous développer, mais sans nous laisser illusionner par le pouvoir qui vient avec le développement, car nous savons qu'il ne vaut rien.
Enfin il faut accepter que notre âme, bien qu'elle soit éternelle, est en ce moment prisonnière dans la toile du temps, avec ses opportunités et ses limites; ainsi, dans notre course cycliste solitaire, nous devons agir comme si nous avions le temps, faire notre possible pour valoriser chaque seconde, nous reposer quand c'est nécessaire, mais toujours continuer vers la Lumière divine, sans nous laisser incommoder par les moments d'angoisse.
Ces Quatre Forces ne peuvent être traitées comme des problèmes à résoudre, car elles sont au delà de tout contrôle. Nous devons les accepter, et les laisser nous enseigner ce qu'il nous faut apprendre.
(à suivre)

Paulo Coehlo (Comme le fleuve qui coule)

jeudi 3 décembre 2009

Rencontre au sommet


Solitaire sur le chemin

La vie est comme une grande course cycliste, dont le but est d'accomplir sa Légende Personnelle, ce qui, d'après les anciens alchimistes, est notre vraie mission sur Terre.
Au début de la course, nous sommes ensemble, partageant camaraderie et enthousiasme. Mais à mesure que la course se développe, la joie initiale fait place aux vrais défis : la fatigue, la monotonie, les doutes sur nos capacités. Nous constatons que certains amis ont déjà abandonné au fond de leur coeur. Ils courent encore, mais seulement parce qu'ils ne peuvent pas s'arrêter au milieu de la route. Ils forment un groupe de plus en plus nombreux, ils pédalent tous près de la voiture des secours - qu'on appelle aussi Routine - où ils causent entre eux, accomplissant leurs obligations, mais oublient les beautés et les défis de la route.
Nous finissons par prendre nos distances avec eux; alors nous sommes obligés d'affronter la solitude, les surprises dans les virages inconnus, les problèmes avec la bicyclette. Et à un moment donné, après quelques chutes sans personne près de nous pour nous aider, nous nous demandons finalement si tous ces efforts valent la peine.

Paulo Coehlo (à suivre)

Vous avez dit paix

Pour qu'il y ait la paix dans le monde, il faut que les nations vivent en paix.
Pour qu'il y ait la paix entre les nations, les villes ne doivent pas se soulever l'une contre l'autre.
Pour qu'il y ait la paix entre les villes, les voisins doivent se comprendre.
Pour qu'il y ait la paix entre les voisins, il faut que l'harmonie règne au foyer.
Pour qu'il y ait la paix chez soi, il faut la trouver dans son propre coeur.

Lao Tseu

mercredi 2 décembre 2009

En pleine guerre

Le cinéaste Rui Guerra me raconte qu'il se trouvait un soir dans une maison dans l'intérieur du Mozambique, s'entretenant avec des amis. Le pays était en guerre, de sorte que tout manquait - de l'essentiel à l'éclairage.
Pour passer le temps, ils commencèrent à parler de ce qu'ils aimeraient manger. Chacun annonça son plat préféré, puis vint le tour de Rui.
"J'aimerais manger une pomme", dit-il, sachant qu'il était impossible de trouver des fruits à cause du rationnement.
A ce moment précis, on entendit un bruit. Et une belle pomme, brillante, succulente, entra en roulant dans la salle et s'arrêta devant lui!
Plus tard, Rui découvrit que l'une des filles qui vivaient dans cette maison était sortie pour chercher des fruits au marché noir. En montant l'escalier à son retour, elle s'était cognée et était tombée; le sac de pomme qu'elle avait acheté s'était ouvert, et l'une d'elles avait roulé à l'intérieur de la salle.
Coincidence? Eh bien, ce serait un mot très pauvre pour expliquer cette histoire.

Paulo Coelho "Le fleuve qui coule"

mardi 1 décembre 2009

une histoire de Sioux

Un ethnologue new yorkais reçoit un jour à Manhattan un de ses vieux amis sioux. Et comme à grand peine ils cheminent dans la cohue des gens, des voitures hurlantes, des gyrophares policiers, bref dans l'ordinaire boucan d'une avenue crépusculaire, à l'heure de pointe, le Sioux s'arrête soudain au coin d'une rue, tend l'oreille et dit :
- Tiens, j'entends un grillon!
Son ami s'étonne.
- Un grillon? Laisse tomber, mon vieux, tu rêves. Entendre un grillon à New York, dans ce vacarme?
- Attends, dit l'autre.
Il va droit à l'angle d'un mur. Dans une fente de béton poussent des touffes d'herbe grise. Il se penche, puis s'en revient. Au creux de sa main, un grillon.
- Alors ça, bafouille l'ami, abasourdi, c'est incroyable. Une ouïe fine à ce point là, c'est un truc de sorcier ou quoi?
- Pas du tout, répond le Sioux. Chacun entend ce qui l'habite et ce qui importe dans sa vie. Facile à démontrer. Regarde.
Il sort quelques sous de sa poche et les jette sur le trottoir. Tintements brefs, légers, fugaces. Dans la bousculade autour d'eux, tandis que les voitures, au feu du carrefour, klaxonnent, démarrent, rugissent, dix, quinze têtes se retournent et cherchent de l'oeil, un instant, ces pièces de monnaie qui viennent de tomber.
- Voilà, c'est tout, dit le Sioux.

Henri Gougaud
(envoyé par Marie)