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vendredi 30 septembre 2011

Il y taire et terre


La terre, transformée par la main de l'homme, 
invite à se taire.

jeudi 29 septembre 2011

Discipline et Liberté

Je continuais la lecture de la vie de Maria la Mineure, et notais les phrases qui me parlaient.


"L'âme humaine se plait davantage à ce qui est compliqué 
qu'à ce qui est simple."

"Trouver l'équilibre entre liberté et exigence, 
choix et obéissance, charité et nécessité."

"Nous sommes libres 
parce que nous ne voulons pas être quoique ce soit. 
D'autres voudraient réussir et, 
pour réussir, 
acceptent tous les renoncements. 
C'est étonnant combien les humains cherchent la réussite!"

"Quoique je dise, je me trompe" 
dit le proverbe d'Ombrie (c'est la région d'Assise).
La seule expression qui ne soit pas indigne, 
me semble t-il, d'un esprit conscient, 
est "Je ne sais pas"
En vénérant le mystère, 
notre foi communique à l'infini, à l'éternel. 
(Maria la Mineure)

Voilà une phrase que dit couramment Daniel MORIN. 
Comme quoi....

Enfin elle unit deux mots qui pourraient sembler opposer :

Discipline libre et Liberté disciplinée.

mercredi 28 septembre 2011

Prêtre ou moine

Parmi les personnes en retraite, il y avait un prêtre. Habillé comme tout le monde, rien ne laissait supposer son activité. Plutôt jovial, les yeux rieurs, voire malicieux, il était à la fois calme mais très vite prêt à parler. Un intellectuel en fait qui a écrit un livre sur un homme d'église particulier au Salvador.
A un moment il a parlé de son cheminement et de l'église.

Au fil de ce voyage, je me suis rendu compte de l'importance, pour ne pas dire la puissance, de l'église dans la société italienne. Le fait que le Vatican soit à Rome est d'un impact que l'on n'imagine pas dans les autres pays. Il y a des églises partout, dire à chaque coin de rue serait presque vrai. L'histoire de l'église est liée au pouvoir, et sa liaison avec le pouvoir politique et les affaires est tout à fait réel et reconnu.

On peut se demander alors quelle est la motivation d'un homme qui s'engage en religion. Soit il devient prêtre, soit il se fait moine. Vous allez me dire que ce n'est pas du tout pareil. C'est bien la question. Qu'est-ce qui fait choisir l'une ou l'autre voie?
Un prêtre a une vie assez laïque finalement. Il a une formation puis se met à transmettre ce qu'il a entendu, sans expérience concrête. Il répète bien souvent comme un perroquet. Combien de prêtres sont capables de faire un sermon sans lire? Et c'est bien ça le drame.

D'ailleurs ce prêtre disait qu'il s'était aperçu qu'il devenait un fonctionnaire de la distribution d'hosties. Ce qui le dérangeait. Il voyait bien que tout était figé, artificiel. Les gens venaient par habitude, conformisme, et dans un besoin finalement superstitieux. A un moment il a voulu changer, organiser une rencontre libre, sans horaire fixe, pour aller plus au fond des choses. Résultat : il a eu 3 personnes!
Il est donc resté fonctionnaire de l'église à ce que j'ai compris. Chacun fait comme il peut.
Ne comprenant pas tout, car il m'a fallu quelques jours avant que mon esprit se remette complètement à l'italien, je ne suis pas beaucoup intervenu dans la discussion. Mais pourquoi ne pas avoir choisi d'être moine? Ce n'est pas du tout la même chose, assurément.

En écrivant tout cela je réalise que les femmes n'ont pas le choix, elles ne peuvent êtres que soeurs, moniales, et pas prêtres. Cela nous renvoie au machisme de l'église (elle n'est pas la seule, il y a pire...), et à son aspect rigide, autoritaire, hiérarchique, tout comme le pouvoir en général.
Alors face à ce dilemme, ou on quitte l'église, ou on fait avec. Pour certains c'est faire du social, s'occuper des pauvres, être disponible. Tout au long de l'histoire il y a eu des cas illustres. Et même quelques cas qui au nom de la pauvreté ont fini par dénoncer la corruption de l'église avec le pouvoir et les nantis, non sans risque, certains en sont morts, assassinés.
Au fur et à mesure, je comprenais que c'était ce qui leur restait, ce qui lui restait, dans sa compréhension des écritures. Le social. Mais pas dans l'option de faire évoluer la conscience, de comprendre le sens et le but de la vie, de se libérer du mental. L'un n"empêche pas l'autre.

Un jour un couple est venu, et il y a eu une discussion entre ces deux hommes, expliquant leur position avec force théorie. Incroyable. A un moment j'ai dit quelque chose, mais je ne fus pas entendu. Alors je me suis tu, attendant que cela s'éteigne de soi même.

Toute la confusion vient de la mauvaise compréhension entre la pauvreté d'esprit et le fait d'être pauvre.
Devenir pauvre en esprit, c'est approcher l'humilité, c'est s'observer et reconnaître ce qui est, jusqu'à apaiser, par usure, le mental. C'est un travail sur soi qui demande de s'y consacrer à plein temps. C'est ce que sont censés faire les moines, ou toute autre personne qui s'engage vraiment.
On ne peut pas être diplômé dans cette démarche, que ce soit prêtre ou autre chose. Il faut passer par le chas de l'aiguille...
Chacun sa vie, chacun son cheminement...

lundi 26 septembre 2011

Tu seras aimé

Tu seras aimé

le jour où tu pourras montrer tes faiblesses 

sans que l'autre s'en serve 

pour augmenter sa force.

Entre amour et correction


"L'homme intérieur vit amoureusement. Pour réaliser une vie intérieure, un travail de construction et d'affinement spirituel est nécessaire. C'est à dire une discipline du coeur et de l'esprit, une humilité, une disponibilité à être corrigé. Et l'on doit soutenir un combat contre le mal (le mental)."

Le meilleur moyen de se discipliner n'est pas dans les privations ou l'éxécution zélée de ses devoirs, mais dans fait de "reconnaître nos torts par une parole qui révèle vraiment ce que nous sommes."

Correction veut dire tendre à la réforme de soi.

Maria la Mineure

"Il a l'air de ne rien faire,
mais il travaille à se corriger lui même.
Et avec cela, il sert."

Confucius


Les 7 propositions


Maria la mineure établit une règle, comme dans toute communauté religieuse, qui se compose de 7 propositions. Le terme proposition veut bien dire ce qu'il veut dire. C'est un enseignement en soi. Les voici avec leur développement.

1. Le silence.

2. Le Sacrum facere.
Qui comprend tout notre service religieux, l'attention, la diligence dans les plus petites choses, la ponctualité qui est respect et gentillesse, le fait de se tenir prêtes à Celui qui vient toujours.

3. L'agapé.
La sérénité aimable, spécialement au repas fraternel dans lequel tout doit être nourriture; la pitié réciproque; le service rendu avec joie.

4. L'humilité.
Qui est la racine profonde de la paix. Toute réponse modeste, toute simple reconnaissance d'un manque propre, toute admiration loyale des qualités d'autrui, tout désir résolu de fuir la vanité, de vaincre la jalousie et la colère, sont autant d'indices sûrs que l'âme humble est sur le chemin de la renaissance et de la paix.

5. L'exemple.

6. Le respect de Dame Pauvreté.

7. Le recueillement tranquille.
Dominer la hâte, l'affairement, l'impulsivité, non seulement ne diminue pas l'efficacité dans l'action, mais accroît la conception du travail lui même, protège la grâce intérieure et apaise l'esprit, la parole.

 "Soyez simples comme les colombes".

dimanche 25 septembre 2011

Coïncidence

Un soir, Maria Grazia nous parle de son frère qui va se marier avec une Salvadorienne. Et la fille de cette femme va aussi se marier avec le fils de son frère. C'est quand même peu banal!
Au moment où elle finit de nous raconter cela, son portable sonne (!) dans son sac. C'est son frère qui l'appelle! Nous rions de cette coïncidence. 
La vie est quand même très étonnante parfois.

Je crois (j'en suis sur en fait, mais peu importe) que les ondes, les vibrations, que l'on émet en permanence sont captées par ceux qui sont justement sur la même longueur d'onde. Une partie de nous même, ultra sensible, sans doute au niveau du corps énergétique, est comme une antenne et capte des informations en lien avec notre être profond. Puis cela doit se transmettre au cerveau, et cela peut se transformer ensuite en actes, en paroles, ou en pensées. Ensuite on dit je, comme si on avait décidé de quoi que ce soit...
La vie est bien plus mystérieuse que l'on imagine ou croit.
Dans une réaction vitale liée à la peur, on parle d'instinct de survie, c'est bien la preuve qu'il n'y a aucune volonté. Quand on cherche un nom, ou une histoire, que l'on a perdu, et puis qu'à un moment cela revient à notre mémoire sans effort, c'est du même ordre. La volonté n'a rien à voir. 

Tellement de choses se passent à notre insu, c'est à dire dans le puits de notre non savoir. Cela me fait penser que l'on pourrait aussi dire : "invu", tout ce que l'on ne voit pas.
Où est la volonté? Où est la maîtrise? Où est le "je" dans tout ça?
Croire que l'on maîtrise, c'est une méprise....

La vie est mystérieuse, n'est-ce pas extraordinairement magnifique?
Se laisser absorber dans cela, c'est découvrir un champ de possibles tellement plus large.
C'est bien cela l'inimaginable. Le mental imagine, mais il imagine à partir de lui, c'est son fonctionnement. Quand il n'est plus là pour nous polluer l'existence, la vie devient inimaginable, et donc merveilleuse...

samedi 24 septembre 2011

Rencontre avec Maria Grazia

Elle se nomme Maria Grazia. Est-il besoin de traduire?
Il y a une douceur particulière chez elle, un regard de bonté qui se transforme en sourire.
On prend un moment pour parler. Elle vient régulièrement ici, et a bien connu Brigitte, qu'elle a assistée dans les dernières semaines à l'hôpital où elle venait chaque week end (depuis les environs de Florence).
"Brigitte me manque, me dit-elle, elle était tellement simple, accueillante, se souvenant de ce que je pouvais lui dire et me demandant des nouvelles de chacun dans ma famille dont elle retenait le nom. C'était ma référence spirituelle. Je me sens un peu seule sans elle..."
Comme je peux comprendre. Si l'ami spirituel part avant d'avoir suffisamment grandi soi même, d'avoir suffisamment été nourri dans cette relation si pure, il y a une tristesse, un sentiment de manque.
Elle me parla des derniers moments de Brigitte, et me raconta une histoire étonnante.


Maria la Mineure était en train de vivre un moment difficile, comme cela peut arriver quand on chemine. A ce moment exact un rouge gorge apparaît, et elle s'entend dire : "Courage."
A l"hôpital où était Brigitte, dans la ville de Pérouse (où est né Saint François), un jour elle vit apparaître un rouge gorge à sa fenêtre (à l'étage). Et Maria Grazia de dire : "Tu imagines? En pleine ville, parmi les immeubles, sans arbre à côté, un rouge gorge!"
Brigitte se remémora l'histoire avec Maria la Mineure et y vit un signe.
Elle souffrait réellement, à la fin, avait considérablement maigri, mais ne se plaignait pas, disant : "La maladie est une amie particulière, accueillons la comme les autres amis..."

Merci Maria Grazia, merci la vie pour cette rencontre.

vendredi 23 septembre 2011

la porte est fermée


La porte qui sépare l"eremo du chemin d'arrivée est en bois avec des bâtons qui font grille. Mais l'ensemble a vécu, c'est tout le charme. Il y a un cadenas avec une chaîne. Voulant rejoindre ma voiture pour y chercher quelque chose, je découvre la chaîne autour du cadenas. Je retourne à l'intérieur et trouve Lucia, la "soeur" la plus jeune. Je lui explique la chose. Elle me dit que le cadenas n'est pas fermé et qu'il n'y a qu'à soulever la chaîne, en tout cas c'est ce que je comprends avec ses paroles et ses gestes. Je retourne au portail, voit bien que le cadenas est fermé, et qu'il n'est pas possible de l'ouvrir. La grosse chaîne est autour. Je retourne donc vers l'intérieur où je retrouve Lucia et lui explique que le cadenas est bien fermé. Avec le sourire elle m'accompagne. Arrivé au portail elle soulève la chaîne qui était juste accrochée avec le cadenas, mais pas dans le cadenas. Je n'avais pas bien regardé, et n'avais pas bien compris. Je lui fais mes excuses. Elle me répond par un sourire, et retourne à son labeur.
Je me suis dit, outre le fait que j'étais un idiot, qu'elle m'avait montré un exemple de disponibilité, s'était déplacée avec le sourire, tout en sachant qu'elle avait raison.
Alors quand elle me regardait au repas, on mangeait l'un en face de l'autre, je lui faisais un sourire.

jeudi 22 septembre 2011

Dans la grotte

Il y a donc une grotte... La première fois je pris la lampe de poche pour descendre les quelques mètres. C'est un couloir voûté qui descend sous terre. Le sol est inégal. Arrivé au fond, il y a de toutes petites alcôves creusées dans la roche. Je m'asseyais là, dans le silence du coeur de la terre, et dans le noir. Le silence des pensées est une autre histoire.
Au bout d'un certain temps, l'oeil s'habitue à la pénombre, car la porte qui donne sur le cloître reste entrouverte. Si bien que les fois suivantes, je descendais à tâtons dans le noir. Il faisait presque frais. En remontant je pouvais sentir la température remonter progressivement.
La première fois que je l'ai découverte, avec Brigitte, elle m'a dit qu'elle y avait passé des heures et des heures  dans le face à face avec soi même.
Solitude et silence...
Cette nécessité pour se rapprocher de soi même, puis de Lui...

Ecouter le silence
Saint Augustin

La vie ici me donne la chose la plus chère 
au coeur de l'homme :
La tranquillité dans le silence.
Euripide

QUI GARDE LE SILENCE
EST GARDE PAR LE SILENCE

l'eremo

Je logeais au pied de cette tour. 
Au petit matin, je m'asseyais sur le banc à gauche. 
Dans la journée un rideau retenait les ardeurs du soleil.

Le soir après le repas, je montais sur la terrasse
regarder le soleil se coucher sur l'Ombrie. 
Je n'étais pas le seul...
De là haut, on voyait le jardin potager, 
et le reste du monde en contrebas.

l'eremo

Les journées sont simples : lever à l'aube, assise en silence, contemplation du paysage, lecture, prière du matin à 8 H avec tous, petit déjeuner, la matinée est libre sauf s'il y a quelque chose de particulier de proposé, mais en général il n'est pas demandé de participer à un travail quelconque, prière à midi, repas, retrouvailles vers 16 H pour partager auprès d'une boisson, prière à 19 H, repas, puis veillée à 21 H où l'on partage aussi et où les soeurs font des choses de leurs mains.
On ne peut pas dire que cela soit très contraignant, puisqu'il n'y a que 3 temps de prière. Il y a beaucoup de temps libre où l'on peut choisir entre promenade, lecture, assise, écriture, ou même rencontrer un autre retraitant. Bien sur ce n'est pas le but de trop parler car le silence est plutôt recommandé, et les petites cellules sont toutes séparées afin que chacun ne soit pas confronté à l'autre et puisse rester seul.

Un matin nous montons au cimetière, situé dans une enceinte à l'extérieur, entourée de hauts murs. Aucune pierre, mais des sortes de toutes petites barrières avec des branches, ressemblant à des couffins ou des paniers, autour de chaque soeur enterrée. L'extrême simplicité jusqu'au bout. Le nom, une croix en branchage. C'est tout. Daniela nous raconte la vie de chacune. La dernière est Brigitte. C'est comme si je la sentais... Puis le petit groupe s'éloigne. Je reste en pleurant. Deux enterrements (ou presque) d'êtres plus que chers à quelques jours d'intervalle, le coeur est tendre.

Je fais "mien" ce que je lis de Maria la mineure :

"La prière, c'est le sens permanent de la présence de Dieu. C'est tout faire avec une conscience éveillée et frémissante. La prière est un état, non une action."


"La joie me fait penser à l'olivier. Il n'y a pas de plante plus tourmentée, elle s'enracine dans le rocher; on ne sait pas de quoi elle vit. Puis le broyage de l'olive donne finalement l'huile, la joie."

"La vie chrétienne est un combat pour atteindre la sainteté. Vivre est un combat inexorable. En réalité un chrétien n'a pas le choix : ou il se sanctifie, ou il n'appartient pas au Christ."

Pour ceux qui ont du mal avec ce mot de "chrétien", on peut le remplacer par disciple, au sens où l'entendait Swami Prajnanpad.

mercredi 21 septembre 2011

Temps perdu

L'HEURE QUI PASSE EST L'HOTE 
QUI NE REVIENT PLUS

Maria la mineure

Maria la mineure

L'eremo francescano est un ancien ermitage datant du Moyen Age. Il fut trouvé en ruines par Maria dite la Mineure dans les années 20. Cette femme, poussée par un élan spirituel authentique, mais ne se situant pas dans le cadre de l'église, était à la recherche d'un lieu où elle pourrait vivre dans la simplicité, le travail et la prière, dans l'esprit de Saint François. C'est ainsi qu'elle trouva cet endroit, à la fois retiré et en hauteur, qu'elle entreprit de restaurer. D'autres femmes vinrent la rejoindre. Elles vivaient donc en communauté restreinte, à la fois retirée, mais accueillant en même temps.

Elle était en "amitié sacrée" avec un homme d'église, Ernesto Buonaiuti, figure du modernisme, qui était très critique envers le Vatican (excommunié et opposant au fascisme), avec qui elle échangea beaucoup. Elle eut aussi l'opportunité de rencontrer Gandhi, de passage à Rome, avec qui elle garda une relation épistolaire, de même avec le docteur Schweitzer qu'elle n'a jamais rencontré par contre.

Lorsque j'ai découvert ça, j'y vis encore une étrange coïncidence. En effet, l'un des premiers livres que je reçus enfant était sur Saint François, puis j'ai lu un livre sur la vie du docteur Schweitzer, enfin ma première grande référence fut Gandhi...

Maria la Mineure rédigea une règle de vie, pour elle et ses compagnes, dont certaines étaient très simples, voire illettrées, et transmit son expérience, comme un journal. Un recueil existe aujourd'hui, ainsi qu'un livre sur son histoire, que j'ai donc lu sur place.
J'eus aussi l'occasion de découvrir son visage sur une photo ancienne.
Sa démarche était la simplicité, la rigueur, la pureté, la beauté. Très sensible à la musique aussi, ce qui la rapprocha du docteur Schweitzer entre autres.

Lors de ma première visite dans ce lieu, il y avait encore des soeurs qui l'avait connue.

mardi 20 septembre 2011

Tout de suite

QUE C'EST LONG D'ETRE TOUT DE SUITE

Maria la mineure

l"eremo

La chaleur est torride, mais à l'intérieur il fait frais. Le cloître comporte une partie qui serait comme une pièce couverte par des voûtes, apportant ombre et fraîcheur. C'est d'ici qu'une porte donne sur une minuscule chapelle, puis sur un accès vers la grotte où des ermites venaient méditer depuis le Moyen âge, et peut être avant. Saint François y serait venu.
Par un couloir, on descend vers le réfectoire, éclairé par une seule fenêtre en hauteur, qui donne lumière mais pas vue. Au sol des dalles, un plafond voûté, des tables en bois très sombres qui semblent flotter car on voit à peine les pieds au centre, ce qui est une constante dans les ermitages liés à Saint François.
Je n'ai pas demandé à prendre des photos de l'intérieur, car je ne le sentais pas (la photo ci dessous vient d'un autre ermitage).
Le couvert est mis avec délicatesse. Des napperons jaune bouton d'or, brodés à la main, de jolies assiettes, des serviettes, les pichets d'eau en terre, du vin de pays, le pain dans une panière avec un tissu brodé dessus qui le cache... Tout est détails, tout est pureté, tout sent l'attention. La mère fondatrice était très exigeante, et si la simplicité était de rigueur, cela n'empêchait pas la beauté, au contraire, pour magnifier l'ordinaire.
Le soir quand on descendait ce couloir, avec pour seul éclairage une bougie au fond, c'était un recueillement en soi, une telle ambiance comme un cadeau silencieux.
Tout est nourriture. Ici le lieu a été restauré à l'ancienne. Tout se fait à la main. La présence du bois tranche avec les murs recouverts de chaux aux tons doux. La fermeture des portes ne comporte pas de poignées mais  un système en bois qui s'emboîte et que l'on tire d'un côté avec une ficelle. C'est d'autant plus silencieux.
Même s'il y a peu de personnes, cela vibre de partout, car la matière partage la musique du vivant. L'habit des soeurs, qui n'appartiennent à aucun ordre en réalité, a un aspect traditionnel qui ajoute à l"élégance de l'ensemble. Comment ne pas être touché?

lundi 19 septembre 2011

l'eremo




La chambre est simple, mais chaleureuse, par la présence du bois et des quelques objets posés avec précaution. Juste ce qu'il faut : un lit, une table avec un plumier où l'on trouve de quoi écrire, une petite armoire, une bassine pour se laver avec de l'eau dans un seau, de l'eau fraîche dans un pichet en terre, une bougie dans un tiroir, et un wc caché dans un coffre en bois dans un angle.
Il n'y a ni eau courante, ni électricité. Un petit bouquet et un brin d'olivier nous accueille.
Un recueil  (en français) m'est laissé, racontant la vie de Marie dite La mineure, qui fonda cette communauté.

l'eremo

Dans le parc, il y a des inscriptions sur des bouts de bois accrochés au troncs des arbres...

L'arbre du silence donne le fruit de la paix

Il vous arrive une merveilleuse providence 
à travers les épines

Là où l'ordre est déficient
la vertu ne suffit pas

l'eremo

Il y a plus de 30 ans, j'avais découvert un ermitage dans la région d'Assise, qui m'avait émerveillé, de par sa simplicité, de par l'accueil que j'y avais reçu, de par son silence. J'y étais resté quelques jours, puis revenu plusieurs fois, et étais resté en relation avec la soeur française responsable de l'eremo : Brigitte. J'en ai parlé dans mon cheminement.
Brigitte est morte il y a près de cinq ans, toutes les anciennes l'étaient déjà aussi. Il restait Daniela, une bonne génération plus jeune. Le but n'était pas de vivre seule, car ce lieu avait été créé pour une vie simple de prière et de travail à quelques unes, dans un certain retirement certes, mais à plusieurs, même très peu, et pour l'accueil. Se demandant ce qu'elle allait faire, la vie lui envoya un mois après une jeune soeur ayant déjà vécu dans une congrégation, qui se sentait tout à fait bien dans ce lieu. Une autre jeune femme les a rejoint depuis deux ans.
Je le retrouve dans sa pureté originelle, dans son silence et sa simplicité, dans son évidente éternité.
Je suis d'ici. Je ne l'ai jamais oublié. Il ne m'a jamais quitté.
Lorsqu'il fut créé, puis restauré, l'intention était si intense et pure que cela est inscrit à jamais dans les murs. Il est dans son originalité, dans ce qui nous rapproche de nous même. Il n'y a rien d'autre que cette attirance vers le plus haut qui doit dépasser tout.
Le cloître est tout petit, enveloppant, au coeur de l'eremo. On ne peut pas tourner autour. La masse des murs est telle que le silence s'impose. Aucune vue, aucun recul, sinon sur soi même.

dimanche 18 septembre 2011

Portofino

Le plus joli port que je connaisse

samedi 17 septembre 2011

le chemin

LE CHEMIN
CE N'EST PAS ALLER DE L'AVANT
C'EST PRENDRE DU RECUL

vendredi 16 septembre 2011

Grands Panneaux Salutaires (GPS)

Panneaux rencontrés le jour de mon arrivée à Hauteville.


Je reprend la route après l'enterrement et trouve ces panneaux, l'un le soir même, l'autre le lendemain matin.
Curieux, amusant, clin d'oeil...
Comme j'en ai déjà parlé, j'aime et suis attentif aux signes, aux panneaux indicateurs du jeu de piste subtil  qu'est la vie (comme dit Sevim), qui sont plus nombreux que l'on pense, quand on ouvre l'oeil. Comme si ce que l'on a en tête, consciemment ou non, s'inscrit devant notre regard.

jeudi 15 septembre 2011

Veillée auprès d'un Maître



C'était le dimanche soir, dans le dojo, le cercueil d'Arnaud reposait au milieu, et nous étions autour, de plus en plus nombreux autour, de plus en plus avec lui...
Ce fut une veillée lumineuse, une dernière fois en sa présence, que cela se sentait.
Des moments de silence, des chants...
Cet Halleluyah magnifique, composé par Léonard Cohen, que chante magistralement K.D. Lang, fut interprété superbement par Pascal Pourré, et nous reprîmes les Alleluias en coeur...
Il y eu Nur, le Dhikr, ce qu'elle dit...
C'était il y a un mois, gravé à jamais dans un coin de ma mémoire.
Ce chant y restera associé pour toujours.

mercredi 14 septembre 2011

Aiguebelle

Le lendemain je me rendais à l'abbaye cistercienne d'Aiguebelle.
J'y découvre une salle en hommage aux sept moines de Tibhirine assassinés dans leur prieuré en 1996. L'ambiance est tout à fait religieuse, dans le sens où l'on se sent en intimité avec ce qui s'est passé, avec ces moines qui ont choisi finalement de rester alors qu'ils en connaissaient les risques.

Deux d'entre eux étaient passés par Aiguebelle :


Le frère Luc Dochier, surnommé le toubib, qui partit soigner les prisonniers de guerre en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale et se constitua lui même prisonnier à la place d'un père de famille. Il soignait tout le monde en Algérie, quelle que soit sa religion ou sa tendance politique. Ainsi il était très apprécié des Algériens qui le considéraient comme un saint homme, un marabout. Marthe Robin, à qui il rendit visite, lui prédit qu'il ne manquerait jamais de médicaments, ce qui fut le cas.

Le frère Christian de Chergé, qui devint le prieur de la communauté, parlait arabe et favorisa le dialogue islamo-chrétien. Il travaillera sur le Coran, le nom d'Allah et le Dhikr. Je ne savais pas que j'allais en vivre un le soir même!
On découvre ce témoignage :

Il revient en Algérie en 1959 comme jeune officier, et il se souviendra toujours d’avoir eu la vie sauve au cours d’une embuscade grâce à un Algérien qui risqua sa vie pour le sauver : Mohamed, un musulman garde champêtre algérien, père de dix enfants. À Christian qui lui avait promis de prier pour lui, Mohamed avait répondu : « Je sais que tu prieras pour moi. Mais vois-tu, les chrétiens ne savent pas prier ! » Lors d’une altercation dans la rue, Mohamed va protéger Christian de la mort. Or, le lendemain matin, Mohamed est retrouvé assassiné. Christian n'oubliera jamais son ami, sa vie entière en sera bouleversée :
« Dans le sang de cet ami, j’ai su que mon appel à suivre le Christ devrait trouver à se vivre, tôt ou tard, dans le pays même où m’avait été donné le gage de l’amour le plus grand. »


Il pressent son enlèvement et écrit ce texte envoyé à sa famille :  "Quand un A - Dieu s'envisage."


« S’il m’arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd’hui - d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays [...] Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais, oui, pour toi aussi je le veux, ce MERCI, et cet « A-DIEU » envisagé pour toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. »

Je reste assez longtemps dans cette salle, comme une chapelle ardente, exposant des photos, des textes, des sculptures. Je me sens comme une miette...

mardi 13 septembre 2011

A l'école des cols

Les routes de montagne sont autant d'invitations à s'arrêter dans un village, ou pour profiter d'un point de vue. J'allais ainsi découvrir le massif d'Authion, puis Saint Martin du Vésubie avec sa rue centrale ou s'écoule l'eau de la montagne dans un caniveau  en creux en plein milieu. Enfin emprunter cette soi disant plus haute route d'Europe qui mène au col de la Bonette. Une route fait le tour de la cime de la Bonette et culmine à 2 802 m. Le paysage est lunaire, désolé, presque angoissant, bien que grandiose de par la chaîne de montagnes qui s'étale autour, en particulier au nord. La nuit va tomber et je redescend sur 2 km avant de trouver un endroit pour dormir. L'idée est de se lever tôt pour remonter au sommet voir le lever du soleil sur les massifs.


Le lendemain un ciel couvert au petit matin ne me permettra pas de garder une vue mémorable des massifs.
Je continue sur Barcelonnette, où j'arrive vers 8 H. Je me ballade dans les rues et regarde le marché s'installer. A un moment je découvre un bureau de guides de montagne avec une affiche de via ferrata. Je note et me dis que je pourrais aller demander des renseignements à l'ouverture. En repassant un peu plus tard, je remarque que le bureau n'ouvre qu'à 9 H et demi. Je prends le nom du village où se trouve cette via ferrata, qui est plus ou moins sur ma route.

Après un arrêt dans un petit village en hauteur au dessus du lac de Serre Ponçon, avec le soleil cette fois, je m'enfile dans une vallée jusqu'au village de Le Caire. C'est là que je vais découvrir la via ferrata de la grande Fistoire, qui me semble plus impressionnante que celle de Tende. Sur le moment je me demande si je peux la faire. Je me renseigne, j'apprends que c'est complet car les équipements sont retenus par téléphone. Mais je peux repasser dans une demi heure au cas où il y aurait un désistement. Encore une fois la chance sera de mon côté, puisqu'une personne attendue ne viendra pas. Je pars le dernier et rejoins un groupe de 4 jeunes, ce qui va me rassurer un peu. Deux d'entre eux sont moniteurs dans un site accrobranche, font un peu d'alpinisme ainsi qu'une jeune fille. J'aurais droit à quelques conseils.


Le site est impressionnant car l'à pic fait 250 m. Cette via comporte la passerelle la plus longue des Alpes : 60 m située à 100 m de hauteur, ainsi que 3 longues tyroliennes allant jusqu'à 220 m de long. Rien que ça vaut déjà le coup. La montée a des parties assez difficiles à très difficiles. Je ne rentre pas dans les détails, puisque je l'ai fait pour l'autre. Mais c'est assez vertigineux, autant vu d'en bas, qu'en cours de grimpée.
Le soir, j'irais dormir près du col de l'ange...

sur la route

Après être redescendu, je rends l"équipement, et rejoins la voiture d'où je vois la passerelle que je prenais pour un câble vue la distance. En partant je reprends quelques photos du village en le voyant de loin.
Je viens de passe deux jours en montagne complètement imprévus, qui m'ont comblés. Que vais-je faire ensuite? Je rallume mon portable. Je découvre alors plusieurs messages, dont je remercie les auteurs, m'annonçant la mort d'Arnaud Desjardins. Je décide bien sur de faire demi tour pour aller à l'enterrement.
Je me dis que le fait de ne pas m"être précipité vers l'Italie fut une bénédiction, comme si quelque part il ne fallait pas que je m'éloigne de trop de ce lieu de retour. C'est mon sentiment très intime que quelque chose m'a freiné pour éviter d'être trop éloigné.

J"étudie la route pour rejoindre l'Ardèche. Je découvre un col et une route indiquée comme la plus haute d'Europe, le genre de qualificatif qui m'attire complètement. Le chemin pour m'y rendre me fait d'abord emprunter une route au multiples lacets. Dans un virage je découvre une chapelle perchée sur un piton. Y arrivant il y a un tout petit parking et un pont au dessus de la route qui permet de rejoindre cette chapelle. Je m'arrête et prend ce pont piétonnier qui donne sur une montée vers la petite église. C'est un chemin empierré, bordé par un parapet, comme si le pont se continuait en montant vers la chapelle. Cela se termine par des marches, et dans l'axe du pont, on a vraiment l'impression de monter au ciel. Quel beau symbole! Découvrir ce chemin qui monte, et arrive sur une placette avec pour seul bâtiment une chapelle, dominant une vallée encaissée, le jour où j'apprends la mort d'Arnaud...

Je fais des photos, qui là encore vont disparaître dans l'effaçage réel du monde virtuel. Je vous laisse imaginer à moins que je retrouve ce site à travers internet. En tout cas je voyais cela comme un signe fort.
Là encore je me dis que tout cela est complètement imprévu, puisque deux heures auparavant je ne savais pas que j'allais passer par ici. Cela me conforte complètement, une fois de plus, sur le fait qu'en se laissant guider on peut vivre des moments fabuleux grâce à des rencontres tout à fait étonnantes.

Je viens juste de regarder sur Mappy et réussis à retrouver le virage et le pont, mais en agrandissant au maximum, la photo satellite ne rend rien. En tout cas je sais exactement où c'est. Ca y est, je l'ai trouvé!



C'est la chapelle de la Menoure. Curieusement le nom contient "noure" (Nur) que j'allais découvrir deux jours après à Hauteville!

lundi 12 septembre 2011

Désir et réalisation

Après cette découverte, importante pour moi car concrétisation d'un rêve, je faisais le point en descendant le sentier qui me ramenait au village. J'avais lu quelques témoignages de personnes qui avaient fait des dizaines de via ferrata. Là je sentais bien que ce n'est pas ce que je chercherais. A moins d'avoir une vraie passion pour en connaître le plus possible, ce qui n'est pas mon cas, en faire juste quelques unes me semblait suffisant pour passer d'un vieux rêve à un accompli qui me laisse en paix.

Chaque désir est différent, et chacun est différent dans sa capacité à le vivre. Je découvrais aussi qu'avec l'âge, mais plutôt avec l'expérience de la vie et la conscience que l'on met dans ce que l'on fait, le vécu change. On peut refaire dix fois, cent fois les mêmes choses, sans l'avoir vécu une seule fois en pleine conscience. Et l'on continue de chercher à chaque fois une sorte d'idéal. A l'opposé on peut vivre une seule fois un type d'expérience, et en être nourri pour que l'on n'ai plus besoin de la répéter. C'est une question de conscience, et donc d'être. Plus on est, moins on a besoin d'expériences diverses.
Cela fait aussi que le retour sur l'expérience, le débriefing comme on dit, est plus objectif. Quelle était la demande, quel fut l'investissement, était-on présent lors du vécu, que ressent-on au moment où, après, est-on encore dans le rêve ou dans un réel état de contentement?....
Un rêve a toujours tendance à enjoliver les choses car il y a beaucoup d'imaginaire, et il n'est donc pas objectif. Alors que dans la réalisation, il est tellement important de voir tous les aspects de nous même qui étaient en jeu.

Je sentais bien que, la chance aidant, j'étais tombé sur quelque chose de suffisamment fort pour être confronté à mes limites, ce qui est important pour que l'attente soit comblée. Soit on est dans un chemin de progression, et donc on y va par étapes, soit on peut sauter certaines étapes et goûter assez vite ce à quoi on voulait se confronter. Tout dépend de l'entreprise et de notre point de départ. C'est complètement personnel. Quelqu'un qui veut piloter un avion va forcément passer par l'apprentissage. Quelqu'un qui est un passionné de restaurant peut viser tout de suite du très haut de gamme, mais à condition d'être capable d'apprécier.

Enfin, il ne s'agit pas non plus d'en ressortir comblé, et d'entendre une petite voix intérieure qui demande : "Et maintenant que vais-je faire? Je n'ai plus de rêve, vite un autre..." C'est justement là où la conscience d'être fait toute la différence. Suis-je plus avec un rêve accompli?
Alors que l'on peut arriver tranquille, vivre son truc le plus consciemment possible, avec effort et peur si c'est le cas, toujours relativiser car la conscience témoin est là, et repartir tranquille. Une partie de nous en demande s'est tue, car il y a eu une intelligence globale qui a bien géré l'ensemble. Le contentement qui a lieu est de l'ordre de ce qui se passe dans la profondeur invisible de l'être, pas dans une excitation joyeuse de surface.
Plus on est présent, mais vraiment présent, moins on est pris dans le mental qui lui est toujours insatisfait. Et la qualité de la présence, ce n'est pas une affaire de quelques moments magiques, c'est un travail qui s'installe jour après jour. Ainsi ce que l'on envisage de vivre dans un mois, dans un an, en tant que projet, démarre dans la présence tout de suite...

dimanche 11 septembre 2011

A propos de la peur

Je suis parti avec 2 livres dont un de Krishnamurti, et je lis :

"ETRE SANS PEUR,
C'EST REGARDER LA PEUR EN FACE."

Si la peur est trop grande, on ne fait pas, ce n'est pas pour nous. Où est le problème?
Si on a peur, mais qu'elle ne nous empêche pas d'agir, alors on agit, et on vit d'instant en instant. OK, j'ai peur, mais je peux continuer encore. Mes moyens ne sont pas anéantis, peut être même pas diminués. Je regarde cette peur, et je découvre petit à petit qu'elle est une illusion, une idée que je me fais de la mort.
Le corps est intelligent, il sent ce qu'il peut faire ou pas. Il peut essayer, et faire marche arrière s'il le faut. Où est le problème quand l'évidence parle? Mieux vaut essayer quelques secondes en conscience, plutôt que de rester dans les pensées du non vécu.

Via ferrata (suite)

Après le passage de 3 petits ponts de singe, c'est un passage en dévers, c'est à dire que le rocher n'est plus vertical, mais nous oblige à être penché en arrière, ce qui tire un peu sur les bras, car les pieds ne sont plus un reposoir. Heureusement il ne s'agit que de 2 ou 3 m. Je découvrirais ensuite que c'est une via ferrata considérée comme très difficile. Pour une première c'est une première!
Arrive ensuite une pointe qu'il faut contourner mais dont on ne voit pas les prochains échelons...

Puis c'est la première tyrolienne.
Imaginez une plate forme en bois d'un m2 au dessus du vide, perpendiculaire à la muraille, et retenue par deux grosses chaînes, comme un pont levis. Je rejoins l'Italien devant moi qui se prépare, alors que l'autre vient de s'engager dans cette glisse d'une quarantaine de mètres. En dessous le vide. Maintenant je m'en fiche. Mon univers se passe à quelques dizaines de cm entre câble et mousquetons.
Je m'accroche dans une situation peu confortable, assure, vérifie tout (il y a un autre type de mousqueton pour ça), et me lance. Ce n'est pas la peine de se demander si ça va tenir, de penser au vide ou à tout ce que l'imagination pourrait faire naître comme peur éventuelle, puisque tout est vérifié et que des dizaines de personnes y passent chaque jour. Le seul risque est de mal s'accrocher. On a une démonstration à la location du matériel, il faut s'y tenir.
Me voici glissant dans le vide, mais je ne regarde que le point d'arrivée. Cela ne va pas si vite que ça. En fait, je n'arrive pas jusqu'au bout, et je fais les derniers mètres en me halant par les mains après m'être retourné sur les conseils des Italiens.

Puis les échelons recommencent. En fait, je m'y suis déjà habitué, et poursuis sans difficulté. Arrivé en haut, je pousse un ouf de soulagement quand même. Ce n'est pas vraiment de l'ordre du plaisir, c'est très physique. C'est de l'ordre du tenir bon, de dépasser ses peurs, l'appréhension de ce que l'on découvre en démarrant, d'aller jusqu'au bout. Une première fois est toujours particulière par la nouveauté car on n'a aucune idée de l'expérience. J'avais juste vu des photos, avec des paysages souvent superbes. A vrai dire je n'ai pas pris le temps de m'arrêter pour contempler.

Il y a ensuite une petite passerelle en bois, c'est en fait ce que j'avais vu du parking. Puis on prend un sentier qui monte encore, avec un peu de rocher avant que d'arriver à une deuxième tyrolienne, encore plus longue. Départ toujours sur une plate forme dans le vide. C'est OK. En fait, avec le recul, je me dis que plus il y a des risques apparents, en tout cas une situation d'inconfort, plus cela demande d'attention. Et dans ce genre d'action, il n'y a plus de pensée, juste bien faire ce qui est indispensable.
Je m'accroche et me lance. C'est tranquille, la durée fait qu'on en profite vraiment. On se laisse aller, là ce n'est que du plaisir. Une famille qui est arrivée par la voie "facile" me demande de réceptionner un jeune. Je l'attends. Je vois en le réceptionnant qu'il n'avait pas mis le bon mousqueton sur le câble. Je crie les instructions au père pour l'autre enfant.

Et je redescend par un sentier les quelques 300 m de dénivelé.

samedi 10 septembre 2011

Via ferrata (suite)

Me voici au point de départ de deux parcours : le difficile ou sportif, et la voie de délestage pour ceux qui n'auraient pas compris ce dont il s'agissait.
Les Italiens font le sportif, je suis bien sur. Cela commence par un pont de singe (marcher sur un câble) sur environ 20 m. Puis c'est de la falaise, c'est à dire une paroi verticale avec des barrots, et le grand vide en dessous.
 Le néophyte que je suis découvre. Ce n'est pas que je voulais démarrer par ce qui m'apparaît comme pas facile, mais je suis tombé dessus par hasard (heureux bien sur), et je dois me lancer. Ensuite c'est choisir le niveau en fonction de mes aptitudes. Et là tout en sachant bien que je n'ai plus l'énergie et la résistance d'une jeunesse disparue, je fonctionne avec mes désirs de jeunesse, c'est à dire le gout du risque, et me frotter à mes limites. Dans ma tête, il n'y a pas de raison que je n'y arrive pas. En même temps c'est la découverte totale, et cela n'a pas de prix.

Vue de Tende en arrière plan

Les italiens, 2 hommes et une femme, d'une quarantaine d'années, passent sur le pont de singe : un câble pour les pieds et deux pour les mains. J'observe. Les deux mousquetons sont accrochés aux câbles supérieurs.
Marcher sur un câble à 4 ou 5 m de haut comme dans les circuits accrobranches, est une chose. Là ce n'est même pas la peine de regarder en dessous, il y a plusieurs dizaines de mètres. Rien que regarder en bas donne le vertige, et vous fait sentir que vos bras vont lâcher. Donc regarder les câbles, respirer, et avancer doucement.
Une fois arrivé de l'autre côté, je découvre ce qu'il va falloir faire : monter aux barrots fixés dans le rocher. Et surtout accrocher les mousquetons sur un câble et l'autre sur un barrot. Si on rate une prise, si un bras lâche, bref si on chute, il faut tomber du moins haut possible pour ne pas se faire mal. Le câble est par tranches de 2 ou 3 m, afin là aussi de prévenir une chute de plusieurs mètres sur lequel le mousqueton glisserait. La sécurité c'est donc d'être accroché court sur un barrot. Donc on monte, on accroche un mousqueton, on décroche l'autre, on le réaccroche, on remonte un peu, et on recommence ainsi jusqu'en haut.
Là encore escalader une échelle de 5 m c'est rien, escalader une paroi à pic, bien verticale avec plusieurs dizaines de mètres en dessous, voire 100 ou plus, c'est autre chose. Il faut se concentrer sur chaque geste, ne pas penser, et respirer, souffler. C'est seconde après seconde. La vraie vie, quoi!
Au bout de 5 minutes je me dis que si je tombe, cela ne sera pas facile de se reprendre, surtout qu'une fois lancé dans une telle aventure, c'est impossible de faire demi tour ou quasi! De plus il n'y a aucune surveillance, c'est à chacun d'être responsable.

Petit à petit je prends une certaine assurance. Je me tiens par une main en décrochant de l'autre le mousqueton, tout en essayant de fatiguer le moins possible le bras qui tient.
Un nouveau pont de singe. J'imagine que l'on est plus haut qu'au premier, et je ne regarde même pas en bas. Je vise l'horizontale au dessus ou sur les côtés au loin.
Parfois il n'y a pas d"échelon, mais des appuis basiques sur le rocher pour poser les pieds. Mais comment ont-ils pu installer tout ça? Et dire qu'il y en a qui font de l'escalade à mains nues : de la pure folie! Si j'étais né à la montagne, serais-je encore vivant?

ma première via ferrata

En repartant le lendemain, je décide de retourner voir Tende au matin espérant avoir un peu de lumière pour faire des photos. En y arrivant, le soleil ne frappe pas encore le village, et j'en profite pour faire un tour. Levant la tête depuis la place où j'ai garé la voiture, je remarque une sorte de câble au dessus du village. Tiens, tiens!
Puis en me dirigeant vers l'église, je vois indiqué ; "via ferrata". Après avoir vu l'église, je vois des jeunes passer avec l'équipement pour la via ferrata. Je descends vers le centre, et en vois d'autres sortir d'un magasin de sports avec le même matériel. J'y rentre à mon tour et m'enquiers sur la via ferrata. On me dit que l'équipement se loue ici, le ticket se prenant à l'office du tourisme.
Je n'hésite pas une seconde. Enfin une via ferrata, comme j'en rêve depuis si longtemps. Il se trouve que quelque temps avant les vacances, j'avais regardé 2 sites internet à ce sujet, au cas où... Le sud ouest n'est pas la région où on en trouve.


Peut être certains ne savent pas ce qu'est une voie ferrata. C'est un moyen de faire de l'alpinisme, mais en toute sécurité. On porte un harnais avec deux mousquetons, ce qui permet d'être accroché à un câble par sécurité. Il y a plusieurs niveaux de via ferrata. Certaines sont faciles, presque de la ballade, mais avec le précipice à côté, d'autres sont de la paroi complètement verticale, et l'on monte sur des échelons en fer (d'où le nom), avec des passages parfois en dévers, ou bien avec des vires où l'on pose les pieds. On peut avancer sur le côté, en crabe, ou carrément escalader en vertical. Certains passages peuvent être vraiment scabreux, et puis il y a la hauteur qui peut atteindre 100, 200 m, voir plus, au dessus du vide. Déconseillé si on a le vertige. Enfin certaines sont vraiment physiques, ou assez longues.
En plus, cerise sur le gâteau, il y a ce qu'on appelle des ponts de singe, c'est à dire un câble pour mettre les pieds, et un ou deux autres en hauteur pour se tenir avec les mains, le tout au dessus du vide. Il y a aussi des passerelles, légères et qui bougent un peu, en bois, et des tyroliennes (ces câbles auxquels on s'accroche, et où on se laisse glisser sur une certaine longueur).


Je m"équipe, achète un ticket, et reprends la rue qui monte. Après un quart d'heure de sentier, j'arrive au point de départ du parcours, avec 3 italiens. Tout d'un coup je réalise le niveau!

vendredi 9 septembre 2011

quelques pensées et dodo

Le soir, dans le duvet, je me sens paisible, fatigué mais sans plus. Je fais attention à tout ce qui passe dans ma tête. J'avais envie de voir cette vallée, c'est fait. J'ai marché à mon rythme, je me suis arrêté quand je le sentais, j'ai continué parce que je le sentais aussi. Cela fut plus long que prévu, plus dur que prévu, mais je peux le supporter car il est évident que j'aime ça. Il est plus difficile pour moi de faire des heures supplémentaires de travail que d'en baver physiquement. Ces efforts me nourrissent dans cette demande tout à fait personnelle.
Je constate encore une fois que je ne suis pas habitué aux paysages de montagne, et que j'ai un peu de mal dans ce manque d'horizon flagrant. C'est un autre univers. Je me sens mieux face à la mer, c'est ainsi.
Je me sens comblé. Demain sera un autre jour. Aucune idée à l'avance, aucune crainte non plus.
Cette ballade lave l'esprit. Je me sens tellement en vacances...

Vallée des Merveilles

Quittant le refuge, le chemin retrouve la végétation et suit un torrent. Ca descend assez longuement jusqu'à un pont qui me fait traverser le torrent. Là il y a une pancarte indiquant le prochain col pour atteindre le troisième refuge. Mais le sentier avait bien redescendu. Il fallait tout remonter. Croisant un groupe, je leur demande le temps pour atteindre le col, puisque ce n'était pas indiqué sur le panneau. Mauvaise nouvelle : il y a environ 500 m de dénivelé, entre une heure et demie à deux heures de montée, puis une demie heure pour le refuge ensuite.


Je montais lentement car mes jambes étaient au bout. Il était 16 H 30 et mon corps aurait préféré s'arrêter.
La sueur dégoulinait, alors que la forêt commençait à s'éclaircir. Je fis une halte pour m'essuyer le crâne et boire un peu. Attention, ne pas s'arrêter trop longtemps, sinon je ne démarrerais plus. J'aperçois un couple au dessus. Je note où ils sont pour calculer mon retard, qui est d'un quart d'heure. Auparavant, je m'étais dit en voyant le sommet, si loin à mes yeux, que je ne pourrais l'atteindre ce soir, car je suis trop fatigué, je suis à la peine. C'est du pas après pas, comme s'il y avait même une pause entre chaque. Il y a tellement longtemps que je n'ai pas connu ça. Je me souviens d'une fois dans les Pyrénées, ùu je fonçais comme un jeune, et où la fin s'est passée avec un coeur qui tapait comme un tambour, à tel point que je m'attendais à ce qu'il me lâche.
Je pourrais très bien m'arrêter, l'endroit est beau, il y a encore de l'herbe, je suis dans une partie où ça monte moins, et ce serait enfin le repos. Mais ce couple me tire. Quelque temps plus tard, mes calculs me donnaient plus que 7 minutes de retard. Je me disais que j'étais en train de dépasser mes limites. Je n'ai aucune notion de la montagne, ou si peu, des efforts, des dénivelés, de la fatigue du corps, etc... Jamais je n'aurais imaginé faire tout ça. Les quinze dernières minutes sont à la fois les plus dures, mais aussi porteuses de libération.

J'arrive en haut à 18 H. Vue splendide de part et d'autre. Je m'assied, prend un fruit et de l'eau. Je fais deux photos. Je nourris mes yeux, puis repars vers la descente cette fois. C'est tout bon. Attention à ne pas glisser! Mes jambes ne préviendront pas si elles lâchent.
Une demi heure plus tard, le refuge. Une terrasse au soleil du soir où des gens bavardent, lisent, jouent aux cartes. Cela sent la détente. En fait ils attendent le repas. Je m'asseois et mange. Quelque temps après la cloche sonne, et tout le monde rentre manger.
Ayant fini je me sens reposé, et me dis que j'en ai juste pour une heure environ à redescendre vers la voiture. Je pourrais boire du jus de fruit, et surtout dormir sur un matelas, que je n'avais pas emporté par économie.
Bien qu'ayant cherché un endroit pour planter la tente, contre toute attente, je m'engage pour la dernière descente.  J'arrive à 20 H 30.
12 H de marche, 9 H 1/2 en enlevant les arrêts. Je me dis que je ne suis pas encore trop mauvais marcheur à mon âge. Je calcule que j'ai gravi au total un dénivelé de 1 300 m, sur les 3 cols, et redescendu autant.
Et dire que j'ai emmené la tente et le duvet pour rien! La prochaine fois, je me déguise en sportif! D'ailleurs mes voisins de ce matin sont repartis puisque leur voiture n'est plus là. Finalement je ne suis pas si différent d'eux...

Les photos ne sont pas de moi, puisque je les ai toutes perdues:

jeudi 8 septembre 2011

Vallée des Merveilles

Après avoir pris le temps de contempler le paysage, le lac entouré de montagnes assez dénudées, je repris le sac et le chemin pour la suite. Un autre lac un peu plus loin, le lac noir, puis un autre où je vais faire une halte pour me laver. Eau glacée mais soleil réchauffant, ça revigore...
Cette première vallée se termine. Pour atteindre la vallée des Merveilles proprement dit,  il faut passer un col à 2 540 m dit la basse de Valmaque. Ca monte vraiment, dans les caillasses. Pas après pas, en faisant attention où poser le pied. C'est dans ce genre de parcours que les rapides distancent les autres, et que gens fatigués ou moins jeunes se font distancer. Sans vouloir comparer, c'est une réalité. Ainsi les chemins de randonnée en montagne ont toujours une durée d'indiquée. C'est une estimation. C'est pour le marcheur moyen, mais on peut facilement enlever un cinquième ou un quart de temps, en tout cas pour moi et sans faire d'efforts.
N'ayant pas de bâtons, je ne suis pas accompagné par ce cliquetis incessant, sur terrain rocailleux, des pics métalliques des bâtons sur les cailloux. Tant mieux pour mes oreilles. Dans le silence de la montagne, hormis la proximité d'une eau qui courre, je peux entendre avant que de voir, les marcheurs qui utilisent cet engin, sans parler de ceux qui discutent en marchant, assez peu nombreux à vrai dire.


Arrivé au col, je découvre que beaucoup s'y sont arrêtés, soit pour se reposer, soit pour manger. Je me trouve un coin à l'écart, et sors ma nourriture. Je distingue au loin en contre bas des randonneurs, des pique niqueurs et autres dormeurs...
C'est une fois descendu que la vallée des Merveilles commence. Il y a des traces de peinture rupestre, ce qui en fait sa particularité, certaines abimées par vandalisme, ou bien par désir de laisser sa propre marque. Vous savez ces gens qui gravent leur nom, avec un coeur, ou tout autre dessin, histoire de dire devant l'éternité quelque part : "J'existe". Le parc est donc de plus en plus surveillé, cadré, limité, afin que les gens ne sortent pas des sentiers, sinon avec un guide. Le voleur ou le délinquant crée le surveillant ou le gendarme, c'est bien connu.



Ces gravures dateraient de 1 500 à 1 800 avant J.C. c'est à dire de l'âge dit du bronze.
Les principales sont près du sentier et sont indiquées. Les amateurs peuvent ensuite choisir des visites guidées.

Je continue la ballade et arrive finalement au refuge des Merveilles à 14 H, alors que je pensais y être pour la fin de la journée. Il y a pas mal de monde et je me vois mal rester tout l'après midi ici, malgré la proximité d'un lac, alors que le vent s'est levé et rafraichit l'atmosphère. Je me fais un muesli, finis le thé, remplis la gourde au robinet d'une source, et après une halte d'une heure, reprend la marche, direction le prochain refuge.
Je ne savais pas ce qui m'attendait...