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vendredi 28 septembre 2012

La fin annonce un nouveau début

Ils sont tous les quatre attablés en train de commencer leur repas. ils me proposent gentiment de m'installer avec eux, apparemment contents de me retrouver. Moi aussi.
- "Lorsqu'on t'a vu partir l'autre jour du refuge, on ne pensait pas que tu irais bien loin!"
Je commande une boisson, un repas, et leur raconte mes mésaventures. Mon projet étant d'aller demain à Ajaccio m'acheter une paire de chaussures. Le couple prend aussi le train  demain, ils vont passer la semaine qui leur reste en bord de mer. Les deux autres continuent pour faire la partie nord. Repas sympathique et copieux, qui se termine par une liqueur de myrte avec le patron (ça arrache!).
On plante la tente à la lueur de nos frontales. Puis je retourne prendre une douche au restaurant, puisque l'offre est comprise avec le repas. Je marche vraiment avec difficulté quand je n'ai plus mes bâtons pour m'appuyer, surtout en fin de journée. Sous la douche, je constate en fait que j'ai un ongle qui bouge, ne tenant plus que sur les côtés, mais détaché de la chair au milieu. je comprends les douleurs pendant la nuit. Je ne peux pas continuer ainsi, même avec une paire de chaussures souples et confortables, je vais me massacrer le pied. Il faut arrêter.
Après une nuit inconfortable, je fais mon sac, annonce à mes jeunes amis que j'arrête et leur souhaite bonne chance pour la suite.
Un homme surveille les campeurs et vient nous expliquer que le terrain est à lui, et non au restaurant. Il vient réclamer son du. Je suis surpris car c'est annoncé nulle part. Il se met en colère. Il compte les tentes le soir, et vient chaque matin aux aurores vérifier si le nombre est le même que la veille, afin de se faire payer. Il râle parce que certains sont déjà partis. Je lui dis qu'il devrait s'arranger avec le restaurant pour que ce soit clairement indiqué. Il me dit qu'il doit leur en parler. Mais cela semble une histoire un peu compliquée, à la corse sans doute, car ce type ne va manifestement rien en faire...
Je me fais mon petit déjeuner à l'écart, ne voulant pas m'attarder sur ce terrain. Je retrouve le couple à la gazelle. Ils font de l'eau avant de poursuivre.


Cela me fait un petit pincement de ne pas continuer. Mais raisonnablement ce n'est pas possible. J'avais envisagé depuis le début que je pouvais arrêter au cas où ce serait trop dur pour moi physiquement, mais pas à cause des chaussures. Ce cas de force majeure fait que la déception est moins grande. Je me dis que je reviendrais faire la partie nord une autre fois, mieux préparé, avec un sac plus léger, et surtout des chaussures éprouvées et plus légères.
Je prends le train dans l'autre sens pour retourner vers Calvi. Une fois arrivé je retrouve le monde habituel qu'il y a sur la côte. Quel changement! Un bus amène les gens vers Calenzana au point de départ du GR.
Le chauffeur nous dit que dans la journée d'hier, suite à la chaleur, il a fallu aller chercher une dizaine de personnes qui se trouvaient en difficulté sur la première étape nord du GR. Il parait qu'il y en a beaucoup qui arrêtent assez vite. Heureusement que j'ai commencé par le sud.
Je retrouve la voiture au parking. Je me change et vais prendre un pot dans le village. Que vais-je faire? J'avais prévu d'aller faire du canoë dans les calanques. Mais là, j'ai beaucoup plus de temps que prévu.

Lâcher prise...

Je réalise que c'est très confortable d'être dans un programme, fut-il de la marche. Il y a un point de départ et un but. Chaque jour une étape. Chaque soir apporte la satisfaction de l'accomplissement de la journée. Ce n'est pas que l'on pense au but, mais en s'éloignant du point de départ, on rentre dans un voyage qui nourrit une construction mentale. Partir et atteindre le but envisagé est une forme de réussite qui comble le désir de l'engagement en question. Mais pour tout voyage, dans une certaine conscience, on n'est pas le même au départ et à l'arrivée. Il y a quelque chose de subtil qui se passe, ou pas, à notre insu.
Je vais en reparler...

jeudi 27 septembre 2012

Fin de la partie sud

Je rencontre encore un couple "séparé". D'abord l'homme qui me demande si le refuge de la station de ski est loin. Il me dit ensuite que sa femme est un peu plus loin derrière. Effectivement, je la rencontre cinq-dix minutes après. Elle doit être d'origine sud américaine. Elle me dit que son mari est un sportif, qu'il aime marcher vite, et qu'elle suit derrière. Elle sourit, comme si elle était pleine de compréhension pour lui, et tout à fait humble quant à ses capacités. Je la sens avec lui, alors que je l'ai senti sans elle. Il est vrai que chacun a son rythme, et qu'il peut être très différent pour un couple. Certains marchent ensemble, d'autres s'attendent. J'ai connu ça il y a longtemps, et je n'étais pas très patient...
Je passe devant une bergerie qui vend des fromages. Je prends juste des photos.


Le sentier est plutôt facile et monte vers un sommet assez plat que l'on peut voir de loin. Une fois là haut je vois comme une statue. En m'avançant je constate que c'est un homme immobile. C'est en fait une famille avec deux enfants. Je commence à parler en lui disant que je le prenais pour une statue de loin. Il me répond avec un grand sourire qu'il est une statue vivante. Je sens tout de suite un homme sympathique et ouvert. Juste à côté il y a un grand cercle de pierres donnant l'impression d'une enceinte protectrice à ciel ouvert. Il me dit qu'ils s'installent là pour passer la nuit. Je trouve ça fantastique de le faire avec leurs enfants qui ont l'air de bien s'amuser. Ils ont marché dans les Alpes l'an dernier. Là, venant du nord, ils en ont un peu marre des pierres.
Soudain on entend le souffle d'un homme qui arrive en courant. Il a un certain âge, je lui donne la cinquantaine, avec juste son camel bag dans le dos. Il s'arrête près de nous, en se courbant sur ses jambes, visiblement épuisé. Il nous annonce qu'il a fait un circuit de 45 kilomètres. En montagne, c'est énorme. Une phrase s'échappe de ma bouche : "Vous voulez vraiment mourir avant tout le monde!" Nous rions, mais pas le coureur. Il a emporté juste de quoi boire et des barres énergétiques. Cela me semble dingue. J'ai vu aujourd'hui plusieurs coureurs comme ça. Ils ne doivent rien voir sinon leurs chaussures. Il est en fait avec quelqu'un qui va arriver un peu plus tard. Il a du le semer dans la montée. Je dis au revoir et entame la dernière descente de la journée.
En descendant j'ai envie de faire demi tour pour aller dormir à la belle étoile avec cette famille. Le lieu était beau, sauvage, avec ce cercle de pierres qui appelle le randonneur à la halte. Mais je me raisonne en me disant que je dois prendre un train demain, dont je ne sais l'horaire.
Les deux coureurs vont me doubler vingt minutes plus tard. Cette fois ci il sont ensemble et discutent.
Puis je croise un autre couple qui va vraisemblablement bivouaquer avec la famille là haut.

un autre cercle de pierres servant d'abri

Je suis en pleine forêt, le soleil n'est plus visible. J'enlève ma casquette que j'attache sommairement à mon sac. Plus très loin de l'arrivée, je m'aperçois qu'elle est tombée. Je sens une contrariété. Elle m'avait été offerte pour faire du bateau, et j'y étais attaché. Soit je fais marche arrière pour la chercher, soit je fais avec ou plutôt sans. Je décide de continuer car je n'ai pas beaucoup de temps et n'ai aucune idée de l'endroit où elle a pu tomber.  Ce n'est pas grand chose, mais je découvre que c'est plus important que la chaussure. L'attachement n'est pas raisonnable, mais sentimental...
Je finis par retrouver la route, que je traverse comme une chose étrange, presque choquante, après cette immersion dans la montagne à laquelle les sens s'habituent.
Encore quelques centaines de mètres et j'arrive dans le bourg minuscule de Vizzavona dont la rue unique conduit à la gare. Il y a deux restaurants face à face. Je découvre alors à une terrasse les quatre jeunes, dont un couple, que j'avais vu il y a quelques jours. Ils sont tous étonnés de me voir...

mercredi 26 septembre 2012

Autres rencontres

En parlant avec ceux qui dorment dans le dortoir, j'apprend qu'ils ont rencontré un homme qui avait dormi dehors dans son duvet à la belle étoile. Seul dépassait son visage. Il a été réveillé brutalement par un renard qui lui mordait le nez! Décidément, il y a quelques animaux qui n'apprécient pas les continentaux en Corse.
Quelqu'un ajoute : "Peut être que c'est un unijambiste qui vous a piqué la chaussure. J'espère qu'il ne s'est pas trompé de pied!" J'éclate de rire.


Je repars le matin. Sixième jour, le sac est un peu moins lourd, je le sens. J'arrive dans une clairière où se vautre un troupeau de cochons sauvages. Certains dorment, d'autres sont déjà au travail, groin dans la terre à renifler et déterrer tout ce qu'ils détectent, des petits font mine de se battre. Il doit y en avoir une bonne vingtaine. Je passe au milieu le plus discrètement possible. J'en ai vu plusieurs fois, mais je préfère leur laisser l'espace. Ils sont chez eux, avant que de terminer en saucisson vendu à prix d'or aux touristes (jusqu'à 28 euros le kilo dans un refuge). Pour des animaux que personne ne garde, cela fait relativement cher! J'en ai même vu manger des feuilles sur les branches. Des cochons végétariens, c'est le comble... En tout cas ils sont vraiment sales.


Le chemin traverse un torrent sur un pont en bois. Puis je me perds avec les indications et tourne en rond pendant une dizaine de minutes. Après la grande descente d'hier, il faut bien remonter. Je trouve l'espagnol dont j'apprend qu'il est basque. Faisant une halte sous des arbres centenaires, à la bifurcation de deux chemins, je vois 3-4 personnes arriver, dont une femme. Ils ont leur camel-bag dans le dos, ce sont ces petits sacs à dos faits pour contenir une réserve d'eau souple avec un tube qui permet de boire sans s'arrêter. Tenue sportive car ils courent. Après quoi? Fuyant quoi? Pour leur seul plaisir aussi. Il en faut pour tous les goûts...


A la mi journée j'arrive à un refuge qui est en fait une station de ski, où il font des travaux. La montagne est abîmée de partout, littéralement éventrée, retournée, blessée. Les pierres ressortent de leur emplacement naturel, cela ressemble à un chantier, à une mine à ciel ouvert par endroits. Cela me fait mal. C'est peut être agréable en hiver, mais c'est horrible en été. Le passage de la nature sauvage au monde des hommes est brutal.

Je m'attable pour manger. A côté quelques marcheurs discutent. Ils parlent de triathlon que pratique l'un d'eux : nage, course, vélo. Il faut un entrainement redoutable. Il doit se balader sur le GR. Puis ils parlent de sac, du poids. L'un d'eux porte entre 18 et 20 kg, en disant qu'il a fait attention à ce qu'il prenait. Cela me semble invraisemblable. J'apprends que lui aussi emporte au départ 4 litres d'eau. Je rentre dans la conversation. Parlant de tente, je sors la mienne qui pèse 650 g avec piquets et sardines. Je lui lance au dessus de la table. La tente seule pliée est de la taille d'un livre. Il est abasourdi. J'adore! J'en suis pas peu fier. Ils disent que je devrais la breveter...
Je repars car je pense pouvoir faire une étape et demi dans la journée et arriver à Vizzavona, où passe le train, fin de la partie sud du GR.

mardi 25 septembre 2012

Rencontres

Sur ce GR il y a des masses rocheuses extraordinaires. Je mettrais quelques photos car j'ai vraiment surpris des formes étonnantes. Comme ce gisant...


Après ce superbe plateau, le chemin redescend de plusieurs centaines de mètres, d'abord sur un sentier pierreux, sur lequel il faut faire attention à ne pas glisser. Je croise d'abord un jeune homme qui parait exténué. Il me demande si le refuge est encore loin. Il me dit qu'il n'a plus d'eau, qu'il en consomme 4 litres par jours. Je lui passe un demi litre.
Je vois de loin quelques personnes monter en soufflant, sous le soleil encore haut et chaud. A un moment je croise un garçon sans sac à dos. Je lui dis, après un bonjour devenu systématique : "Tu es le premier que je vois sans sac à dos, tu en as de la chance!" Derrière lui un couple que je prends pour ses parents. Au moment où je finis ma phrase, qui se voulait amicale, je découvre qu'il doit être autiste. Il me regarde en essayant de dire quelque chose qui ne sort pas. Son père lui dit de répondre à mon bonjour. On se sourit avec les parents. Je réalise que non seulement je me suis mis à dire bonjour aisément, souvent le premier, mais que parfois je lance une phrase, ou plutôt elle s'élance de moi, ce qui m'étonne un peu. C'est assez nouveau. J'espère ne pas avoir vexé ce jeune garçon, qui est sans doute dans une aventure tout à fait particulière en marchant ainsi.


Le chemin continue de descendre, mais dans la forêt cette fois. En fonction de la luminosité, je garde ou enlève mes lunettes de soleil. Cette descente interminable me fait mesurer les efforts que font ceux qui montent. Petit à petit les bruits de quelques voitures se font entendre. Mais je ne vois rien. Enfin le sentier débouche sur une route, avec le bar - restaurant qui offre une zone de camping. Bocca di verde, col de verdure le bien nommé, 550 m plus bas que le dernier refuge! Il y a une source qui alimente une fontaine et se fait entendre avant tout le reste. Je m'attable à la terrasse pour ma consommation de fin d'étape.
Puis j'installe la tente, prends une douche, tout ça en boitillant...
Bientôt je lie connaissance avec 2 couples d'un certain âge qui viennent du nord et s'engagent vers le sud. Ils dorment dans le dortoir, construction sommaire dont les murs ont l'épaisseur d'une cloison. Bonjour la chaleur! Mon histoire de chaussure leur semble étonnante. Ils me conseillent d'aller à Corte pour en trouver d'autres.
Puis je mange avec 3 personnes dont un anglais. En fait j'ai quasiment fini quand eux commencent, alors que la nuit est tombée. De temps en temps les frontales s'allument. J'adore ces ambiances où l'amitié prime sur le confort, où l'on se prête tout de suite ce qui manque à l'autre, où l'on ne voit même plus le visage du voisin, où tout devient si simple parce qu'essentiel, où les corps fatigués laissent la place aux coeurs.
La vie est si belle...

lundi 24 septembre 2012

Y a-t-il un pilote dans le ciel?

Lorsque je me penche sur ce qui s'est passé, je me dis une fois de plus que la vie est bien mystérieuse.
Ce mal aux pieds, enfin aux petits orteils, à cause de cette vieille paire de chaussures, qui me fait dire que je ne pourrais pas faire tout le GR. Ce qui ne m'empêche pas de continuer, à petite allure, tant que je pourrais soutenir la douleur, qui est ponctuelle. Ce vol d'une chaussure, qui n'aurait pas eu lieu si je m'étais arrêté au refuge précédent. La question sur le voleur. Puis cette rencontre avec Daniel le baroudeur, qui me donne la réponse, certainement la plus logique, même si je ne sais pas de quel animal il s'agit.
Manifestement la vie me propose un arrêt, du moins avec mes chaussures du départ. Je vais d'ailleurs jeter l'autre dans la poubelle du prochain refuge. Je vois ça aussi comme une moquerie de la vie à mon égard. J'aurais certainement gardé ces chaussures, en bon état, qui ne m'auraient plus jamais servi. Aurais-je songé à les donner? Je ne me suis bien sur pas posé la question. Me connaissant, je sais que je garde toujours les choses jusqu'à la dernière limite... C'est comme si la vie me forçait à m'en débarrasser.
Petit à petit l'idée s'installe dans ma tête que je vais aller m'acheter une autre paire de chaussures, plus légères pour qu'elles soient supportables, afin de poursuivre ce que je me suis fixé. Des gens de rencontre me conseillent d'aller à Corte par le train. Mais le train va aussi à Ajaccio, il y aura plus de choix. Encore deux jours maximum pour atteindre la gare.


Un dernier col à passer dans un massif rocheux, avec un peu d'escalade pour y monter, puis pour descendre, ainsi que des passages sur des dalles obliques. Rien d'impossible, mais avec des pieds nus qui n'offrent aucune tenue du pied, et un sac qui reste encore lourd, je dois faire très attention.
C'est alors que je découvre un parapente vraiment très haut au dessus des montagnes, il ne doit pas être loin de 3 000 m d'altitude. Il a du trouver des courants ascendants et se laisser emmener. Cela doit donner une sensation de petitesse, d'être perdu dans les airs. Je reste impressionné. J'en vois un autre devant moi mais à 100 ou 150 m au dessus des massifs. Quelle vue ils doivent avoir!


Puis je me fais passer par un homme au crane rasé, sans casquette, ni lunettes, le visage rougi par le soleil, dans une tenue kaki style camouflage de l'armée, pas tibulaire mais presque comme dirait Coluche. Il fonce!
Le refuge apparaît de loin sur un plateau que je trouve magnifique. Il se trouve qu'il y a une annonce pour garder le refuge en septembre. Dans un site pareil, cela me tenterait. Je me prends une boisson fraîche, comme dans chaque refuge où j'arrive, fais une halte lavage à la source, puis repars. Il est encore tôt, et je voudrais atteindre une halte camping au bord d'une route que l'on va croiser plus bas.

Des rochers et de la lande comme en Bretagne, sauf que l'on est à 1 500 m d'altitude.

dimanche 23 septembre 2012

Daniel le Breton

Après cette halte des plus agréables, je reprends le sentier.
Je vais retrouver un peu plus loin un espagnol que j'avais vu la veille à un refuge. Il prend une douche dans une cascade. Cette fois nous engageons la conversation en anglais. Il me dit son bonheur de faire le GR. Il compte faire l'ascension du monte Cinto (le plus haut sommet de l'île), car il veut profiter de tout. J'y avais pensé lorsque je préparais cette aventure, mais aujourd'hui c'est bien différent. Je sens l'enthousiasme et la vigueur de sa jeunesse. Il est très sympathique. Je le laisse à sa rencontre avec l'eau fraîche et continue. Il aura tout le temps de me rattraper.


Le chemin reprend de l'altitude, les arbres disparaissent, et une zone plus sauvage se fait jour. Une sorte de plateau, semi herbeux avec un massif un peu plus haut qu'il va falloir franchir. Dans ce genre de site, on voit les marcheurs de loin. Je croise une femme avec son fils. Une certaine distance après, le mari et père. I'homme m'adresse la parole, demandant si la source coulait toujours. Je lui répond que oui, que j'en viens. Il me dit tout de suite qu'il a déjà fait le GR il y a bien longtemps. Là il le fait en famille.
"J'apprends au fils la marche, la vie dans la nature, il a l'air d'apprécier. Le sud est un peu dur et tellement sec, mais il l'a fait. L'an dernier on a fait le Mont Blanc, c'était magnifique, et bien plus beau!"
Je trouve superbe de partager ces aventures en famille. Cela m'aurait plus de le faire ainsi. Mais ne comparons pas. Quant au Mont Blanc, j'y pense aussi... Il voit mes pieds nus. Je lui explique l'histoire. Il me dit tout de go :
"C'est un animal, ils sont attirés par l'odeur, ça les excite, ils prennent à cause de ça!" Il me dit alors qu'il a fait le tour de l'Annapurna, un des sommets les plus hauts du monde dans en Himalaya. Il me dit qu'il a vu des porteurs au Népal avec des pieds nus bien pire. C'est une sorte d'aventurier en fait.
"Tu as été au Népal?"
"Non", lui dis-je.
"Il faut y aller, c'est magnifique pour randonner!"
C'est un baroudeur, un tantinet frimeur, qui éclabousse un peu de son expérience, bien réelle toutefois.
"Tu sais ce qu'il faut faire avec la bouffe la nuit? Il faut l'accrocher à une branche d'arbre, comme ça les cochons (corses) tournent autour et te foutent la paix. J'ai rencontré quelqu'un qui s'est fait piquer sa bouffe par eux dans son sac pendant la nuit. C'est un animal qui t'a piqué ta chaussure!"
En quelques minutes, il me parle de la mort, du fait de profiter de la vie avant le grand passage, de l'inconnu qu'il y a après... Une verve incroyable, comme s'il avait besoin de parler, et surtout de se mettre en avant, un tonus à diriger les autres, bref un mec avec une forte énergie. J'acquiesce, enlève mes lunettes pour lui montrer que ma mésaventure ne m'a pas enlevé le sourire. Il était en train de me faire le coup de "La vie est magnifique, même avec moins que rien, alors que les riches s'emmerdent au bord de leur piscine". Je connais le discours, et suis tellement persuadé de ça.
Il me parle d'un refuge à venir avec une femme belle comme Adriana Karembeu.
"Vas-y de ma part. C'est un jeune couple qui démarre, leur refuge est un peu plus haut que l'autre, il faut les aider, ils sont très sympas. Je m'appelle Daniel le Breton! Le réseau, tu leur diras! Ce n'est pas parce que je suis marié que je n'apprécie pas de regarder une belle femme. Il n'y a pas de mal à ça. Ce n'est pas comme tous ces faux-culs!" Je rigole.
"Et si tu arrêtes, tu vas faire quoi?" Je lui dis que j'ai mon canoé dans la voiture, et que je compte aller dans le golfe de Porto vers les calanques. "Il faut que tu ailles à l'hôtel "machin" (j'ai oublié le nom), demande untel, et dis leur que tu viens de la part de Daniel le Breton. Le réseau! On y sera la semaine prochaine. N'oublie pas le refuge et l'hôtel." Je sens qu'il va falloir écourter sinon il va me donner toute les adresses qu'il a en tête et qu'il tient à partager. On se salue.
 "Alors à la semaine prochaine!" le lui répond "Inch Allah" en riant, et nous poursuivons nos routes. Il doit vite mettre de l'ambiance dans un groupe! La vie fait parfois rencontrer des gens incroyables. Je ne suis pas prêt de l'oublier, ce Daniel...


samedi 22 septembre 2012

la cabane de Robinson


Le sentier descend, puis emprunte une forêt. A un moment je vois une toiture à travers les feuillages en contre bas, avec un bruit d'eau très net. Puis un panneau indiquant "source". Je prends la direction indiquée et découvre une cabane fermée, avec un endroit où l'on peut s'attabler. Ce sont des planches posées vaguement sur des supports douteux, avec des bancs du même fabriquant, mais suffisamment solides pour s'y mettre.
L'endroit est magique. La vue magnifique. Cette cabane est dans un écrin de verdure, avec une ouverture sur les crêtes de montagne, et au loin la mer... Cela fait Robinson! C'est un endroit pour jouer à l'ermite... Il y a l'eau et la vue, c'est à dire l'essentiel! Quand à la solitude, il faut bien l'apprendre un jour, inévitablement...


Un tuyau, venant d'une source, passe au dessus du lieu, et aboutit, comme un robinet tombant du ciel, dans un évier en contrebas, d'où l'aspect sonore. J'en profite pour me laver, ainsi qu'un tee shirt. Je m'installe à la table, me fais un thé, puis me mets à écrire.
Des jeunes passent, remplissent leurs gourdes, et repartent, toujours pressés. Puis un jeune couple arrive, avec un chien. Ils se mettent en face de moi. Ils ont une gamelle spéciale pour faire boire le chien. Apparemment il n'a pas soif, et vient se nicher contre les pieds de ses maîtres. Ce ne doit pas être facile avec un chien quand il s'agit d'escalader.
Je regarde la carte. Je ne vais pas descendre vers un village, mais finir l'étape. J'ai envie de continuer jusqu'à mi-parcours du GR si possible, c'est à dire finir la partie sud.


Plus de programme


Je suis avec mes questions. Comment la chaussure a t-elle pu disparaître?
Est-ce le chouca d'hier soir? Cela me semble lourd. Est-ce un chien sauvage? Je n'en ai jamais vu. Un animal? Peut être, mais lequel à cette altitude. Est-ce le vent de la nuit? Je l'aurais retrouvée. C'est un mystère!
Une fois le sac fait, j'attache la chaussure restante par dessus. Je pars donc en pieds nus, faits quand même pour la marche, avec des scratchs réglables. Au moins mes pieds sont libres et respirent, mais je vais devoir faire encore plus attention dans les passages délicats.
Je suis parti avec deux paires de chaussettes, une vieille, et une neuve, spéciale randonnée, avec renforts, système respirant, anti-ampoules, et chère bien sur. Par bonheur, c'est la vieille qui est partie avec la chaussure...


Que faire maintenant? Qu'est-ce que la vie vient me dire? Rejoindre le premier village, et aller vers la ville? Arrêter? Acheter une paire de tennis? Ou continuer comme ça en nus pieds? Le bénéfice étant l'allègement.
Est-ce une punition d'avoir bivouaqué alors que c'est interdit, ou une bénédiction de ne plus avoir à mettre ces chaussures qui me faisaient mal? Je penche pour la deuxième réponse.
Je pense à Ramdas qui disait : "Tout est Ram, tout est Dieu, quoiqu'il arrive!"
Oui, c'est une bénédiction. Avec les chaussures j'aurais continué, même avec le mal aux pieds. La vie me dit : "Arrête de souffrir, je t'ai préparé autre chose." Je ne sais pas quoi encore, donc je ne fais même pas de projet pour la journée. Je ne vais même plus vivre au jour le jour, mais "à l'heure l'heure".
Je ne sens aucune contrariété. Si je dois rejoindre le prochain village à une bifurcation que je rencontrerais, OK. Je serais sans doute déçu, mais la vie décide. Je dois m'ajuster à ce qui se présente. Je n'ai pas le choix. Je suis dans l'inconnu. La vie me propose l'imprévu total. Peut être pour voir comment je vais le vivre!

lumières du matin

vendredi 21 septembre 2012

Vol en altitude



Après avoir monté un sentier pierreux, j'arrive à un premier sommet, assez plat en fait avec une vue sur un horizon très large. Je m'arrête, cherche un emplacement, puis décide de continuer, car je trouve que c'est trop exposé. Je croise un couple qui est en train de terminer leur deuxième étape dans la journée. Elle essaye vainement de téléphoner. Je repère à côté un endroit où je pourrais m'installer, mais rempli de crottes de mouton. Je demande au couple s'ils ont vu un endroit avec de l'herbe où je pourrais bivouaquer. Ils confirment. Je les laisse et continue plus haut.
Je finis par trouver un endroit magnifique.


Je plante ma tente à 1 800 m d'altitude environ. Un gros chouca noir me regarde. Je me dis que je le dérange peut être, et espère qu'il ne viendra pas farfouiller mes affaires. Je mange, puis vais faire des photos et contempler la vue au soleil couchant. C'est la première fois que je m'installe en haut d'un sommet pour passer la nuit, complètement seul. Ce n'est pas très haut, mais le ciel est immense et j'ai l'impression d'en être plus proche. La montagne, ce n'est plus vraiment la terre, le monde des hommes est bien plus bas. Bref une impression inhabituelle. Cela devient "chez moi" pour une soirée, une nuit. Je photographie les rochers, les bouts de bois, je marche pieds nus, je me sens bien.
Je refais le pansement, ce n'est pas beau à voir, et me couche. Vue l'étroitesse de la tente, je laisse le sac dehors à l'entrée, en gardant seulement de l'eau et ce à quoi je tiens à l'intérieur. Les bâtons sont sur le côté sous le double toit, et les chaussures dehors aussi, retournées.
Pendant la nuit le vent se lève et me réveille. Je sens la tente bouger. Puis cela se calme.


Aux premières lueurs de l'aube, je me lève. J'ouvre la fermeture éclair et écarte mon sac. C'est alors que je ne vois plus qu'une seule chaussure. Je n'en crois pas mes yeux! Je sors de la tente. Il y a bien une seule chaussure, l'autre a disparu.. Où est-elle passée?
Je pense au chouca, mais cela me semble un peu lourd. Un animal? Je n'en ai pas vu, bien qu'un troupeau de moutons est en train de paître un peu plus bas. Il n'y a pas de cochons sauvages à cette altitude. Un berger, qui n'a pas supporté que je bivouaque en pleine montagne, alors que c'est interdit, et qui vole une chaussure? Cela me semble invraisemblable. La chaussure s'est dématérialisée? Les autres solutions me semblent si peu croyables que j'y pense vraiment.
Je mets mes pieds nus et cherche aux alentours. Ce qui est curieux, c'est que je sens que je ne vais pas la trouver, que je ne suis pas en colère, ni même contrarié. Je ne trouve rien.
Je vais voir le lever du soleil sur l'autre versant, prend des photos, continue de profiter de ce que la nature offre comme si de rien n'était, puis prend le petit déjeuner et plie bagages.
La vraie chance, c'est que je peux continuer grâce à mes super pieds nus achetés exprès pour ça. Je comptais emporter mes tongues pour reposer les pieds le soir, qui ont l'avantage d'être légères sur le sac.
Marie m'a convaincu de prendre les pieds nus, au cas où. Merci Marie. Tu avais raison. Heureusement que je t'ai écoutée.

jeudi 20 septembre 2012

le chemin du ciel


Encore une journée extraordinaire et variée.
D'abord dans les bois et au bord des ruisseaux. Je sens une puissance dans les arbres, un calme aussi, c'est rare de trouver ce type d'énergie dans la nature. C'est comme si elle était laissée à elle même et que la nature des éléments s'expriment avec toute leur force potentielle. Les arbres, ici des chênes en majorité, deviennent énormes et vieux, les branches, les racines, le lien avec les rochers, tout indique une puissance incroyable à l'oeuvre. Je m'arrête et regarde. C'est du même ordre que ces montagnes crénelées, verticales, déchiquetées,  aigües, agressives, arides, qui à mon avis influence le caractère des habitants.


Sorti de cette forêt sauvage, le chemin commence à grimper. Le but est de se rendre à un point donné en passant par la crête, comme ces chemins de crête enneigés que l'on voit en photo avec des alpinistes encordés et avec leurs piolets. Sauf que là il n'y a pas de neige. Tantôt on passe d'un côté, tantôt de l'autre, par des minis cols, par des éboulis de rochers, à donner le vertige, à se demander comment on peut passer par là. Il faut mettre les mains, pour monter, pour descendre, faire hyper attention. Ce n'est plus de la marche, c'est de l'escalade, pas compliquée, mais quand même assez raide. Je réalise pourquoi ce fameux GR 20 a la réputation d'être difficile. Le sentier, qui n'en est pas un en fait, zig-zague entre les pics du sommet. On voit une échancrure, on s'y engage, on ne voit pas par où continuer.... Il s'agit de repérer les marques rouges et blanches pour savoir la direction. Je les rate parfois, et fais demi tour. Franchement ce serait parfait sans sac. Du coup les bâtons deviennent gênants dans les moments où seules les mains peuvent aider à se tenir à la roche.
Une vue du col en arrivant, et puis ce que l'on découvre ensuite

Je m'arrête souvent pour boire, faire des photos, puis manger. Je croise un anglais avec qui je discute un peu.
Je trouve cela tout à fait étonnant de rencontrer des personnes sur des chemins improbables, scabreux, et de parler comme si on partageait quelque chose de vital. La difficulté rapproche. On ne cache pas sa fatigue, ses efforts, son souffle, sa lutte quelque part pour avancer.

On voit les flèches à suivre...
C'était juste ça à descendre!

A un moment, j'aperçois le refuge au loin. Je le trouve mal placé (mais c'est qu'il n'y a pas beaucoup de choix). Trop exposé, trop au soleil, trop aride, aucune ombre... C'est ce qui va se confirmer en y arrivant. Je pose mon sac et bois. Il y a des espagnols à côté, mais je ne connais pas la langue. Un peu plus loin, deux filles s'engueulent à propos des étapes. C'est sur qu'en groupe, il faut s'adapter au plus faible, et ne pas trop faire de prévisions à l'avance. Avec la fatigue, les conflits éclatent. Ca gâche un peu l'ambiance. Il y a beaucoup de tentes disséminées sur les rares parcelles qui semblent plates, à des niveaux différents. Après un arrêt de 3/4 d'heure attablé sous un parasol, je reprends mon sac et continue. Je ne ressens pas l'ambiance du lieu, et décide de bivouaquer en hauteur. Il n'est pas tard, et je peux encore marcher une heure ou deux. Je trouverais bien un endroit assez plat pour monter la tente.


mercredi 19 septembre 2012

rusticité et bonheur


L'étape se termine au bord d'une route qui mène les randonneurs à la journée sur le GR ou sur d'autres chemins. J'arrive en boitant, trichant pour que cela se voit le moins possible, grâce aux bâtons. Une fois tombé le sac, je commande une menthe à l'eau et m'assied à une table dehors. J'écris sur mon carnet les évènements de la journée. Nous sommes dans un lieu en léger contrebas, sans vue pratiquement, avec un petit torrent à côté. J'installe la tente sur une parcelle minuscule, sans herbe, et pas plate du tout.
Les 4 jeunes arrivent. Deux sont en couple et prennent un petit chalet en bois, les deux autres se mettent à côté de ma tente. La grande surprise fut de trouver une douche avec de l'eau chaude, sans doute l'unique du GR. Ouah!!!
Je crois que l'on apprécie plus le moindre confort quand on en a pas du tout, que le luxe lorsque l'on est déjà dans le superflu. La simplicité fait vibrer des parcelles de nous qui nous relient aux éléments basiques de la nature. C'est juste comme respirer, marcher, regarder les étoiles, goûter le seul fait de vivre. Dans ce ressenti profond, il y a une nourriture infinie. Tout s'arrête et tout vibre du suffisant essentiel. Mais ce n'est pas donné comme ça, cela arrive dans certaines conditions de dépouillement justement. Ce dépouillement physique qui enrichit l'être. Ce n'est pas non plus une histoire de volonté ou d'apparence, sinon tous les pauvres seraient comblés, mais de simplicité vers laquelle on tend et qui nous appelle.
Etrangement cette rusticité extrême me comble. Mais j'y reviendrais car je découvrirais encore autre chose.

Sur un sol dur, et pas complètement horizontal, après les réactions habituelles de mes pieds qui m'empêchent de m'endormir tout de suite, j'allais dormir quelques heures parfaitement et me réveiller en pleine forme à l'aube. Comment cela se fait-il alors que souvent dans un bon lit, on traîne en voulant poursuivre la nuit?
Paradoxe de la vie...
Le matin je marche mieux. En prenant le petit déjeuner, des gens qui randonnent en famille, et ont dormi dans le dortoir, me disent que j'ai une meilleure allure que la veille quand ils m'ont vu arriver. Le fait de marcher comme ça en autonomie, les fascine un peu, à ce qu'ils disent. Je leur dis que je fais ce que je peux, à mon rythme, et que je vis au jour le jour, vu l'état de mes pieds. Les petits orteils ne sont pas beaux à voir, mais tout dépend des étapes il me semble. Cela ne m'empêche pas de profiter de ce que je vis. Peut être plus qui sait?


A un moment, alors que j'avais déjà mal au genou droit, c'est le genou gauche qui se fait sentir. Je me dis que si lui aussi s'y met, je n'ai plus qu'à arrêter, car il sera impossible de continuer sur ce genre de terrain.
Ayant pratiqué des exercices de respiration juste avant de partir en Corse, je tente la même chose. J'inspire consciemment et j'envoie l'énergie de l'expir dans le genou gauche. Je fais cela une dizaine de minutes, en me concentrant sur les deux genoux à la fin. Au bout d'un quart d'heure, je ne ressens plus rien au genou gauche, et presque rien au genou droit. Ce genre d'exercice, ne serait-ce que l'attention au souffle, ne s'arrête pas tout seul quand on en a un peu l'habitude. Il y a une attention latente qui est là. On se nourrit d'énergie subtile, le mental fonctionne au ralenti, et la vie se régule d'elle même à l'intérieur.
Toujours est-il que je n'aurais pas du tout mal au genou gauche par la suite, et que même ce que je sentais sur le côté droit va disparaître...

mardi 18 septembre 2012

une belle histoire


Je me permets de relater une jolie histoire entendue il y a peu.
Une personne, que nous nommerons Patrick, se rend à un stage loin de chez lui. Il fait un arrêt chez un ami, André, pour le voir et passer la nuit.
Après une ballade ensemble, en rentrant chez André, la voiture tombe en panne. Or il faut être le lendemain au stage et il reste encore 450 km à faire. L'assurance jointe, propose de rapatrier Patrick à son domicile en attendant la réparation. Mais ce n'est pas ce qu'il veut, car il va à ce stage, important pour lui. Il refuse donc la proposition.
Il se trouve que la voiture est tombée en panne juste à côté de la maison d'André, ce qui est déjà un réconfort, une chance. L'autre chose, c'est que la voiture d'André est disponible, il n'en a pas fondamentalement besoin. N'écoutant que son coeur, il la prête à Patrick pour la semaine. Ce dernier part donc en stage avec la voiture de son ami, tandis que sa voiture est conduite au garage. Une semaine après, le stage fini, Patrick retrouve la voiture réparée, et repart avec vers son domicile pas tout près non plus.

J'y vois un enseignement.

Tout d'abord, la voiture tombe en panne juste à côté de la maison d'André. Cela aurait pu être en cours de voyage, en pleine campagne et être plus ennuyeux à gérer. Si on considère qu'il y avait un problème potentiel pour cette voiture, l'incident est tombé au bon moment.
Ensuite Patrick aurait pu aller chez quelqu'un qui n'aurait pas eu de voiture disponible, ou n'était pas prêt à prêter la sienne. Là non. Et je dis que ce n'est pas courant des personnes qui prêtent leur voiture.
Au total, cela ne pouvait pas mieux se passer. C'est un accident merveilleux.
Cela montre que même si la vie met des bâtons dans les roues, ce n'est pas forcément que négatif. Je crois aussi que la manière dont cela arrive dépend de l'attitude de la personne. Par exemple une personne pas trop convaincue de l'utilité du stage aurait pu tomber en panne dans un endroit désert, arriver en retard, ou pas du tout, ce qui l'aurait peut être conforté dans son ressenti (ou sa peur).
Tout est une histoire de confiance.
Qu'est-ce que je veux vraiment? Que vient me dire la vie? Comment me présente t-elle les choses?

"Votre être attire votre vie" disait un certain swami Prajnanpad.

Que la confiance vous gagne...

lundi 17 septembre 2012

Troisième étape

Démarrage ce matin avec l'ascension de l'Incudine, le plus haut sommet du sud de la Corse  (2134 m). Sur la carte cela semblait tout près du refuge. En réalité je vais mettre 2 H 1/4 à grimper. Il y a des dalles où il faut mettre les mains. Suivant la pente, il faut faire très attention car le sac peut nous faire basculer en arrière, ce qui m'est déjà arrivé par ailleurs, rattrapé de justesse grâce aux bâtons. Ils me sont indispensables. Sans eux je n'y arriverais pas vu l'état de mes pieds. Mes orteils doivent prendre une position antalgique pour être le moins comprimés possible. Je ne peux utiliser mes jambes au potentiel normal.
Plusieurs personnes m'avaient dit au départ "Fais attention à toi!", y compris mon fils dont je sentais une certaine inquiétude et qui témoignait par là de son affection pour son père.


Arrivé au col, la vue est superbe. Il y a là quelques sacs, car beaucoup font l'ascension finale, une centaine de mètres plus haut pour vivre le sommet, et laissent leurs affaires pour ne pas se charger. Je ne la ferais pas, car ma priorité est d'avancer sans en faire de trop. Je regrette de plus en plus de ne pas avoir acheté de bonnes chaussures. C'est mon sujet intérieur, et je vis ce qu'il m'est possible maintenant.
Je discute avec un groupe de 4 jeunes sympas. Ils me parlent de l'étape classique qui est plus longue, mais fait gagner une journée en évitant le nouveau refuge. Je m'y engage, pensant qu'ils vont suivre. Au bout de dix minutes, je constate qu'ils sont partis dans l'autre sens. N'ayant pas le parcours indiqué sur le nouveau guide, je fais demi tour pour suivre le sentier prévu au départ. Faire attention...


Je vais particulièrement aimer  le paysage magnifique de cette étape. On est sur une sorte de plateau d'altitude, avec des horizons dégagés dans toutes les directions. Des massifs au loin, mais des formes plus douces alentour, ce qui n'est pas si courant dans ce pays. C'est assez désertique, mais varié au niveau des vues. Deux heures après je vois encore l'Incudine, et peux ainsi mesurer le chemin parcouru. Le monde semble vaste. J'aime cette sensation.
Je rencontre un couple un peu perdu. Ils ont garé leur voiture en contrebas et font une ballade à la journée. Ils ont une carte hyper détaillée, et cherche une ruine indiquée sur leur carte mais pas sur la mienne. Je les recale sur le bon chemin car ils ne se situaient plus et avaient largement dépassé leur ruine.
Peu après le chemin emprunte une zone plus verte, avec un torrent et les premières pozzines. Ce sont des plaques d'herbe très drues qui ont besoin d'humidité à côté ou en dessous. C'est si bon après l'aridité.
Je retrouve les 4 jeunes, qui se sont arrêtés et tentent de se mettre à l'eau. Je fais pareil. Repos sur une plage d'herbe. On dirait un mini terrain de golf!

Comment fait-il?

dimanche 16 septembre 2012

la voie alpine (suite)

Re-pausé, je re-pars.
Descendre, alors que je suis dans une sorte de cirque, veut dire remonter à un moment ou à un autre, puisqu'il semble que la sortie soit par le haut.
Je découvre ce que sont les passages sur des dalles, sorte de grands rochers complètement plats qui sont posés un peu dans tous les sens, et notamment en pente, qu'il faut alors franchir en assurant ses appuis ou en mettant les mains.

A un endroit il y a même une chaîne pour franchir un passage un peu scabreux. Honnêtement j'adore ça, et aimerais que ce soit encore plus long. Il n'y a pas de harnais à mettre, comme sur les vias ferratas dont j'avais parlé l'an dernier, il ne faut pas que les mains lâchent. Le poids du sac peut nous entraîner si on modifie l'équilibre qui tend alors vers le déséquilibre, car rester dans une certaine verticale n'est pas évident. Si on glisse, si un appui ne tient pas, il ne reste que les mains pour se retenir.
Vraiment, dans ce genre d'endroit, l'attention est extrême. S'il n'y a pas de peur, il n'y a pas de pensées. Juste la confrontation au réel. Je n'ai fait que quelques dizaines de mètres d'alpinisme à Chamonix, mais je peux imaginer l'attention extrême que cela demande, surtout si l'on n'est pas encordé.

Le dernier col franchi, ce sera une descente assez douce ensuite dans un décor complètement sauvage. J'ai mal au genou droit. Je fais des exercices de respiration pour récupérer de l'énergie. Je vois le prana qui est dans l'air.
Je pense aux marcheurs des temps anciens, aux soldats qui traversaient des pays entiers pour aller faire la guerre, à Hannibal et ses éléphants qui traversèrent les Alpes, aux porteurs népalais qui portent des charges autrement plus lourdes, avec un équipement des plus simples. Je pense au record du GR en 36 heures! Juste à ce moment là un type me dépasse en courant, avec une réserve d'eau dans le dos comme seul bagage. Je le recroiserais plus tard. Il fait un aller-retour entre Bavella et le refuge où je vais....
Le chemin retrouve la forêt. En bas un torrent se fait entendre. Je vais le traverser plusieurs fois. Je me lave. Cela fait un bien fou de se passer cette eau fraîche et pleine d'énergie pure sur le corps.

La fin est laborieuse. Croyant le refuge assez proche après une dernière traversée du torrent, d'après le guide, j'ai des doutes au bout d'une heure et monte sur un rocher pour essayer de voir quelque chose. Ai-je raté un embranchement? Voyant une bergerie en contrebas et sachant que le refuge en est proche, je prends leur direction. C'est alors que je vois un homme arriver, que j'avais doublé il y a deux heures au torrent. Je n'ai plus d'eau et lui demande quelques gorgées. Il me dit que c'est un peu plus haut encore. Dix minutes plus tard on voit le refuge, avec encore dix minutes - un quart d'heure de marche. S'il n'était arrivé au bon moment, j'aurais fait un détour supplémentaire!

Je suis exténué, je peux à peine marcher sans bâtons. Je trouve un emplacement pour la tente. Le couple gazelle est déjà là malgré leur détour par la forêt, c'est dire si je fus lent. Un type vient parler avec moi de ses problèmes de genoux, et d'ampoules. Il finit le GR et veut faire la partie alpine demain. Je lui dis que la descente est risquée s'il a mal aux genoux. Il me parle de la faire à reculons. Je ne me doutais pas alors que j'allais pratiquer ça aussi par la suite.
Une fois mes chaussures enlevées, je constate avec effarement le désastre, j'ai mes petits orteils dans un sale état. Les ampoules, déjà conséquentes, ont éclatées. Foutues chaussures! Elles sont trop justes, ou mes pieds se sont élargies. Même en pieds nus, je marche avec difficulté. Je me mets un nouveau pansement et passe la pommade. Pas étonnant que je suis lent. Comment vais-je faire pour la suite?
Je me fais 2 soupes, un bol de muesli et un autre bol de lait chaud, tellement j'ai soif (plus d'un litre).
Je dors très mal, me retournant toutes les cinq minutes, tellement la douleur au pied me lance. Cela va se calmer un peu en fin de nuit.

samedi 15 septembre 2012

la voie alpine


Ce qui m'a tout de suite touché sur ce chemin, c'est la force de la nature, une rencontre avec le vierge, le non abîmé, le total inhabituel. Le fait de très vite s'élever, de s'éloigner de la foule vacancière, d'avoir des points de vue extraordinaires sur la montagne et la mer, de sentir l'inaccessible horizon et sa propre petitesse, tout cela joue à notre insu sur des parties subtiles de l'être.

La deuxième journée fait passer par le col de Bavella, ce qui veut dire retrouver des randonneurs à la journée, des voitures, des restaurants ou bars d'altitude. J'étais déjà venu marcher là il y a une quinzaine d'années en famille. Cela m'a fait tout drôle de retrouver ce monde après seulement un jour et demi de marche. C'est justement cet éloignement de tout qui ne peut être parcouru qu'à pied, cette forme de perdition dans cette nature sauvage, et l'union autant qu'elle m'est possible avec le chemin de l'instant.
Arrêt dans un coin tranquille près d'une source d'eau pure indiquée sur le guide, juste avant le parking du col.
Je me rafraîchis, puis fais un thé. Je retrouve le couple de la gazelle.

Juste après ce col, il y a deux chemins possibles : la voie alpine, plus difficile comme son nom le laisse supposer, mais plus courte en temps, et la voie tranquille essentiellement en forêt, qui prend environ 2 heures de plus. Chez moi, lorsque je préparais le voyage et lisais tout ce que je pouvais trouver, j'imaginais  avaler les chemins les plus durs, et faire les sommets avoisinants! Sur le terrain, c'est une autre réalité! La seule réalité à vrai dire. Dans l'état où j'étais, il semblait plus sage de prendre la voie longue mais plus tranquille.
L'image, vue du col, c'est une montagne escarpée, sur laquelle on ne voit aucun chemin (photo ci-dessus), et surtout je me demande comment il pourrait y en avoir un. Je vais même voir des gens qui sont encordés et font de l'alpinisme... C'est s'engager sur cet inconnu si vertical pour mon inexpérience, ou contourner le massif.
Au début le chemin est commun. En quelques minutes je me retrouve au pied des premiers enrochements. Me suis-je trompé? Je fais demi-tour, regarde, cherche un autre chemin, des personnes. Je ne vois rien. N'ayant pas envie de retourner au col, pourtant proche, je m'engage sur la voie dite alpine sans savoir encore que c'est vraiment elle.

Gros rochers, petits rochers, pierres partout, terre rare, racines apparentes.... Ca monte, ça monte, ça monte. En levant le nez, je me demande où est le chemin plus haut car rien ne permet de le déceler bien souvent. Mais qui a pu avoir l'idée de passer par là et d'en faire un passage?
Il fait chaud, le sac est lourd, et les jambes fatiguent. Je vais doucement, et assure chaque pas pour ne pas glisser ou chuter. Les bâtons m'aident énormément. C'est vraiment une découverte, j'en suis très content. Les jeunes me dépassent, mais ils me semblent tous plus jeunes!
Je m'arrête parfois pour boire, mais peu en vérité. D'abord il faut qu'il y ait de l'ombre, ensuite un rocher assez gros pour poser mon sac sans me fatiguer, enfin je me donne des paliers à atteindre, les plus loin possibles en fait. Plus on s'arrête, plus le risque est grand de perdre son énergie, et d'avoir plus de mal à reprendre.
Petit à petit, le sommet, où ce que je peux prendre pour tel au départ, s'approche. En effet, la montagne oblige à des contournements qui font prendre un sommet visible pour le but, alors que cela cache un autre versant plus éloigné.
Une fois là haut, un autre univers apparaît. Je regarde le chemin parcouru. Comment peut-on descendre ce que je viens de monter? Cela semble encore plus périlleux.
Je me trouve un endroit sur l'autre face, à l'ombre, et fais la pause repas.
Le col de Bavella, si proche à vol d'oiseau, me semble à mille lieues. Devant moi, un espace nouveau...


vendredi 14 septembre 2012

La vie en rose



Pour faire le GR 20, il faut se lever tôt, à l'aube, afin d'éviter la grosse chaleur. Cet été, à partir de 8H1/2, il faisait déjà chaud. Et porter une quinzaine de kilos en plein cagnard sur un sentier escarpé, c'est fatiguant. L'ombre, rare parfois, est bienvenue. L'autre raison est que certains doublent les étapes.
Cela ne m'empêche pas de prendre le temps de contempler le paysage. Le secteur des aiguilles de Bavella est l'un des plus spectaculaires de la Corse. Je fais donc quelques photos. Tous les photographes savent qu'il y a deux moments où la lumière est particulièrement intéressante : le matin et le soir. Cela dure assez peu de temps en réalité. Dès que le soleil commence à monter, la lumière va s'éclaircir, les tons magiques rougeoyants vont disparaître. Cela est lié à la longueur d'onde envoyé par le soleil lorsqu'il apparaît à l'horizontale.
J'ai l'impression que peu de monde en profite vraiment sur le GR. Je les vois s'activer pour ranger tout ce qui a été sorti pour la nuit. Le fait d'être par deux, ou en groupe, suscite, entraîne, oblige à la parole. Ce mécanisme "terrible" qui peut nous prendre dès le matin. J'ai la chance d'être seul, et de suivre mon ressenti, mon rythme. Ce qui ne m'empêche pas de dire bonjour, ou engager quelques mots. mais ce matin particulièrement, le site est trop rare pour ne pas le vivre pleinement.

J'allais en voir des têtes...

jeudi 13 septembre 2012

crête


A propos de marche


Au matin


Etre réveillé par les premières lueurs, ou par ceux qui se lèvent encore plus tôt.
Si c'est pour assister au spectacle de la nature, c'est un pur bonheur.
La lumière dévoile des couleurs insoupçonnables,
Des formes aux contours magnifiés.
Une énergie si pure qui nous dépasse.
Ce doit être ça les vacances...


Tel un gardien, les pierres veillent
Tandis que je m'émerveille...


mercredi 12 septembre 2012

En chemin


En montagne on entend le bruit de l'eau avant de la découvrir. J'arrive à une cascade qui se termine par des bassins où deux hommes se baignent. Je m'en approche pour me laver. En discutant j'apprends que l'un d'eux a une chaussure complètement fichue, avec la semelle ouverte, décollée, et qu'il n'a pas de quoi réparer. Ils ont presque fini le GR, mais il reste encore près de 3 heures de marche. Il n'a pas de sandales de rechange. Je ne sais comment il va terminer, sinon lentement.

Un couple arrive derrière moi. On était dans le bus qui nous avait emmené jusqu'à Conca. On va se retrouver pendant les deux premières journées. Je repars avant eux, mais ils vont me rattraper car ils marchent plus vite. Ils ont la trentaine, la femme est réunionnaise et ne craint pas la chaleur comme dit son mari.  "Une vraie gazelle", me dit-il. Selon les pauses où l'on se retrouve, car cela monte encore pas mal, j'apprends qu'ils ont tous les deux travaillé chez Décathlon. Il reconnait mon sac, qui ne se fait plus, mais qui est increvable parait-il. Reste le bonhomme.

Je croise d'autres personnes. Sur les GR, tout le monde se salue. Je ne suis pas un spécialiste du bonjour systématique, mais je vais en devenir un. Cela va même devenir un plaisir, que de regarder les gens et les saluer. Je pense à Sandra, qui m'a dit "Fais de belles rencontres!" Oui, je vais en faire.
De très loin,je vois un trou dans la montagne, trop loin pour le photographier. Je n'aurais pas imaginé à ce moment là que le refuge en était assez près. Le chemin retrouve bientôt une forêt, qui me semble longue, longue. La journée a commencé tôt, à 4 H, et je commence à en avoir plein les pattes. Une dernière montée, et tout d'un coup je vois une tente, puis d'autres, je suis enfin arrivé.

Je retrouve le compagnon de la gazelle, qui m'aide à porter mon sac pendant que je vais à la source en contrebas avec le gardien du gite. Il repart chez lui et va laisser le gite fermé durant la nuit. Demain de sera un autre gardien qui montera. Le gardien me propose de prendre gratuitement une tente déjà montée, vu que la nuit est tombée, pour m'éviter d'avoir à monter la mienne. Je sens dans sa voix une vraie bonté. C'est très agréable. Je suis exténué, gorge sèche, et les épaules endolories. J'ai marché environ 10 h en tout depuis ce matin. Cette aide et l'accueil du gardien font du bien. Je cherche une tente libre avec l'ami de rencontre, puis m'installe. Il y a même des matelas, un avant toit, c'est le grand confort. Je me prépare la soupe et un taboulé.
En enlevant mes chaussures, je découvre les ampoules aux orteils. Je me fais mes premiers pansements.
En fait cela va me lancer une partie de la nuit et m'empêchera de dormir.