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dimanche 2 décembre 2018

LA FIN D'UN MONDE (4)


LA FIN D'UN MONDE (4/6) - Qui est Pablo Servigne, apôtre de l'effondrement et père de la collapsologie ?(lu sur LCI).


ÉLECTROCHOC - Depuis "Comment tout peut s'effondrer", paru en 2015, ce docteur en biologie de 40 ans est présenté comme l'apôtre de l'effondrement. Ses idées infusent au sein d'une génération sensibilisée aux questions environnementales, sans pour autant avoir l'expérience des luttes écologiques passées. Portrait du père de la collapsologie.


Sa profession : collapsologue. Ou, pour le dire plus simplement, théoricien du déclin de notre civilisation. Le travail du docteur en biologie Pablo Servigne consiste à décortiquer les ressorts d'un possible effondrement de notre société fondée sur un système industriel planétaire. Non pas dans plusieurs siècles, mais de notre vivant. 

Dans le remarqué Comment tout peut s'effondrer (Seuil, 2015), lui et son co-auteur Raphaël Stevens dépoussièrent, dans un même mouvement, des concepts issus des luttes écologiques de ces quarante dernières années et signent  l'acte de naissance d'"une véritable science appliquée et transdisciplinaire" qu'ils décident alors de nommer, "avec une certaine autodérision", la "collapsologie".

 

Avec ses faux airs de Che Guevara de la lutte écologique, le scientifique de 40 ans est devenu la figure de proue d'un mouvement dont les idées infusent notamment au sein d'une génération sensibilisée à la cause écologique. Le mois dernier, juste après le dernier rapport alarmiste des experts du Giec, Pablo Servigne est apparu aux côtés d’une vingtaine de youtubeurs pour encourager chacun à trouver un moyen d'agir en menant des actions concrètes pour limiter le dérèglement climatique. 

"C’est déjà catastrophique, mais il n’est pas trop tard pour éviter que ce soit encore pire", soutient ainsi Pablo Servine. Le déclic, le chercheur lui,  l'a eu il y a dix ans. Le 30 octobre 2008, plus précisément.

La prise de conscience
Ce jour-là, le chercheur, alors âgé de 30 ans, quitte le monde universitaire après avoir soutenu une thèse sur les mécanismes d'entraide chez les fourmis arboricoles en Guyane. Au même moment, la finance mondiale s’effondre. La banque d’investissement Lehman Brothers fait faillite et entraîne dans sa chute la bourse américaine et toutes les bourses mondiales. L’effondrement, justement, celui de notre monde, une quasi réalité à laquelle le jeune scientifique décide alors de s’attaquer. Pablo Servigne s’engage dans l’éducation populaire, en Belgique.

Il anime, en tant qu'ingénieur agronome, des ateliers et développe un pôle de recherches au sein de l’association Barricade, à Liège. Le chercheur se rend ensuite dans la capitale belge, enchaîne les boulots dans l’économie solidaire et sociale. Il y côtoie les milieux anarchistes, les punks, les squats. Le scientifique découvre également avec enthousiasme le mouvement de la Transition initié par Rob Hopkins, un enseignant anglais en permaculture, dont le livre vient alors de paraître. L'activiste y défend l'idée d'une transition nécessaire et incontournable vers un monde sans pétrole, en suggérant de s'y préparer à travers des actions locales positives. Il trouve, en ce pionnier de l'écologie, un véritable mentor.

De l’effondrement à l’entraide
C'est aussi à cette époque qu'il fait la rencontre de Raphaël Stevens. Tous deux nourrissent l'ambition de changer le monde. "Au début, ça n’a pas été facile, on nous prenait pour des fous. Il a fallu que Pablo Servigne soit invité au Parlement européen, pour qu’on commence à le prendre au sérieux", se souvient cet ingénieur en biomimétisme de formation spécialiste des questions de résilience. L'ancien ministre de l'Environnement et député européen, Yves Cochet, qui a signé la préface de son premier livre Nourrir l'Europe en temps de crise : vers des systèmes alimentaires résilients (Acte Sud, 2014) ne tarit pas d'éloges sur l'homme.

 

Il a fait la rencontre de Pablo Servigne à l'Institut Momentum, un cercle de réflexion fondé sur le constat que "nous vivons aujourd'hui la fin de la période de la plus grande abondance matérielle jamais connue au cours de l'histoire humaine". C'est également lui qui a invité le chercheur au Parlement européen pour présenter ses travaux. Il se souvient notamment avoir été marqué par le "magnétisme" du scientifique. "Pablo est bibliopathe, un boulimique d'études scientifiques. Au-delà de son bagage universitaire, il porte en lui une flamme. Ce que j'appelle l'intelligence de la jeunesse. Quand il parle, les gens l'écoutent", souligne l'ancien ministre de l'Environnement. Une première étape avant la politique ? Pas à en croire Yves Cochet. 

Un mode de vie alternatif
Difficile pourtant, quand on est abreuvé de fictions dystopiques, d'envisager avec sérénité un monde post-effondrement dans lequel l'entraide et la culture des tomates permettraient à l'humanité de survivre. Ses détracteurs lui reprochent son côté gourou. Le scientifique expose, dans la conclusion de son dernier livre, Un autre fin du monde est possible (Seuil, 2018), qu'il se considère comme "vivaliste" : un mélange d'entraide, de résilience locale et de retour à la nature qui permettrait l'indépendance alimentaire, notamment grâce à la permaculture - une méthode dont l'objectif est de produire une nourriture saine, sans utiliser de pesticides, d'engrais chimique ou de pétrole.

Cette sagesse pour un monde au bord du gouffre consiste, grosso modo, à tenir ce discours : conscients que nous n'échapperont pas au pire, que quantité d'horreurs et de convulsions s'abattront bientôt sur la planète, cultivons en nous la compassion, l'altruisme. Ce citadin de souche a choisi d'habiter à la campagne, dans la Drôme, pour ses deux enfants. "On ne voulait pas qu’ils grandissent en ville dans le béton", confiait-il récemment à nos confrères de 20 minutes. Avec sa compagne, ils ont fait le choix d’acheter un habitat léger. "Maintenant que je publie, je peux demander un peu plus pour mes conférences. Ça me permet de faire moins de conférences et de gagner du temps à la maison pour m’occuper des poules, du potager, des enfants."