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samedi 15 juin 2024

Bon Espoir 6

Il y a des rencontres où la banalité n'est plus nécessaire pour faire du lien, où seul l'essentiel demeure, où les silences approfondissent les paroles échangées, silence dont il devient parfois difficile de sortir pour ne pas abîmer ce que le cœur ressent, des rencontres qui nous renvoient à notre propre rapport à la vie. Eric en était là, songeur, pris entre le désir de poursuivre et celui de ne pas abuser.
- Vous avez des amis qui pensent comme vous ?
- Oui, quelques-uns bien sûr ! Vous savez, on fréquente les gens qui nous ressemblent. C'est d'autant plus évident avec l'âge, enfin je veux dire la maturité. Un tri s'opère naturellement. On devient plus exigeant, mais la vie ne nous lâche pas pour ça. Elle répond en fonction de ce que l'on porte. Il est vrai que les mailles du filet qui retiennent les occasions de rencontres ne sont plus les mêmes. Mon mari est plus sociable que moi, j'ai besoin de solitude pour créer, pourtant si on considère les amis les plus proches, ils viennent plutôt de mes rencontres. C'est étrange, il n'y a aucun vouloir particulier. On ne peut pas dire le matin : « Il faut que je me trouve un ami pour ce soir ! » Je ne parle pas des gens qui noient leur solitude dans le café du coin, quoique le lien se fasse partout.
C'est étrange comment les rencontres se font. On s'en rend compte après, mais en fait il n'y a pas à se préoccuper.  
- Pourtant certaines personnes sont dans la détresse, ou la solitude.
- Oui, c'est vrai, mais on ne sait pas ce qui se passe en elles, ce qu'elles portent. La part cachée de nous-même peut parfois peser bien plus lourd dans la balance de nos agissements.
- C'est à dire ?
- Tant que l'on ne se connaît pas vraiment, on est mené par son inconscient, on est contraint par ses peurs. On peut très bien attirer des rencontres qui nous font du mal, nous rendent malheureux, car c'est lié à une part de nous méconnue, ou que l'on ne veut pas voir. Tout le monde souhaite le meilleur, mais la réalité qu'ils attirent est souvent bien différente.
- Je ne me rends pas bien compte de tout çà encore. Pourtant je sens bien que mes amis de jeunesse ne se posent pas autant de questions.
- Vous êtes à un tournant dans votre vie. Restez avec vos questions, les réponses vont apparaître...
 

jeudi 13 juin 2024

Bon Espoir 5

Le soir nous retournâmes à la fraternité partager une heure de silence. Le moine vu le matin nous mit en contact avec un couple habitant ce village et faisant chambre d'hôtes. Quelques semaines après nous avons entendu parler d'une maison à vendre. C'est celle-ci.
- Quelle belle histoire !
- Oui, nous sommes persuadés maintenant que la vie nous guide.
- Je ne suis pas encore dans cette certitude.
- Je crois que la vie nous envoie des messages, des signes, de temps en temps, que nous décryptons ou pas, c'est selon chacun. Si on est ouvert, cela devient de plus en plus clair, flagrant.
Au départ nous voulions juste de la tranquillité, un rythme plus respectueux de nos aspirations, mais nous n'imaginions pas ce que la vie allait nous proposer.
- Je me sens disponible envers ce que vous dites, mais je ne connais pas encore mes aspirations. Je ne suis pas sûr de ce que je veux.
- Vous nous avez dit que vous alliez voir un ami...
- Oui, on se connaît depuis l'adolescence. Il a fait des études, puis a trouvé un travail rapidement. Ce qui n'est pas mon cas. Du coup notre rapport à la vie a changé. J'ai un peu travaillé, mais je ne me sens pas prêt à m'installer quelque part.
- Vous avez peur de perdre votre liberté ?
- Oui, certainement. Je ne veux pas faire un choix que je regretterais ensuite, ou ne pas choisir et me sentir prisonnier.
- Pour l'instant vous pouvez vivre ainsi, restez à l'écoute de vous-même. Vous aurez des réponses.
- Peut être que mes questions ne sont pas assez claires !
- Si je considère que notre histoire est une aide, alors notre rencontre est fortuite.

mercredi 12 juin 2024

Bon Espoir 4

Le soir nous trouvions un hôtel nommé : « A la belle étoile ». Après le livre, cela semblait de bon augure. Nous ne savions pas où aller le lendemain, mais on se sentait accompagné. Après une nuit tranquille et un bon petit déjeuner, on demanda s'il y avait des lieux intéressants à voir dans la région. On nous donna un dépliant sur papier glacé énumérant les lieux touristiques. Parmi ceux-ci était cité un men-hir. On décida d'y aller. L'hôtelier connaissait et nous indiqua la route à suivre. Il fallut bien une heure avant d'admettre qu'on s'était perdu. Ni l'un ni l'autre n'avions la moindre idée pour retrouver le bon chemin. C'est alors que nous vîmes un panneau indiquant la Fraternité de Sainte Espérance. Ce fut comme un choc. Nous nous regardâmes, en connivence complète. On va aller voir, c'est pour nous ! On prend le chemin, on gare la voiture, on sonne. Un moine nous ouvre, avec un regard bienveillant. On lui explique notre histoire, en s'excusant de déranger pour si peu. Il sourit et nous explique. Nous lui demandons alors qui est cette communauté. Il nous répond et nous emmène dans une pièce contiguë, qui est leur espace de vente. Nous jetons un œil entre objets pieux, cartes, CD, livres... Et je tombe sur le livre acheté la veille : Espoir et certitude. Décidément ! J'en parle au moine. Il sourit encore et dit :
- Oui, nous connaissons l'auteur qui vient régulièrement ici, et a écrit quelques chapitres dans sa chambre lors de retraites. C'est une belle personne.
- Nous avons l'impression que depuis quelque temps, l'espoir se manifeste à nous de façon bien réelle.
- Alors le village d'à côté devrait vous parler.
- Vous nous intriguez.
- Il y a quelques personnes qui ont même déménagé pour venir vivre ici.                                                        - Justement, nous cherchons un lieu tranquille.
- Nous ne sommes pas des agents immobiliers, mais nous pouvons transmettre des messages. Nous proposons aussi des temps de silence. Prenez un papier si vous voulez.
Nous le remerciâmes et partîmes. C'est ainsi que nous arrivâmes dans ce petit village de Bon espoir. Imaginez notre étonnement.

mardi 11 juin 2024

Bon Espoir 3

 - Votre maison est calme, c'est un bonheur.

- Oui, c'est l'avantage des vieilles maisons, les pierres vibrent. Nous voulions une ambiance qui nous corresponde.

- Comment êtes-vous arrivés dans ce lieu au nom évocateur ?

- On voulait quitter la grande ville et vivre à la campagne. On n'avait pas d'idée particulière, mais on souhaitait un coup de cœur. C'est à ce moment que Philippe fit un reportage sur le Père Jaouen. Vous connaissez ?

- Oui, il s'occupe de jeunes en difficultés qu'il accueille sur des bateaux, je crois.

- C'est cela. Et l'un des bateaux se nomme « Le bel espoir », nom tout à fait symbolique et porteur pour ces jeunes.

- Je suis resté une semaine avec l'association qui se situe en Bretagne nord sur l'Aber Wrach. Une particularité géographique est que l'on voyait le phare de l'ile Vierge, qui est le plus haut d'Europe. J'y voyais un signe très fort à propos de la lumière sur cette île Vierge, qui accueillit entre autres des druides, puis des frères cordeliers, c'est à dire franciscains. Je crois à la puissance de l'évocation des lieux, et j'en ai d'ailleurs parlé dans mon article où je citais ces jeunes en "vrac" qui reprenait une lueur d'espoir, illuminés chaque nuit par un feu dans les étoiles. L'île vierge qui nettoie notre chaos intérieur en quelque sorte... 


Ce séjour me marqua pour diverses raisons, et ce mot, espoir, prit une nouvelle dimension dans mon esprit, même si je n'étais pas perdu, quoique... Aujourd'hui je me dis qu'on peut être perdu sans le savoir.

- Nous partîmes quelques jours, sans but précis, comme vous peut être, sans contrainte, à l'écoute de nous-mêmes et de la vie. Le lendemain, passant devant une librairie, je vis un livre intitulé « Espoir et certitude ». On rentre, on feuillette et on l'achète. L'auteur explique que le sens de la vie est de passer de l'espoir à la certitude. L'espoir fait partie de l'homme, c'est la notion d'idéal portée par la jeunesse, une croyance absolue dans un monde meilleur en quelque sorte. Pourtant, combien d'espérances déçues. Peut-on s'appuyer sur des certitudes ? C'est toute la question ! Quelles sont-elles et comment les trouver? C'est le cheminement qu'il explique.

- Je vois ce que vous voulez dire, et je me reconnais dans ce questionnement.

lundi 10 juin 2024

Bon Espoir 2

Après avoir quitté la nationale, ils prirent une petite route à travers une campagne qui se couvrait de collines. Un croisement, un panneau indiquait la Fraternité de Sainte Espérance, ils tournèrent.

- Le nom du hameau et cette fraternité sont reliés, dit Véronique, il semblerait que des habitants précédèrent l’installation d’une communauté. Il n’y a rien d’écrit. On ne sait d’où vient le nom.

Ils passèrent devant le chemin qui conduisait à la fraternité, le village était à deux kilomètres. Assez de maisons pour que subsistent une épicerie et une école. Leur maison était en pierres, avec des fenêtres hautes, aux belles proportions, une sorte de tour dépassait du rez de chaussée, un beau jardin avec de grands arbres qui ajoutaient à la sérénité du lieu, de la vue vers la nature environnante. Un endroit enchanteur réservé à ceux qui prennent les chemins de traverse.

- Venez, je vais vous montrer votre chambre. Je vais m’occuper du repas, ce sera simple, on va manger dans une heure. Faites comme chez vous.

Eric se posa un moment. Il avait rencontré bien des gens sympathiques en stop, mais c'était la première fois qu'il était invité. Saurait il faire la même chose avec des inconnus ? Il ne savait pas. Il n'avait pas de voiture et ne pouvait se projeter. Offrir l'hospitalité est si peu courant dans notre culture égoïste et peureuse. Il était un peu gêné et en même temps attiré. La vie avait-elle quelque chose à lui dire ? Il rejoignit ses hôtes dans le séjour.

dimanche 9 juin 2024

Bon espoir

Si je ne mets pas grand chose sur le blog depuis quelque temps, c'est parce que j'écris par ailleurs un roman sur le cheminement d'un jeune homme. Je l'ai commencé il y a plusieurs années avançant au grès de mon inspiration. Il y eut de longs arrêts, et puis ayant bien avancé ces derniers mois, je me suis dit que je m'efforcerais de le terminer d'ici l'été. C'est un défi, car j'ai essayé depuis le début de rester proche de ce que je ressentais, et pas de remplir du papier.
Alors je me propose de vous mettre quelques pages du premier chapitre, qui s'intitule : Bon espoir.


BON ESPOIR

Il se souvient de ce jour, alors qu’il voyageait en stop, où il fut pris par un couple très étrange. Ils allaient dans la bonne direction, et le lâcheraient une centaine de kilomètres plus loin. La femme se retournait vers lui pour lui adresser la parole, très accueillante. Il y eut bien sûr les questions habituelles : où allait-il, que faisait-il, pourquoi voyageait-il ainsi, pour créer le contact. Lui était journaliste, elle faisait de la sculpture et exposait. Il était passionné de poésie, et cita quelques vers de sa composition, comme ça, en toute simplicité. Cela parlait de l’homme à la recherche de sa nature perdue.
 
Je m’enfuis toujours plus loin
Dois-je courir ou bien rester?
Je suis l’esclave de ce besoin :
Aller au-delà de mes pensées…
 
- Ecoutez, c’est bientôt la fin de la journée, si cela ne vous bouscule pas, on vous propose de passer la nuit chez nous, on vous remettra sur la route demain. Nous habitons à une vingtaine de kilomètres d'ici dans un petit village qui se nomme Bon espoir.
Eric resta abasourdi. Un couple aussi gentil habitant Bon espoir, c’était tout bonnement incroyable. Son cœur basculait vers le oui, sans aucun doute.
- Vous habitez Bon espoir, et vous m’invitez, j’ai l’impression de rêver !
- Non c’est bien réel, c’est une part de notre histoire. Si vous voulez, on vous la racontera.
- Si je me laisse inviter ainsi, sans doute aurais-je à rendre un jour…
- Ne projetez pas trop, laissez-vous surprendre. La vie est surprenante, bien plus qu’on imagine.
- Je vous remercie.
Ils rirent, comme s’ils avaient joué un bon tour à un inconnu qu’ils avaient reconnu, sans qu’il s’en doute lui-même. Reconnaître une âme sœur. Avec l’âge, cela était sans doute plus aisé, à condition de ne pas dévier d’une certaine intuition, d’une proximité avec sa profondeur.