Nous nous sommes retrouvés un week end avec ma sœur et mon frère, pour commencer ce tri gigantesque, entre ce qui serait jeté, ce que l'on gardait individuellement, ce qui pouvait être vendu ou donné.
Un bazar pas possible, car on ne jetait rien, même l'inutile certifié. La dernière guerre a fait des ravages dans beaucoup de familles. Les parents de ma mère ont du fuir leur maison, si je me souviens bien, et y ont laissé certainement des choses personnelles. Evènement traumatisant pour une enfant, dont le résultat fut la peur du manque, l'accumulation de boites de nourritures diverses, toutes marquées de la date d'achat, et surtout de boites, cartons, poches, dont le contenu n'a jamais servi pendant un demi siècle....
Je vais juste parler des livres.
Ma mère achetait des livres par abonnement. Sous prétexte de faire des affaires, l'entreprise commerçante vous propose un engagement dans le temps à consommer des livres. OK, il faut juste le savoir.
Parmi les centaines de volumes, je lorgnais depuis des années une collection de livres sur la spiritualité. J'avais demandé à mon père, après la mort de ma mère, d'en prendre quelques uns. La réponse fut non. Ils devaient lui tenir compagnie sans doute, dans le souvenir figé d'une bibliothèque établie par sa femme, qui devait lui rappelait une ambiance, lorsque les livres arrivaient par la poste, qu'elle les ouvrait, l'œil pétillant, le cœur rassuré, puis les ajoutaient sur les étagères, que j'ai toujours connues surchargées. Un bon nombre, peut être la majorité ne furent jamais lus par elle. Quand à mon père, je ne l'ai jamais vu lire un livre. Mais je ne pouvais les emprunter. C'est comme ça!
Avec l'accord de ma sœur et de mon frère, je ramène trois cartons de livres. Je laisse un tas de livres de prières, de missels, bondieuseries, et autres auteurs catholiques, qui ont marqué une époque désormais révolue, celle du formalisme et de la morale chrétienne. Ma mère a baigné là dedans, mon père moins, mais il en fut marqué. C'est un sujet en soi.
Par contre je récupérais une grande Bible de Jérusalem illustrée par Dali, ainsi qu'un dictionnaire de la Bible. Des livres de et sur mère Teresa, de sœur Emmanuelle, un de Jean Yves Leloup, les œuvres de Saint François d'Assise, Saint Jean de la Croix, Sainte Thérèse d'Avila, Saint Augustin... Et cette fameuse collection reliée, comme une bonne partie des autres d'ailleurs, sur Lao Tseu et le Taoïsme, le Bouddha, Socrate, Zoroastre, Milarepa, les maîtres du zen, Moïse raconté par les sages, le Christ, la vie de Ramakrishna...
De quoi monter bientôt une bibliothèque de monastère, ou d'ashram, si j'ajoute les miens!
En tout cas je n'ai plus assez d'étagères. C'est ce qui m'avait fait les garder encore dans leurs cartons.
Je les regardais d'un oeil attendri chaque jour ou presque, en leur promettant de les sortir prochainement. Un lundi de Pâques pour les mettre au jour, n'est-ce pas l'idéal?
Je les étale dans le séjour, et commence à les classer. Entre temps, j'allume la radio pour écouter de la musique classique. En touchant ces livres, en enlevant quelques papiers laissés dans certains, en revoyant l'écriture de ma mère, je repense à elle, à tout ce monde de livres qu'elle s'est créé, qui m'a sans doute influencé aussi car j'ai une passion pour les livres et l'écriture. Je ne suis pas nostalgique, je suis juste dans un monde qui me nourrit, comme elle l'a sans doute nourri.
A ce moment exact, j'entends à la radio l'Ave Maria de Gounod. C'est le chant qu'avait demandé ma mère pour son enterrement, et que nous avons aussi écouté pour celui de mon père. J'ajoute qu'il fut aussi chanté par la petite fille d'Arnaud Desjardins lors de son enterrement.
Comme c'est étrange, une fois de plus, cette heureuse coïncidence au moment on ne peut plus exact où je pensais à elle. J'aurais pu rester dans le silence, j'aurais pu commencer à un autre moment à les sortir du carton, non ce fut juste là....
Je le prends comme un signe. C'est comme si elle se réjouissait de voir ses livres entre mes mains.
O merci maman!
2 commentaires:
« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous ». Paul Eluard l
Effectivement!
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