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vendredi 7 novembre 2025

Suis-je celui qui décide?

« Suis-je donc celui qui décide ou choisit indépendamment quoi que ce soit ? Ou bien mes décisions ou mes choix sont-ils dictés par la totalité du contexte du moment ? »

Si je réponds avec certitude : « Oui, c'est bien moi qui décide indépendamment de faire ceci ou cela, à ce moment-ci et pas à un autre, de cette manière-ci et pas d'une autre », je continue sur cette voie. Si je trouve ainsi que c'est « ma » décision, indépendante du contexte, je pousse l'investigation un peu plus loin : « Si je suis le décideur en chef, où donc se trouve ce centre de contrôle qui dicte ma conduite ? » Je me mets à chercher... Automatiquement, le focus va se faire « ici » et pas « là-bas », mais où exactement ? Dans la pièce où je me trouve ? À l'intérieur de mon corps ? À l'intérieur de ma tête ? Dans la partie inférieure ou supérieure de ma tête ? Il y a fort à parier que c'est là, entre mes deux yeux, que je vais le situer.

Je vous engage à essayer tout de suite pour faire cette exploration très simple et parlante.

Ensuite, je passe aux choses sérieuses, et je me demande : « Y-a-il vraiment un petit contrôleur dans ma tête entre les deux yeux qui déciderait de dire ce mot-ci, puis ce mot-là, puis encore un autre, et un autre encore, etc., ou bien qui penserait cette pensée-ci ou cette pensée-là, ou qui se mettrait à agiter les mains comme ceci ou comme cela ? Ou n’est-ce pas plutôt que les mots, les pensées, les gestes surgissent spontanément ? »

Les répercussions de cette investigation sont profondes. Ce petit contrôleur supposé être localisé dans ma tête existe-t-il réellement ? Est-ce que ce n'est pas là une forme de définition d'une vie séparée, autrement dit LE mécanisme même de la séparation qui fait que je me sens souvent petit, déconnecté, incomplet, perturbé, au sein d'un monde vaste et menaçant contre lequel je dois me défendre pour survivre ?

Et si je suis ce contrôleur de mon corps, pour autant je ne suis pas le contrôleur du corps d'Alain, ni du corps de personne ici d'ailleurs ! Il en résulte une forme d'asymétrie, une sorte de limitation à quelque chose de localisé en un point fixe. Pour les « autres » que moi, logiquement cela semble pareil, il y aura donc toujours une forme d'asymétrie entre eux et moi.

D'un côté, c'est-à-dire ici dans mon corps ou ma tête, il y a « moi » et de l'autre côté là-bas, il y a ce que je pourrais appeler « pas-moi », c’est-à-dire un monde extérieur incluant les « autres que moi ».

C'est le mécanisme de la séparation et ce mécanisme va tourner en boucle toute une vie, tant qu'il n'a pas été exploré et identifié... Et démystifié une fois pour toutes.

Je vous engage vraiment à faire cette exploration qui va vous mener à cette première découverte, sans laquelle il n'y a aucune possibilité de résolution de l’énigme existentielle.

Lorsque surgit cette forme d'évidence que mon propos suivant, mon action suivante ne viennent pas d'un contrôleur qui serait localisé quelque part dans ma tête, mais qui découle du phénomène de « la plus grande pente », comme le flot d'un torrent qui dévale une montagne, c'est un moment parfois difficile. Le « moi » en prend un coup. Cela demande - dans un premier temps - une forme de courage pour admettre cette impuissance. C'est pénible, très pénible tout d'un coup, de réaliser que toute ma vie, j'ai été le jouet d'une l'illusion. Je me croyais aux commandes de ma vie, mais il n'en était rien ! J'avais l'impression d'avoir voix au chapitre, d'être indépendant, d'avoir les clefs du camion et je découvre maintenant que je suis en fait complètement dépendant des circonstances, qu'elles soient d'ailleurs positives ou négatives.

Je ne peux ni me glorifier ni me critiquer... Quand tout marche comme je l’entends, c’est parfait et c’est un concours de circonstances, ce n’est rien de personnel. Quand tout marche de travers, donc pas du tout comme je l’entends, c’est aussi un concours de l’instant, et ce n’est rien de personnel. C’est à la fois incroyablement libérateur et incroyablement effrayant. Le vécu qui va se vivre à partir de ce moment de clarté dépend de notre état d’esprit, de notre terrain également.

C'est ici qu'il est essentiel de ne tirer aucune conclusion finale et définitive. Il faut laisser décanter, et refaire si besoin pour être sûr l'exploration encore et encore pour que l'évidence s'installe tranquillement. Sinon, c'est la déprime assurée... un passage à vide digne de la « nuit noire de l'âme » de Saint-Jean de la Croix : « Mais comment donc ? Je me sens effectivement « déconnecté » mais pas de la manière que je croyais : je ne serais qu'une marionnette, une sorte de fantôme qui se contente de faire partie de l'histoire qui se déroule, sans que j'ai mon mot à dire sur quoique ce soit, c'est-à-dire sans « moi ». Et le comble de l'horreur : « Je - donc moi - n'ai jamais rien fait tout au long de ma vie ! »

Rencontre avec Didier Weiss (OLAM 13 novembre 2021)
Explorations non duelles - Didier Weiss



2 commentaires:

ma a dit…

"libérateur et effrayant"...!! Amitiés, Martine B.

yannick a dit…

Qui est effrayé?