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jeudi 26 juin 2014

Le mythe de la fraternité

J'ai fait pas mal de stop étant jeune ce qui m'a permis de faire de belles rencontres. Amitié de quelques heures et amitié de quelques années. La vie est toujours surprenante.
Depuis quelque temps je me suis inscrit dans un site de covoiturage. C'est plus structuré, mais la vie reste la même avec ses rencontres hasardeuses ou la qualité peut s'exprimer.

Ainsi l'autre jour une femme monte. Au bout de quelque temps la conversation s'engage. Elle va faire un stage à Paris. Disons que c'est lié au développement personnel. Au fil de la conversation elle se livre et dit qu'elle a beaucoup servi Amma depuis de nombreuses années. Auparavant elle demande si je connais Amma. Je lui dis que oui, que je l'ai rencontré il y a 25 ans et l'ai suivi moi même quelque temps. Elle raconte alors son histoire et en particulier un conflit avec une autre personne. Un conflit qui a duré sur plusieurs années. Elle a demandé à s'expliquer avec cette personne. Mais l'autre ne s'est jamais remise en question, et n'a jamais changé d'attitude vis à vis d'elle. Cela était une souffrance pour cette femme, ajouté au fait qu'elle imaginait que les gens qui s'engageaient pour aider auprès d'Amma ne pouvaient avoir des attitudes blessantes et un manque de compréhension tel.
Je lui ai dit que souvent la proximité des sages pouvaient accentuer ou mettre en évidence nos failles.
Elle a longtemps réfléchi avant que d'abandonner son poste de responsabilité, ce qui n'était pas simple puisqu'elle avait passé plus de dix ans à donner de son temps et dormir très peu, sans parler de toute la préparation en amont.
Il y avait un sentiment d'abandon, de déception, de solitude... Elle cherchait un autre lieu, un autre support, pour continuer dans ce qui l'appelait. Sans doute les contacts déjà établis devraient l'aider à grandir. Je lui proposais aussi mes coordonnées au cas où...

Je lui disais que rien ne pouvait garantir une totale sécurité humaine, y compris dans un regroupement autour d'un enseignement dit spirituel. L'amour, la fraternité, sont une pratique qui prend du temps avant que d'être effective et efficace. Tout le monde désire cet amour, cette compréhension, cet élan où le meilleur de l'homme se fait jour. Mais tant que nos propres histoires ne sont pas résolues, nos propres dynamiques inconscientes ne sont pas mises au jour, on n'est pas à l'abri d'un déclencheur de conflit venant de nous même ou venant d'un autre. Si on débute c'est d'autant plus normal, si on est en chemin et que ça éclate, il faut un peu d'humilité pour reconnaître ce fonctionnement qui nous dépasse encore. Cela révèle notre propre état du moment.

L'autre chose est de croire que dans un lieu de retraite, ou auprès d'un guide, tout le monde est gentil, bon, altruiste.... A un moment oui, mais dans la durée c'est autre chose. Vouloir être le premier parmi les tout proches, ou le meilleur à aider, ou simplement savoir donner des ordres ou distribuer des tâches, ou en recevoir, avec la fatigue, la promiscuité.... Ce n'est pas facile. Aider de façon désintéressée est un aboutissement. Ne pas se prendre au sérieux tout en effectuant sa tâche sérieusement, n'est pas si simple. Etre simple n'est pas simple. Combien de fois ai-je raté le coche, ai-je joué un personnage, me suis-je mis en valeur, en ai-je profité de façon plus ou moins subtile? Le groupe est difficile, surtout si on a un poste qui nous met en valeur. Il y a des risques.
Le risque de ne pas être apprécié, d'où un conflit possible, le risque de ne pas être à la hauteur, le risque d'en abuser, le risque de se juger.... Et j'en passe.
Quand tout se passe bien dans une organisation de groupe, c'est absolument magique. Quand au contraire un conflit éclate, cela peut être tragique pour celui qui n'y est pas préparé.

Il n'y a pas de planque spirituelle. Cette envie, inconsciente sans doute, est une faiblesse de notre part, un désir de communion comme celle nostalgique d'avec la mère. Elle est normale si elle est là, mais est à dépasser pour grandir. Où est-il dit qu'il n'y a pas de risque, que l'on sera protégé quelque part? C'est une croyance. Ce simple désir ou cette simple peur nous révèle à nous même. "Le chemin n'est pas pour le lâche" dit Swami Prajananpad. C'est une phrase terrible quand on la soupèse.
Reste le travail sur l'inconscient ou s'abonner à la tolérance totale. Mais il ne faut pas rêver.

Une autre chose c'est que tout peut arriver n'importe où y compris dans ce genre de lieu ou dans une communauté quelconque. Que ce soit un conflit de paroles, des histoires d'argent ou une agression sexuelle. Il y a beaucoup d'histoires qui traînent à droite et à gauche. Des élèves proches peuvent se séparer après la mort du guide pour des histoires d'ego, quand ce n'est pas de son vivant...

Jésus n'a t-il pas été attaqué, raillé, trahi par ses proches, battu, mis à mort?
Devenir simple, innocent, dans le non savoir total, la non demande d'un quelconque résultat, le dernier, le petit.... Mais qui voudrait de ça? Certainement pas l'ego qui s'incruste.

4 commentaires:

sevim a dit…

Très belle analyse qui me parle beaucoup Yannick.

Acouphene a dit…

Beau témoignage... un auto-stop pour repartir...

Yannick a dit…

La vie nous aide tous, n'est-il pas?

philippe a dit…

Ce post est bien tombé pour m'éclairer sur ce que j'ai vécu ds toute communauté à fortiori spirituel.
Cela ébranle une forte croyance en moi.