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samedi 7 juin 2014

Les larmes des anciens ne s'effacent pas comme ça.


La première fois que j'ai entendu parler du Day D, je n'ai pas compris que c'était la même chose que le Jour J, mais en anglais. Je me suis dit : Mais pourquoi traduire J par D? J'ai du rire par la suite de ma bêtise, ou de mon incompréhension passagère.

Je ne viens pas parler de cette guerre épouvantable, de ses millions de morts (entre 60 et 80 millions tous pays confondus : chiffre inimaginable), de cette folie du nazisme, du racisme anti juif, etc....
Hier, j'ai surpris des bribes d'informations à propos de ce soixante dixième anniversaire du débarquement. Entendant cette rencontre improbable entre ces chefs d'état qui n'étaient pas nés à cette époque, et les belles phrases aux mots sans doute milimétrés, je me suis senti touché et avais quelques larmes à l'œil en me rendant à un rendez-vous. Ces élans de fraternité entre des gens responsables que beaucoup d'aspects séparent m'émeut toujours.
Evidemment il y a derrière ces journées des mois de préparation, une montée en puissance qui fait que le côté solennel influence l'émotionnel.

Depuis une semaine les médias multiplient les émissions. Comment ne pas passer à côté? Films, reportages, interview, anecdotes...
Un film sur le débarquement est une chose, des images commentées par des journalistes, ou par des historiens, en est une autre, mais des témoignages vécus par ceux qui y ont participé est vraiment différent. Les premiers moments du débarquement furent une boucherie. Des gosses d'une vingtaine d'années se sont faits mitrailler avant que de commencer à se battre. Hier soir sur Arte, d'anciens soldats témoignaient de ce qu'ils avaient vécu, de ce qu'ils avaient vu, et des images qui ne disparaitront jamais de leur mémoire.

Voir Stallone déguisé en barbouze descendre ses adversaires à coup de rafales automatiques est du petit lait à côté, parce que je n'y crois pas un instant. La tuerie est banalisée à un point que la mort est complètement niée, comme si elle n'existait pas en fait, des successions d'images, une course permanente, qui permet justement d'éviter toute question sur le réel.
Mais voir ces vieillards parler de leurs frères d'armes balayés, déchiquetés, coupés en deux par ces tirs de mitraillettes, sentir leur émotion, voir leurs regards qui se perdent dans un lointain brumeux, alors on sent toute la bêtise de la guerre, l'absurdité de ces massacres, et la souffrance que cela engendre pour des dizaines d'années. On n'est pas manipulé par des images du "bon" et des méchants, avec une histoire inventée qui tombe comme un cheveu sur la soupe.

Cela me rappelle les histoires de tous ces anciens combattants américains qui sont abandonnés par leur gouvernement après avoir combattu au Viet Nam, en Corée, en Irak, en Afghanistan ou ailleurs, et laissés à leur désarroi noyé d'alcool ou de drogue pour oublier les atrocités inoubliables. Comme les jeunes russes, c'est partout la même chose.
Les hommes se battent, obligés, propagandés, les mères pleurent, les rescapés mettent des dizaines d'années avant que d'en parler, et on remet ça dans un pays ou un autre....

Si on montrait des vraies images de la souffrance que la guerre provoque, je suis sûr que cela toucherait plus les gens et que l'on dirait : Assez, c'est insupportable!
Non, on préfère continuer les films de guerre, de destruction, de flics, inventer à qui mieux mieux des jeux vidéos ou le jeu est de détruire toujours plus.
D'un côté de belles paroles de politiques, avec des musées du souvenir, et tout un bling bling coûteux, de l'autre la permission omniprésente de la destruction de la vie élevée en distraction.

Il me semble que préparer la paix devrait commencer par supprimer tout ce suscite la violence, afin de ne pas polluer la conscience des enfants qui ensuite ne savent même pas ce qu'ils font en jouant à la guerre, ce qui commence à l'école. Cela serait une véritable révolution et montrer du courage que d'oser aborder le sujet et interdire tout ce qui a trait à la banalisation de la tuerie organisée. Sans parler du commerce des armes...
Au fait messieurs les présidents, ou députés, quand changerez-vous la Marseillaise pour un chant pacifique et fraternel? Les temps ont changé, au cas où vous ne le sauriez pas!

Du coup je ne crois pas un mot de ces soi disant responsables qui s'apitoient sur les morts pour la liberté ou la démocratie, et leur rendent hommage en grandes pompes.
Les choses ne changeront pas.
Il n'y aura peut être plus de guerre mondiale à cette échelle, mais tant de guerres qui éclatent à droite à gauche, comme on en voit chaque année, qui s'éternisent toujours trop avant un apaisement, pour renaître ensuite ailleurs.

En vérité la violence est la facilité, et témoigne d'une véritable faiblesse, alors que la paix est un combat et demande autrement plus de courage.
Les hommes ignorent ce qu'ils font disaient un certain Jésus, la vie n'est que souffrance constate le Bouddha.

2 commentaires:

soisic a dit…

Tu as raison Yannick

"Le monde n'est si meurtrier que parce qu'il est aux mains de gens qui ont commencé par se tuer eux-mêmes, par étrangler en eux toute confiance instinctive, toute liberté donnée de soi à soi. Je suis toujours étonné de voir le peu de liberté que chacun s'autorise, cette manière de coller sa respiration à la vitre des conventions, et la buée que cela donne, l'empêchement de vivre, d'aimer.
Christian Bobin (La plus que vive,)

Yannick a dit…

Soisic, tu connais Bobin par coeur.
Merci.