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jeudi 2 juin 2011

Conquérir l'inutile

Bien que né au bord de la mer, j'ai été marqué, enfant, par des exploits de montagnards. En particulier un titre de livre : "Les conquérants de l'inutile" m'avait interpelé. Il fut écrit par Lionel Terray, un très grand alpiniste, qui s'attaqua aux sommets les plus difficiles avec son ami Louis Lachenal surtout, et Gaston Rébuffat. Tous les trois sont nés en 1921. Lachenal est mort en 1955 à 34 ans dans la vallée Blanche, Terray est mort en 1965 à 44 ans lors d'une chute dans le Vercors.
Comme beaucoup d'alpinistes de très haut niveau, vivant leur passion jusqu'au bout, ils sont morts en montagne.
Je n'ai jamais lu ce livre, mais je me sentais attiré par ce qui se cachait derrière ces mots : "Les conquérants de l'inutile", qui semblaient défier une sorte de morale facilement admise, rester dans le moule de l'utile (à la société).

Extrait :

"Seuls les esprits vulgaires oseront prétendre que " le travail " de l’acrobate de cirque, dont chaque geste est monnayé, a plus de valeur que l’effort du gymnaste qui, au risque de compromettre son avenir, sa santé et même sa vie, consacre gratuitement le meilleur de lui-même à la recherche de l’idéal d’incroyable mérite qu’il s’est forgé.

Ma vie n’a été qu’une longue et délicate partie d’équilibre entre l’action gratuite, par laquelle je poursuivais l’idéal de ma jeunesse, et une sorte de prostitution honorable assurant mon pain quotidien.

Quel est l’esprit vulgaire qui osera prétendre que la prostitution utile valait mieux que les exploits gratuits ? […] Sont-ils utiles les millions d’intermédiaires aux titres honorables qui encombrent l’économie ? Les millions de ronds-de-cuir décorés, titulaires de sinécures qui ruinent l’État et paralysent l’administration; et les millions de bistrots, de chroniqueurs, d’avocats et de bavards en tous genres, qu’on pourrait supprimer demain pour le plus grand bien de tous !...
Et même sont-ils utiles les médecins qui, au cœur des grandes cités, se disputent la clientèle comme des chiens affamés alors qu’un peu partout sur la terre des hommes meurent, faute de soins !

En ce siècle où l’on a cent fois démontré que l’organisation rationnelle permet de réduire dans d’immenses proportions le nombre d’hommes nécessaires à chaque tâche, combien peuvent assurer être l’un des rouages vraiment utiles à la grande machine du monde ?"

Le Mot de l'éditeur :

"Voici ce que beaucoup considèrent comme la plus admirable autobiographie de la littérature alpine, et sans aucun doute, la plus sincère. Plus qu'un récit d'alpinisme, c'est le livre d'une vie.
Issu d'un milieu bourgeois, rien ne disposait cet homme à être guide. Terray défiera les normes en tournant le dos à la carrière de médecin ou d'avocat pour se vouer à l'Inutile, sa passion : la Montagne.
Conquérant des plus grands sommets dans les Alpes comme en Himalaya, Terray devient vite un géant de l’alpinisme mondial. Mais son plus grand succès, c’est peut-être l’amitié qui le lie à Louis Lachenal. Une amitié qu’il ne cesse de chanter au fil des pages de ce livre."


Quelques uns des sommets les plus difficiles au monde qu'il a conquis : le Fritz Roy, le Makalu, le Cervin.

Bonne fête de l"Ascension...

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