Mercredi soir, nuit dans le bateau. Vent dans le port, clapotis. La météo indique force 4 à 5 pour jeudi avec 7 au large, averses... pas très engageant. Il faut sortir de la Gironde et les passes au large peuvent être dangereuses quand ça souffle. Je ne me sens pas très détendu. Jeudi matin : temps gris couvert, mais pas beaucoup de vent. Je pars à 7 H. Petit à petit le ciel s'assombrit, j'entends au loin de l'orage. Bientôt le ciel est noir, la mer devient vert opaque, des éclairs arrivent, et la pluie commence. En une minute le vent forcit. J'affale aussitôt le foc (la voile d'avant), ne sachant pas ce qui peut se passer. Hors de question de prendre les passes, d'ailleurs je ne vois plus les bouées. La pluie crépite, les vagues se forment, c'est splendide. J'ai à la fois un peu peur, et en même temps je prends les décisions qui s'imposent. Je décide de mouiller devant une anse de sable en attendant que ça passe. La visibilité est faible, je vois des vagues devant, la mer jaunit, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de fond. Et tout d'un coup la quille touche le sable, le bateau bute, je vire, le vent couche le bateau mais il n'y a plus assez de fond. Chaque hiver avec les tempêtes les fonds changent, en plus c'est marée basse, et même si j'ai connu cet endroit avec du fond, là ce n'est plus le cas. Pour sortir le bateau il faut le faire giter, je réhisse le foc, borde à plat, me mets sur le côté, le bateau gite (il n'y a pas de risque), mais ne bouge pas. Un éclair juste au dessus de moi, je baisse la tête par instinct. Je n'ai pas peur mais je ne veux pas rester bloqué 3 heures en attendant que ça finisse de baisser et que ça remonte suffisamment.
Seule solution remonter la quille, puisque le bateau a une quille relevable. Ce que je fais le plus vite possible, en démarrant le moteur pour ne surtout pas perdre de terrain. Toujours sous la pluie. Bientôt le bateau est soulagé, il se redresse, je la remonte jusqu'en haut, je vois le bateau avancer. Une minute plus tard je suis tiré d'affaires. Je m'éloigne, redescends la quille. Dans ce cas là je me sens déjà satisfait d'avoir réagi rapidement et de m'en être tiré tout seul. Petit à petit le vent baisse et la pluie s'arrête. Le ciel qui était bouché comme rarement j'en ai vu un, s'éclaircit. Une demi heure plus tard, plus de vent et grand ciel bleu. Incroyable!
La mer est redevenue plate. Pour ne pas perdre de temps je décide d'avancer dans ces passes au moteur, sans attendre que le vent revienne. En dehors des bouées il y a des vagues qui déferlent sur les hauts fonds, mais c'est normal. J'ai vu bien pire et je me sens complètement rassuré.
Puis le vent revient du sud est, ce qui veut dire vent de travers, idéal pour rejoindre La Rochelle.
La mer est bleue comme le ciel, c'est magnifique.
Je longe une côte sablonneuse, dite la côte sauvage, où je suis venu maintes fois étant jeune.
Pour faire au plus court je passe entre la côte et la pointe d'Oléron, par le pertuis de Maumusson. Là aussi il faut y passer par beau temps, car ça déferle vite vus les hauts fonds. Cela m'est déjà arriver de rebrousser chemin et de faire le tour de l'île, mais aujourd'hui c'est sans danger.
Le vent fraichit, le bateau avance vite, il est fait pour ces allures de portant où il peut surfer. Ici c'est protégé, il n'y a pas de risques. Les parcs à huitres, le pont d'Oléron, les forts, les chenaux que je connais par coeur, l'île d'Aix au loin.
Ca y est je suis dans l'ambiance du non retour. J'amarre la barre, mange, regarde. Je fais des calculs, avec ce vent je vais arriver plus tôt que j'imaginais. Quelle chance ce beau temps. Si j'avais le vent dans le nez ce serait nettement plus dur.
Je suis content d'avoir vécu cet orage. Comme quoi, la peur, les appréhensions, c'est toujours avant, dans le bain on agit, et j'aurais fait demi tour si le temps avait été mauvais de toute façon.
Au large d'Aix les douanes viennent me poser quelques questions. Non, non, pas de drogue à bord, ni d'armes pour les Palestiniens, ni personne...
Arrivant sur La Rochelle je décide de me faire une entrée dans le vieux port sous voiles comme "au bon vieux temps" ...
Histoire de me faire plaisir et de donner du spectacle aux promeneurs!
Ouah le pied! Heureusement que nous sommes en juin et qu'il n'y a personne sur l'eau!
3 commentaires:
Formidable. Merci de ce partage.
bises, martine.
Pareil !
:-)
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