Comme la lumière avait jugé bon d'être absente, le diner se passa à la lueur d'une lampe à huile, ce qui donna assurément plus de silence que de coutume, à moins que ce ne soit la présence de Mokshananda.
Il a l'air d'un berger, avec son dhoti teint en gris, mais un gris végétal, indéfinissable.
27 ans qu'il pélerine, et il n'a que 41 ans. Il en parait 5 de moins. C'est étonnant comme ces aventuriers de l'intérieur paraissent jeunes. Chez certains il n'y a aucune ride, et les yeux, s'ils ne brillent pas toujours, reflêtent une certaine paix.
Mokshananda a vécu un peu partout, de la Californie à Bétlhéem, dans une grotte en Afghanistan et en Inde. Il a passé 3 ans avec des nomades au Radjasthan.
Et ce soir dans la pénombre et le silence empli de douceur, je contemple son immobilité et imagine un camp de nomades sous la lune.
Il parle peu, ou par gestes aussi. Parfois sa main balaie l'air, ce qui veut dire Dieu, la providence.
Arrêter le temps... quand tout est noblesse.
Nous étions huit autour des plats, de sept nationalités différentes. Et je songeais à cette paix des peuples, à cet oécuménisme tant recherché...
C'était ici, sans discours, au hasard des rencontres, car nous ne croyions pas à la paix dite avec des mots par ceux qui ne cherchent pas à la vivre. Ce n'était en fait que la paix naturelle, celle d'un silence intérieur, que je commençais à sentir petit à petit chaque jour, et qui devenait presque palpable aux moments les plus forts.
J'ai parlé avec Mokshananda. C'est un vrai pélerin, détaché de tout, et surtout de toute forme, tout aspect extérieur, toute idée.
"Il ne faut se fixer sur rien sinon l'abandon et la confiance inébranlable en Dieu. Et pour cela "walking like a poor pilgrim" est la voie directe, car c'est l'insécurité permanente. Seul Dieu répond à l'appel. Il n'y a aucune autre assurance possible, ce qui pourrait nous faire oublier Dieu."
Libéré ou non, il a une force, une paix, une douceur... Quand il parle de Dieu, de l'Atman, du Brahman, du vide, ses yeux se plissent. Ce n'est plus lui qui parle. D'ailleurs là où est Dieu, le "je" disparait, comme il dit. Il ne peut y avoir deux.
Il part ce matin pour Bilbao, comme guide spirituel d'une communauté.
On se salue "in communion on the way".
2 commentaires:
Encore une bonne nourriture partagée.
Merci Yannick de cette générosité.
"Il ne faut se fixer sur rien sinon l'abandon et la confiance inébranlable en Dieu...Seul Dieu répond à l'appel. Il n'y a aucune autre assurance possible, ce qui pourrait nous faire oublier Dieu."
Rappel essentiel ; merci encore.
Bonne journée.
"....J'ai parlé avec Mokshananda. C'est un vrai pélerin, détaché de tout, et surtout de toute forme, tout aspect extérieur, toute idée.
"Il ne faut se fixer sur rien sinon l'abandon et la confiance inébranlable en Dieu. ..."
Cela fait du bien de lire de telles phrases .
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