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samedi 10 novembre 2012

Le grand départ

emporté par la houle...

Ils partent aujourd'hui. Ils sont parmi les derniers héros de nos temps modernes. Qui sont-ils? Des marins. Que vont-ils faire? Le tour du monde à la voile en solitaire, sans escale et sans assistance.
Pourquoi? Pour l'aventure ultime, pour les sensations, par passion, par esprit de compétition, pour se dépasser, pour s'accomplir... Et tout un tas de raisons personnelles ou inconscientes.
J'ai lu un livre, écrit par une femme psychologue et responsable dans le monde du sport, qui après avoir étudié plusieurs cas et dialogué avec des aventuriers extrêmes (mer, montagne, traversée antarctique), met en avant le fait qu'il y a souvent quelque chose qui a à voir avec le père (Tiens donc!).

Souvent les personnes qui ont fait des exploits, ou des choses assez exceptionnelles, disent qu'il suffit d'oser, d'aller jusqu'au bout de ses rêves, que c'est possible même si ce n'est pas facile... Comme cette phrase célèbre : "Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait!"
Même si je reprends ce genre d'argument pour me secouer moi même, ce n'est pas si simple. Tout le monde n'a pas la même volonté, ou le même désespoir, ou la même souffrance, ou l'incapacité à s'adapter à une vie "normalisée", sans parler du gout du risque, de la tendance à s'opposer, à être rebelle, à s'éprouver, etc...
Il ne suffit pas de prendre des pinceaux pour être un artiste. On porte en nous un potentiel.
Quelque soit le domaine, ceux qui sont au dessus du lot sont rares, y compris en ce qui concerne la spiritualité (mais c'est une autre histoire).
De toute façon, il faut se secouer. On n'ose pas sur la pointe des pieds.

Ils vont donc partir sur leurs bolides de course en carbone, ultra performants, ultra puissants, ultra bruyants.
La moyenne a été augmenté de moitié en un peu plus de 20 ans. Oublié le "confort" des débuts. Aujourd'hui tout est fait pour la performance, pour gagner du poids, pour aller le plus vite possible. C'est devenu une sorte d'usine bruyante dédiée à la vitesse. C'est donc devenu plus dangereux, et aussi plus fragile. Non seulement le parcours dans les mers du sud avec ses tempêtes et ses mers énormes, mais la pression qu'ils se mettent dans leur course au rendement maximum et continuel, et la prise de risque qui va avec. Il y a pour certains la notion de "ça passe ou ça casse". Et la casse concerne la moitié, voire plus, quand on regarde les statistiques. Certains reviennent justement parce qu'ils ont cassé plusieurs fois dans les courses précédentes.
Ils ont la météo plusieurs fois par jour, tout est régi par l'électronique, et ils passent des heures devant l'ordinateur. Ils savent calculer, en mettant toutes les données dans la boite magique, quelle est la meilleure route à prendre en fonction du potentiel du bateau, et quelles voiles utiliser... Ils dorment en moyenne 5 à 6 heures par jour.

Pure folie? Certains qui l'ont vécu ne veulent plus suivre. La raison invoquée : la pression, l'angoisse, dépassent le plaisir.
C'est une sacrée phrase. On peut la ramener à notre propre vie.
A l'inverse, le manque de prise de risque peut éteindre le gout du vivant...
S'il y a toujours eu des héros à toutes les époques, ce mythe éternel n'existe pas pour rien. Je reste persuadé qu'il faut tenter de se dépasser d'une façon ou d'une autre, chacun en fonction de ce qu'il est.

6 commentaires:

Oliver a dit…

Ton article est passionnant Yannick
merci

fishfish a dit…

J'ai été fasciné par toutes sortes d"exploits et de héros depuis ma plus tendre enfance. Cela est bien comme ça.

Maintenant je prendsde plus en plus conscience que si cela est un support utile pour aider à demeurer de plus en plus dans cette qualité particulière de présence dont nous sommes éloignés, c'est encore mieux.
Ce but, certain peuvent tenter de l'atteindre aussi en passant l'aspirateur, en élevant ses enfants, en travaillant, bref des choses banales vécu en héros.

yannick a dit…

Oui fish fish, qui échappe de toute façon au quotidien?
Merci Oliver.

Anonyme a dit…

C'est très bien vu et très bien écrit, je trouve ton texte excellent, un régal de te lire. Les héros de la mer et de la montagne seraient l'archétype du dépassement de soi, peut-être pour vivre qq secondes d'infini ...
Les efforts à déployer pour cet infini seraient à rapprocher des efforts à déployer par ces héros.
Dur, dur, je retourne me coucher.
Marie-Pierre

Anonyme a dit…

"La raison invoquée : la pression, l'angoisse, dépassent le plaisir.
C'est une sacrée phrase."
Il y a dans ce passage beaucoup de sagesse.
Intuitivement je dirais qu'il manque à la folie des héros la sagesse et que le plaisir est sagesse.
Merci pour ce texte
Marie-Pierre

yannick a dit…

Merci Marie Pierre.