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lundi 29 décembre 2014

Une sorte de présence immatérielle


Il y eut un silence. Le vent semblait s’éloigner vers d’autres contrées. La lueur des bougies faisaient des ombres mouvantes sur les murs. Ces étincelles de lumière portaient en elles le calme de la nuit, le respect du mystérieux que les soirées d’hiver annoncent. Elles nous conduisaient à la rencontre de notre propre silence.
- C’est pas si mal que d’être en panne d’électricité au moment de Noël, cela remet un peu de justesse dans la débauche consumériste qui règne aujourd’hui, dit Sylvie.
- A condition de ne pas avoir trop froid ! ajouta Corinne.
- Si cela ne dure que quelques heures, cela n’est pas terrible quand même.
- Oui, cela remet en cause notre façon de considérer que tout est un du. L’homme est tellement oublieux des éléments naturels qu’il se plaint au moindre flocon de neige qui l’empêche de continuer son rythme effréné.
- C’est vrai que si j’habitais à la campagne, je sens bien que je me ralentirais.
- Mais on peut aussi consommer la campagne.
- Vous n’êtes pas un peu dur.
- Je crois que le risque du monde moderne est de nous transformer en consommateur, où que nous soyons. Nous avons perdu le sens de la durée, de l’attente, du gratuit, du non indispensable, de l’inutile. La nature ne s’achète pas, elle se mérite, et elle n’est pas facile.
- Vous avez trouvé votre bonheur, ici ?
- Je ne cours plus après surtout, j’essaie de prendre les choses comme elles viennent, tout en me respectant. Il m’arrive de partir. Vivre ici est comme un voyage d’ailleurs, car je vois beaucoup plus le changeant qu’en ville. La ville me semble trop envahissante, uniforme, sans surprise.
- Depuis combien de temps êtes-vous ici ?
- Sept ans.
- Cela me semble une éternité.
- Vous avez raison en quelque sorte. Sept est symboliquement relié à l’éternel. Mais à vrai dire rester deux ou trois ans dans un lieu nous donne déjà un bon aperçu pour savoir si on peut y rester vraiment. Tout ce qui est important doit être testé au moins deux ou trois ans. C’est une forme de noviciat. Je crois beaucoup à ça. Cela participe de la durée justement.
- Parfois c’est la vie qui nous oblige!
- Oui, c’est vrai. Mais quand un changement en profondeur s’opère en nous, il se peut que la vie nous aide à ce moment là, quelles que soient les apparences extérieures. La vie oblige, mais nous ne sommes pas là pour nous forcer tout le temps non plus.
- En ce moment nous subissons bien la panne d’électricité…
- Ou nous l’accueillons, c’est surtout l’attitude qui colore notre vécu.

A ce moment la lumière se ralluma, modifiant complètement l’ambiance telle une déflagration lumineuse, comme une naissance à trop d’intensité, un choc.
- Hé bien, on dirait que quelqu’un joue avec nous. C’est tout à fait incroyable!
- Cela s’appelle la synchronicité. La mise en évidence du rapport entre ce que l’on vit et ce que la vie propose à notre regard.
- Cela est troublant, j’ai presque peur.
- Peur de quoi ?
- Je ne saurais dire. Comme si une sorte de présence immatérielle était proche, en train de surveiller nos agissements. Comment cela se peut-il ?
- Je dirais plutôt veiller que surveiller.
- Mais cela ne vous fait pas peur ?
- La vie est mystérieuse, en cela elle nous ramène à une forme d’humilité, d’abandon. Il y a tant de choses qui ne dépendent pas de nous, alors quand ce genre de coïncidence arrive, c’est plutôt heureux finalement. Je me sens même accompagné.
- Je n’en reviens pas de toutes ces coïncidences, dans une même journée. J’avoue que je ne suis pas habituée, cela me déstabilise un peu.
- Vous voyez qu’il s’en passe des choses en dehors des villes !
- Vous vous moquez.
- Non, mais on peut sentir la vie à l’œuvre partout, y compris dans des endroits qui semblent reculés. Et même en pleine mer ou dans un désert. Des aventuriers en ont rapporté des récits.
- Vous ouvrez des portes nouvelles pour moi. En tout cas cette panne est flagrante.
Michel pensa à sa voiture bloquée qui était une autre sorte de panne. Oui elle était suivie, mais ne s’en doutait pas encore. Il sourit.
- Ecoutez, je vais rentrer, puisque tout semble revenu à la normale, enfin façon de parler. Je vous remercie pour la soupe.
- On se voit demain, n’est-ce pas, je ferais un gâteau.
- Avec joie.
Ils se souhaitèrent bonne nuit et Michel reprit le chemin de sa demeure.

2 commentaires:

Claire a dit…

Merci pour ce conte Yannick, excellent et bienfaisant... "quelqu'un" veille au grain :-)

Yannick a dit…

Merci de votre passage Claire.