Sauf qu'en mer je lis assez peu, à terre aussi d'ailleurs.
Il s'agissait donc de choisir de bons livres. J'en pris justement deux.
Marie me prêta "Le dit de Tianyi" de François Cheng. Le deuxième, j'en parlerais plus tard.
Plutôt que d'écrire encore sur la vie en mer, d'ailleurs l'ordinateur ne voulut pas se connecter ce matin, je me dis alors que j'allais partager ce que j'avais noté sur François Cheng. Alors que vers 13 h je me rendais chez Mabes, qui m'invitait à déjeuner, j'entendis à la radio une dame parler du dernier livre qu'elle venait de lire : Le dit de Tianyi! Bon, d'accord, merci pour le clin d'oeil.
Racontant cette histoire à Mabes, elle me sortit un livre de Cheng : "Shitao : la saveur du monde", moine-peintre chinois du 17 ème siècle, qui écrivit un traité fameux : Les propos sur la peinture du moine Citrouille-amère, dont j'avais eu écho en lisant Fabienne Verdier.
Mabes, dans sa grande bonté, non seulement me nourrit, mais me prêta son livre, qui est un recueil de peintures et de poêmes.
La vie me gâte, je m'installe ermite tout de suite, je n'ai pas besoin de plus. D'ailleurs j'ai trouvé un endroit, peut être le plus beau que j'ai jamais vu. Mais ça c'est une autre histoire pour plus tard...
J'avais lu de Cheng "L'éternité n'est pas de trop", et un livre avec Fabienne Verdier : "Quand les pierres font signe". Mais je reprends mes notes.
Le livre de François Cheng est d'une telle beauté que je levais les yeux un moment, venant de lire un passage particulièrement fort, et me disant intérieurement : "Que c'est beau, il y a une telle puissance, une telle compréhension de la vie! Comme il saisit bien les aspects les plus subtils de la vie, et surtout comme il sait bien les décrire, ou plutôt les faire ressentir!"
A ce moment là Lucie me demanda : "C'est beau ce que tu lis Yannick?"
Comme la vie est étonnante, n'est-ce pas?
L'art c'est de faire passer l'indicible malgré soi. Traduire une émotion, un sentiment, qu'un esprit un peu fin sait reconnaître.
Mais il est un art d'autant plus rare, où l'expression traduit le vivant de la nature dans sa grande diversité sans que l'auteur n'interpose son empreinte personnelle. Son vécu même est le jeu de la vie.
C'est le trait du calligraphe, où la force du poignet est l'énergie, où l'encre noire est profonde comme un coup de sabre, et le lavis pâle comme la pointe des pieds qui s'effacent sur le sable, où le mouvement n'est que l'effet du vent dans un murmure, et les taches des gouttes de pluie.
Cela demande une mâturité qui est observation bienveillante de soi même et de tout ce qui vit.
Observer est un travail long.
Le rendre dicible est un don.
Cheng est un Maître, à la hauteur de ses congénères les plus précieux.
Merci Marie.