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dimanche 26 juin 2016

Un an après

On ne sait pas ce qui nous attend au coin de la rue...
Il y a un an, il n'y avait pas de rue, et donc pas de coin, juste l'espace ouvert sur l'horizon.
Ce sentiment immense de liberté qui m'a donné envie de courir, de sauter.
Un moment de bonheur.
Puis tout s'arrête. Plus de mouvement, plus de vie, ou si peu, plus de mémoire, plus d'espace, Tout s'est recroquevillé en une seconde, il suffit d'une seconde!
Le saut de trop peut être, mais y a t-il un "trop" quand on consacre sa vie à l'apprentissage de la non discussion à ce qui est.
L'hôpital, le constat des dégâts, qui sont graves puisque le diagnostic est une tétraplégie, mais avec un possible. Mon corps ne bouge quasiment pas, mais il reste vivant, sensible. Jamais je n'ai désespéré. Surtout rester dans le présent, puisque dans ma tête, ça allait. L'équipe soignante autour de moi était agréable, sympathique. Je riais tous les jours, comme rarement, malgré la minerve. Je ne me plaignais pas, je n'étais pas dans les regrets, le mental me foutait la paix. Vraiment c'était ainsi. Bien sûr j'ai pleuré, je me sentais si petit, si démuni, si fragile, allais-je tenir?
J'ai eu de l'aide : mon amie qui n'a jamais failli, et puis la progression même de la convalescence. Sans rentrer dans les détails, il y a eu des seuils que j'ai pu franchir sans problèmes.
Il y eut des premières fois, il n'y a plus que ça à vivre. Le premier lever sur mes jambes, enfin presque, le premier vrai debout, les premiers pas soutenus, les premiers pas seul, avec une canne, puis sans canne. Depuis un mois bientôt je vais faire quelques courses tout seul au supermarché du village. Je demande de l'aide au besoin. J'ai un nouveau statut...
J'ai beaucoup de chance dans cette aventure dramatique, je remarche d'une part, et j'ai toujours une marge de progression, alors qu'il y a tant d'accidentés ou de malades qui resteront sur un fauteuil roulant. Il faut des années pour accepter son sort.
Aujourd'hui tout est lent, minimaliste, mais la vie continue. Ne pas s'identifier à son corps n'est pas facile, mais c'est ce qu'il m'est proposé.
Je pense randonnées, remonter sur un vélo, refaire du bateau un jour, qui sait...
On verra dans un an.

jeudi 23 juin 2016

Se jeter dans le tout

Avec un jour d'avance, je découvre que c'est l'anniversaire de la naissance de Saint Jean de la Croix, en découvrant une citation dans un livre d'Yvan Amar.

Celui qui s'arrête en quelque chose cesse de se jeter dans le tout


dimanche 19 juin 2016

Le long de l'océan

Il y a un an, le 25 juin, j'avais parlé du projet d'un périple à pied le long de la côte, entre l'embouchure de la Gironde et le Cap Ferret (sur le bassin d'Arcachon). Suite à l'accident que j'ai eu quelques jours plus tard, et qui m'a rendu partiellement invalide, j'ai été privé d'ordinateur pendant deux mois et demi, et n'ai pu continuer à écrire.
En fait, nous sommes bien partis, mon amie et moi, pour aller marcher un temps le long de cette côte sauvage, seuls avec nous mêmes et la mer. Nous avions une contrainte de timing, et avions raccourci le projet à environ quatre jours. Nous partons finalement de Lacanau et prévoyons de faire un aller par la plage et retour par la forêt.
Nous chargeons les sacs à dos, fermons la voiture, et prenons la direction de la plage. C'est la fin de l'après midi, nous sommes en mai, il n'y a quasiment plus personne. L'horizon de la mer, le sable à perte de vue, et la marche silencieuse. La joie d'être là se voit dans nos regards. Au loin, une sorte de sculpture ressemble à s'y méprendre à une femme avec un chapeau. En s'approchant, ce n'est qu'un tronc posé sur le sable par la mer avec un filet accroché par un promeneur sans doute. Au bout d'un moment, je repère un chemin dans les dunes pour trouver un coin pour planter la tente. Nous le prenons, quittons la vue sur la mer, et redescendons vers la forêt de pins. Trop près de l'océan, nous entendrions le bruit des vagues toute la nuit, ce qui, pour l'avoir vécu jeune, m'empêcherait de dormir. Nous trouvons un endroit retiré et plantons la tente. Puis je sors le réchaud et prépare une soupe. Manger par terre, ici du sable, avec le minimum pour vivre, est pour nous le comble du bonheur. On entend le vent léger dans les pins, au loin la mer, et le silence enveloppant de la nature. L'ombre gagne, et avec elle la fraîcheur. La tente est la protection la plus légère qui soit, mais donne à l'intérieur une sensation d'intimité chaleureuse. Nous nous endormons comme des bienheureux.
Animal fantastique
Le lendemain, nous prenons notre temps, comme si nous étions seuls au monde. Petit déjeuner, pliage de tente, des duvets, des matelas, répartition du matériel dans les sacs, et nous reprenons le chemin qui conduit à la plage. Arrivé en haut de la petite dune, la sonnerie d'un téléphone se fait entendre, puis un deuxième. Il y a un message, le même sur les deux. La maman de mon amie a fait une chute, s'est cassée le col du fémur, est hospitalisée. Son père est un peu juste avec les enfants. Il faut rentrer!
Nous reprenons en sens inverse le chemin fait la veille. Cette aventure sur les bords de l'océan attendra encore, moi qui en rêvait depuis si longtemps! Quand la vie ne veut pas, ce n'est pas la peine d'insister.
Le temps est magnifique, la plage déserte, nous marchons en silence. Heureusement que la voiture est proche, que nous ne sommes pas dans un endroit perdu en attente d'un transport en commun. Nous retrouvons Lacanau et pouvons téléphoner. Le retour en voiture a un autre goût.
Nous avons de nouveau dormi au bord de l'océan, le temps d'un week end, mais je me demande si nous trouverons une semaine de liberté, hors vacances, pour accomplir ce vieux rêve.

mercredi 15 juin 2016

Houangshan

Entre ciel et brume
On dirait une peinture.
Les sommets sont dans le ciel, mais les montagnes flottent dans les nuages.
Juste en face une boule semble posée sur deux pics.

mardi 14 juin 2016

Chemins suspendus


 


Peut-on imaginer le travail colossal que d'accrocher dans le vide des dizaines de traverses sur ces parois verticales, pour que les touristes qui osent s'y aventurer aient quelques frissons? Côtoyer le vide en quelque sorte, le vide si essentiel dans la tradition chinoise.

dimanche 12 juin 2016

Les monts Huang

Les monts Huang, situés à l'est de la Chine, font partie des monts sacrés en particulier pour le taoisme. Pics de granit, pins et mer de nuages offrent des paysages parmi les plus extraordinaires au monde, prisés depuis des siècles par les artistes chinois. Des moines s'y sont retirés dans des temples au dessus des nuages. S'il me restait un voyage à faire, ce serait celui-là!

Je me suis amusé à mettre en parallèle deux vues de montagnes dans les nuages, une photo et une peinture ancienne. L'une est plus équilibrée que l'autre, pourquoi?

Les deux monts sont juste au centre, ils sont recouverts par d'autres montagnes qui donnent trop de pesanteur en contradiction avec la légèreté des nuages et la logique que le ciel, ce qui est en haut est plus clair. Les deux monts, aux formes complémentaires, se suffisent à eux mêmes.

Je vous laisse sentir tout ce qu'inspire cette composition, à la fois pleine de vie et de mystère.
Une grande maîtrise!

On retrouve nos deux monts du début noyés dans un paysage beaucoup plus vaste.
Cette fois on peut se perdre dans la contemplation...

jeudi 9 juin 2016

A propos du Ramadan

Mardi dernier, dans le taxi qui me conduit à l'hôpital où je poursuis la rééducation, je discutais avec le chauffeur d'origine marocaine. C'était l'heure du déjeuner et lui demandais s'il avait mangé. Il me dit qu'il ne mange pas car c'est le ramadan. Je l'avais entendu aux infos deux jours avant. Pas de repas entre le lever et le coucher du soleil, pas de boisson non plus, et abstinence sexuelle. A cela s'ajoute les cinq prières quotidiennes.
Comparant avec le carême pour les chrétiens, qui est la même idée de restriction pour susciter une certaine maîtrise des sens, le ramadan est quand même beaucoup plus restrictif, surtout que le carême est très peu pratiqué. On est dans deux traditions vraiment différentes.
Il me demande si je suis né dans une famille chrétienne, je lui dis que oui, et si je vais à la messe, je répond non, que l'église a perdu le sens profond et que cela ne me parle plus.
Pour garder le lien avec ce qu'il vit, je lui dis que j'ai déjà jeûné et fait des retraites. Je lui parle aussi du soufisme, de l'intériorité, puis du "djihad", de la guerre sainte et du sens véritable. Il a l'air d'accord.
Me documentant, je tombe sur ce texte.
Cheikh Bentounès (1949-) – "Renouer avec une spiritualité du Vivant" (extrait)
Texte paru dans "La Nature et le Sacré – Les catastrophes naturelles signes des temps" – Revue Symbole – Editions Dervy, Mai 2007
Symbole – Mais la Paix que vous évoquez ne s'obtient-elle pas de haute lutte ?

Cheikh Bentounès – C'est, effectivement, la récompense du Djihad – le véritable Djihad qui est le combat spirituel livré contre notre propre Ennemi intérieur, celui qui ne cesse de nous assaillir et de nous diviser lorsque se manifestent nos passions, nos tendances négatives, l'orgueil et les aveuglements de notre ego. Le Djihad, la véritable "guerre sainte", ne consiste pas à tuer l'autre extérieurement mais à livrer bataille pour s'améliorer intérieurement, pour s'ouvrir à la présence de l'Ineffable, et ainsi améliorer le monde autour de soi.
   On traduit généralement une importante injonction coranique par "
Faites le bien et combattez le mal" ("Al-amr bi 'l-ma'rûf wa 'l-nahy 'ani 'l-munkar"). C'est une traduction trop synthétique et finalement incomplète. En arabe, des nuances essentielles sont apportées : il ne s'agit pas seulement d'un précepte "moral", mais de faire le bien pour tout le monde, dans une perspective véritablement universelle, dans tous les ordres de réalité – autrement dit le bien "en soi" ; de même, le combat contre le mal concerne moins tel "mal" contingent, extérieur, désigné, que le mal "partagé", celui qui est à la fois ici et là – le mal "en soi" partout présent. On ne peut plus alors se situer dans la dualité, dans la désignation d'un "Grand Satan" extérieur : on ne peut qu'être dans un travail de discernement spirituel intérieur. Le bien et le mal, le jour et la nuit sont en chacun de nous : il s'agit de le reconnaître, de livrer combat dans nos cœurs en faisant le choix de la lumière, mais aussi de reconstruire un monde à nouveau habitable et plus fraternel. C'est un travail permanent, éminemment nécessaire, et aussi moins "visible". Le soufi n'est pas un "révolutionnaire" : il essaie d'aider, humblement, à l'éveil des consciences. Il est à la fois homme de méditation et homme d'action. Il n'attend aucune récompense, ni ici-bas ni au Paradis. Une anecdote raconte l'histoire de cette femme soufie qu'on voit partir dans le désert avec un fagot de bois et un seau d'eau. On lui demande où elle va et elle répond : – "Avec ce seau d'eau, je vais éteindre le feu de l'enfer et avec ce fagot brûler le Paradis." On la questionne alors : – "Mais pourquoi ?!" et elle répond : – "Afin que personne ne prie Dieu ni par peur de l'enfer ni par désir du Paradis…"

dimanche 5 juin 2016

Solitude


J'avais envie de revoir le regard, jamais oublié, de cet homme que j'avais déjà proposé il y a quelques années. Un reportage magnifique qui permet de ressentir cette dimension du seul avec le seul.

vendredi 3 juin 2016

Plus vite que moi, tu meurs!

Une autre époque

J'aime la mer et les voiliers, j'ai déjà abordé ce sujet, et je suis les infos concernant les courses entre autres. Comme partout, le monde de la course s'est professionnalisé à un point inimaginable quelque temps en arrière. Les bateaux vont de plus en plus vite, volent même pour certains.
Un bateau commun marche à une moyenne de 5 noeuds environ, soit 9 km/heure, un bateau de course, selon sa taille, atteint facilement les 15 noeuds de moyenne sur plusieurs jours, voire les 20 noeuds, en faisant des pointes à plus de 30 noeuds (55 km/heure), et même à 40 pour les gros trimarans. Les conséquences en sont : le bruit, la vibration intense de ces machines en carbone lancées sur une mer loin d'être plate, l'eau qui gicle en permanence sur le pont, la vitesse d'impact si le bateau heurte quelque chose. Certains marins ont par moments des masques de plongée, et même des casques anti-bruit. Le stress dépasse le plaisir, mais l'esprit compétiteur les tient au collet.
Avec ces bateaux de plus en plus puissants, et malgré la maîtrise de beaucoup de paramètres, il y a en fait de plus en plus de risques. L'un est de casser une pièce, le mât entre autres, quand les conditions de mer deviennent difficiles, l'autre est de heurter quelque chose, un "ofni" (objet flottant non identifié), un cétacé, ou un autre bateau. Dans les grandes courses il y a facilement un tiers d'abandon suite à la casse ou à des chocs quelconques.
Il y a des centaines de containers qui tombent à l'eau chaque année, mais sans doute des milliers suite aux tempêtes. Beaucoup flottent entre deux eaux avant de finir par couler. Il y a aussi des billes de bois qui, elles, ne couleront pas et sont des mines silencieuses pour les bateaux de course lancés à vive allure. Les bateaux sont aussi des dangers potentiels, plusieurs marins ont été heurté par des cargos ou des bateaux de pêche. Enfin il y a les cétacés, les requins...

Il y a une course actuellement : New York - Les Sables d'Olonne, qui est une sorte de préparation au prochain Vendée Globe, le tour du monde en solitaire. Quatorze bateaux ont quitté New York dimanche. Entre lundi et mardi 5 bateaux ont fait demi tour, ayant heurté vraisemblablement un banc de requins pélerin ou de poissons lune (pouvant peser jusqu'à une tonne) qui migrait dans le secteur. Au moins 3 autres bateaux ont heurté aussi, mais ont continué, ce qui fait au total près des deux tiers.
Que dire de tout çà, alors que des précautions avaient été prises pour passer à l'écart?
Pour défendre les cétacés les écologistes élèvent la voix, les skippers, désolés pour la faune marine, perdent toute chance de gagner, ce qui peut être défavorable pour leurs sponsors; quand aux assurances, leurs tarifs augmentent régulièrement...
Là c'est tranquille, la mer est calme

Cela semble fou d'aller sur la mer pour affronter au final bien plus de risques et d'inconvénients qu'on pourrait l'imaginer en mettant le pied sur un bateau. On veut aller de plus en plus vite, la technologie le permet, mais la vie dans son ensemble peut y mettre un frein. Certains marins préparent un bateau pendant un an et ne font que 24 heures de course. Quelle frustration, quand on sait que de tels bateaux coûtent entre 3 et 4 millions d'euros!
Il y a plus à plaindre. Et personne ne sait non plus combien les bateaux de pêche, cargos, pétroliers et autres porte containers heurtent de cétacés, requins ou dauphins, sans parler des ondes radars perturbantes. La mer est un vaste cimetière, comme une vaste poubelle...