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samedi 27 mars 2021

A la recherche d'une nouvelle maison (3)

 C'était le quatrième déplacement que je faisais pour visiter des maisons ou des terrains. Cette fois je me disais qu'il fallait que je trouve quelque chose. J'avais élargi mon champ, étais prêt à des compromis, savais mieux ce que je voulais à force de voir les propositions du marché, enfin j'avais sélectionné plusieurs maisons ayant un intérêt réel. 

Après trois ou quatre visites qui ne m'ont pas convenues, j'allais voir cette maison dont l'agence m'avait parlé, censée me convenir, mais dont les photos ne m'avaient pas emballé. La route y conduisant s'élevait progressivement avec quelques virages en épingle à cheveux. Lorsque nous nous arrêtâmes, la vue était spectaculaire. Une fois le portail passé, l'accès vers la maison était en pente, entouré de plantes méditerranéennes de toutes sortes, avec des arbres et des buissons taillés à la japonaise, en nuages ou en boules, cela respirait un entretien irréprochable. Très vite on arrivait sur un coin terrasse entouré de plantes dans des pots carrés en terre cuite, et la vue nous explosait à la figure : jusqu'à la mer à l'est, le Canigou à l'ouest et jusqu'aux Corbières au nord. Des collines sauvages toutes proches, de l'intimité, un jardin en pente, mais aménagé à la perfection, avec des recoins pour profiter des différentes vues. La maison était simple mais dans un état irréprochable, il faut dire qu'elle appartenait à des Suisses. Je n'avais jamais vu autant de points me convenant. Je retenais par principe la maison, dont j'étais le premier visiteur, indiquant que j'en voyais une autre le lendemain et que j'attendais cette visite pour confirmer. Le soir même je revenais sur les lieux, mais sans rentrer, pour ressentir l'ambiance. Le calme et la vue dominaient...

Le lendemain je visitais la maison à Eus avec deux amies. Magnifique vue sur le Canigou, une terrasse couverte, une piscine, mais un étage à monter, et une maison en face gâchant un peu la vue. Le jardin était plus simple et s'élevait par paliers, mais je ne trouvais pas le charme et l'esthétique de l'autre. Je comparais, pesais le pour et le contre, il y avait une décision à prendre au bout. Sentir tout ce qui monte, objectiver, où me sentirais-je le mieux? 

Le Canigou vu d'Eus

Je retournais voir la maison à la vue imprenable le lendemain avec une amie. Elle craqua tout de suite.   - Mais il n'y a pas photo avec l'autre, me dit-elle, en plus on voit la mer au loin, et là il n'y a pas de voisin qui te barre la vue! C'est complètement unique. Il faut la prendre.                                          J'avais sans doute besoin d'entendre ces paroles pour me décider complètement. Il m'en restait d'autres à voir. La personne de l'agence me rappela dans la journée pour me dire qu'elle avait une autre visite le lendemain, et que si je ne signais pas, la maison risquait de me passer sous le nez. J'en visitais encore une dans l'après-midi, mais sans comparaison avec les deux précédentes. J'ai vraiment senti que je devais m'engager avec l'autre. Je rappelai l'agence pour une signature immédiate, alors que les bureaux allaient fermer. Le lendemain, elle me dit que les visiteurs étaient aussi intéressés pour acheter. Comme quoi il fallait vraiment se décider!

La mer au loin

C'est alors que j'ai réalisé la chance que j'ai eu de trouver cette maison, ce lieu surtout, comment il avait fallu que je sois prêt dans ma tête, déterminé, pour que les dieux fassent leur travail et ouvrent des portes. Curieusement c'était la seule agence du secteur que je n'avais pas remarqué auparavant; j'y suis  arrivé parce que je remarque une maison pleine de charme mais hors budget, qui se vend finalement avant même que je puisse la visiter, puis on me parle de celle qui vient de rentrer et dont je suis le premier averti, qui sera la bonne au final. Même le nom de l'agence a un lien, par jeu de mots, avec un aspect spirituel, petit clin d'oeil au passage. Il y en a eu un autre encore... Avec le recul, je vois comment j'ai été guidé de lieu en lieu, perdu confiance presque, pour finir par trouver ce que je n'aurai pas imaginé. Un jardin aussi délicat est rare, et la vie me l'a proposé. Tout porte à la contemplation. Je me sens plein de gratitude.

lundi 22 mars 2021

A la recherche d'une maison (2)

Je poursuivais mes recherches. En m'éloignant un peu du secteur de base je trouvais des maisons intéressantes pour un prix moindre, mais je ne voulais pas être trop éloigné et surtout environné par des massifs trop proches. Né au bord de la mer, j'ai vite tendance à me sentir oppressé lorsque les reliefs sont trop hauts ou trop près. Il faut un espace de respiration, de la clarté, de quoi vagabonder sans être bloqué trop vite. C'est viscéral. Le lieu que je cherche sera peut être le dernier, et je veux me sentir porté, nourri, en paix, sans regret. Je suis difficile, je l'avoue, mais je me connais suffisamment pour savoir ce qui me convient et surtout ce qui ne me convient pas. Enfin, mon regard de professionnel ajoute de l'acuité à l'exercice.

A un moment j'ai trouvé une maison qui semblait répondre aux critères, mais lorsque j'ai appelé il était déjà trop tard, elle était retenue. Plusieurs fois des maisons me sont passées sous le nez. N'étant pas sur place, je n'allais pas me déplacer de 450 km pour une seule maison. J'en sélectionnais plusieurs à chaque fois afin de rester quatre à cinq jours pour les visiter. Parfois une photo me parlait et j'essayais de retrouver la maison en question sur Google Earth. C'était un vrai jeu, mais je me méfiais tellement du baratin des agences que je voulais éviter les déceptions et les pertes de temps. C'est ainsi que je retrouvais certaines maisons, ce qui me permit d'objectiver les descriptions, et en général de les enlever de ma liste en cours.     

Un jour je trouvai une annonce qui me toucha particulièrement, avec un grand terrain à l'écart, une piscine, ce qui n'est pas du tout essentiel pour moi suite à mon état, de la vue, de l'ensoleillement, mais surtout beaucoup de charme dans l'aménagement des pièces, leur répartition, une grande véranda, une terrasse, bref proche de l'idéal, et assez proche d'une commune animée. Seul problème : son prix dépassait mon budget. Mais je voulais quand même la voir. J'appelais l'agence pour avoir une idée de l'emplacement, qui n'est jamais révélé bien sûr. La zone était indiquée, mais avec la vue, l'ensoleillement et les montagnes, cela ne correspondait pas. La personne me confirma pourtant. Je regardais donc tout le secteur pour chercher une maison avec piscine correspondant aux photos de l'annonce. Rien! Persuadé que c'était sur un autre versant par rapport au village, je regardais donc ailleurs. C'est alors que je tombais sur la maison en question, tout content de moi. La situation semblait assez exceptionnelle. Je rappelais l'agence, disant que j'avais prévu de venir la semaine d'après, et que voulais la visiter. Un ou deux jours plus tard l'agence me rappelle pour me dire que les propriétaires avaient trouvé un acheteur par eux mêmes. Déception! Mais l'agence me dit aussi qu'il venait juste de rentrer une nouvelle maison, pas encore sur leur site, que j'étais le premier prévenu, qu'elle devrait me plaire, qu'il n'avait qu'une photo, allait en faire demain pour me les envoyer. La première photo envoyée ne m'emballa pas, il fallait attendre les autres. J'étais encore déçu d'avoir raté l'autre que je m'étais approprié dans mon imaginaire. Entretemps j'avais repéré une maison intéressante aussi, près du beau village d'Eus, indiqué comme le plus ensoleillé de France, face au Canigou. Le lendemain je reçus une série de photos de la maison proposée par l'agence. Pas vraiment le coup de foudre, mais je savais que le secteur me promettait de la vue. Je pris donc rendez-vous.

                                                                                  Eus

dimanche 21 mars 2021

A la recherche d'une maison

 Parmi les aventures que nous propose la vie, il en est une qui me semble d'importance : celle de déménager. Dans mon cas, cela voulait dire quitter une maison après 30 années de vie dans un même lieu, quitter une région aussi, ce qui n'est pas rien car cela laisse envisager de vrais changements, quitter quelques amis enfin... Etant à la retraite, je n'allais pas me rattraper sur mon travail pour retrouver un certain équilibre. Non, je devais m'appuyer sur des critères suffisamment solides pour me sentir nourri par un nouveau lieu, une nouvelle maison, un nouveau paysage, un nouveau climat, ce qui serait une nouvelle vie finalement. Etant particulièrement sensible à la nature, à un besoin d'espace, d'horizon, et vue ma situation de handicap, il fallait absolument que le lieu me porte sans que j'ai trop à bouger. Ayant quelques amis dans les Pyrénées orientales, c'est là que j'ai commencé à chercher. Une région très ensoleillée, avec la mer, la montagne, mais aussi du vent, qui devrait me plaire. Rien à voir avec les plages immenses de l'Atlantique et ma chère dune du Pyla, ici ce sont les Pyrénées qui tombent dans la mer avec une côte échancrée et rocheuse. Il y a aussi la platitude qui s'étale entre Argelès et la Camargue, mais globalement  moins sauvage.


Mes priorités sont la vue, le calme, du charme... Surtout pas de lotissement banal et triste. L'autre contrainte étant le budget. Des mas en pierres, magnifiques, ça existe, mais soit beaucoup plus cher que mes moyens ne le permettent, soit dans un secteur un peu perdu ou en tout cas éloigné de ma zone de recherche. Enfin je ne veux pas faire quinze ou vingt kilomètres de virages pour trouver des magasins ou les services dont j'ai besoin.

J'ai donc commencé à regarder les annonces à droite à gauche sur internet, mais tant que ma maison n'était pas vendue, ce n'était pas une vraie implication, et puis il y avait le fait que dans ma tête, je n'avais pas encore changé de région, et restais attaché à ce que je connaissais. J'ai vraiment commencé à chercher à l'automne 2019, à sélectionner quelques maisons, ou terrains, afin d'organiser un déplacement sur place pour des visites. Le premier voyage eut lieu en décembre. Rien d'intéressant. J'étais encore dans une recherche d'idéal, et découvrais la réalité du marché et des agences. Beaucoup de mensonges, de choses cachées ou détournées, que ne laissaient pas entrevoir les annonces. Même si j'avais l'oeil aux détails et lisais entre les lignes, j'ai visité quelques maisons dont au premier coup d'oeil je voyais bien qu'elles ne convenaient pas. Fort de cette expérience, je me remettais en recherche et organisais un second déplacement fin janvier. Phénomène rare pour la région, il y eut une tempête avec de la neige en basse altitude, jusqu'en bord de mer par endroits. Conséquence : un temps gris, bouché, ce qui est le comble pour cette région, mais surtout pas de vue. Les dieux n'avaient pas l'air d'être de mon côté. Pourtant une maison me plut, et une éclaircie me permit d'apercevoir la vue fantastique, mais elle était mal conçue, bien que mignonne, et avec deux chambres en étage que je ne peux raisonnablement pas vivre au quotidien dans la durée. Très grand terrain, pas de voisin proche, endroit sauvage, une petite piscine en bois octogonale... Mais plus pour moi.


Il me fallait recommencer les recherches. Le confinement arriva, et le voyage suivant fut seulement en juin. Cette fois j'avais étendu mon secteur. De même je regardais des terrains en bout de lotissement afin d'avoir une vue vers la nature, je m'étais dessiné une maison bois un peu japonisante en prévision.          J'ai vu une maison qui me semblait intéressante, avec vue sur le Canigou (la montagne référente de la région), assez grande mais avec des petites pièces, y compris le séjour. La grande terrasse était l'espace le plus chouette. Après être revenu une seconde fois et ayant pris des mesures, j'ai pu vérifier que je ne rentrerai pas tous mes meubles et ma bibliothèque. Curieusement lors de cette seconde visite, alors que l'agent immobilier ouvrait la porte, nous vîmes, avec l'amie qui m'accompagnait, un merle aux côtés d'un autre merle qui venait manifestement de mourir. Il y avait en effet une grande paroi de verre, pour protéger du vent, que l'oiseau n'avait pas du voir, comme ça arrive assez souvent, et contre laquelle il a du s'écraser. On pouvait sentir la détresse de son compagnon ou compagne, qui mit un certain temps avant de repartir, sous le choc lui aussi, à moins d'un mètre de nous. Je pris ça pour un signe.

En rentrant j'eus un message d'une amie me disant qu'à chaque fois qu'elle eut à changer de maison, elle sentit une petite voix lui dire que c'était la bonne! Ce n'était manifestement pas le cas pour moi, et je me demandais si j'allais trouver quelque chose qui me corresponde vraiment.