Il y a plusieurs points qui caractérisent les voiliers classiques en bois, en particulier leur esthétique due à la finesse des lignes; la proue ou l'étrave semble capable de couper l'eau comme un couteau, tandis que la poupe ou l'arrière, ou le "cul" du bateau, de forme arrondie, flotte au dessus de l'eau comme suspendue. Ces deux extrémités sont nommés élancements, le terme est évocateur. Un autre point est leur hauteur, ou plutôt leur bassesse, sur l'eau; ces bateaux étaient essentiellement faits pour la régate, pas pour y séjourner pendant des jours, de plus leurs coques s'enfoncent profondément dans l'eau, donc il y a peu de roof dépassant du pont. Restent leurs voilures multiples sur un mât à rallonge, grand voile à l'aspect rectangulaire avec la corne, voile triangulaire de flèche au dessus, et souvent deux focs et trinquette à l'avant; autant de voiles à manipuler, au vrai sens du terme, sans winch pour certains, juste des palans et de l'huile de coude, d'où le nombre de marins à bord, entre dix et vingt selon la taille du bateau. Certains des bateaux datent de la fin du dix neuvième siècle, l'âge d'or de la plaisance comme il est dit, où les constructeurs sortaient un bateau de quinze - vingt mètres de long en moins de six mois, tout en bois, à l'unité, chose impossible aujourd'hui...
Le bois, les lattes, les vernis, cette sensualité extraordinaire qui se dégage des coques, des ponts, ponctués de pièces en bronze ou en laiton, de poulies entourées de cuir, et les enchevêtrements de cordages lovés majestueusement lorsque le bateau paresse au bord du quai. Nombre d'équipiers sont pieds nus, pour toucher le bois, ou par respect envers ce que l'on peut considérer comme une oeuvre d'art. Au port, après la régate, on sort chiffon et lubrifiant pour astiquer ce qui doit briller. Le soleil fait le reste.
Les bateaux sont féminisés, ce sont des vieilles dames, et tous ces hommes qui s'en occupent, y mettent certainement plus d'ardeur que dans leur propre rapport avec le sexe féminin. Ce fut longtemps un sport de machos, comme partout d'ailleurs, et on assiste aujourd'hui de plus en plus à des équipages mixtes, voire exclusivement féminin.
Chaque sortie ou entrée de port est une parade, ce qui fait partie du jeu, prolonger l'élégance jusqu'au bout.
La beauté appelle un silence, une retenue, et donc une tenue. Quelqu'un a dessiné le plus beau possible, d'autres ont construit du mieux qu'ils ont pu, enfin des gens passionnés, souvent riches mais pas toujours, ont restauré, entretenu amoureusement l'objet de leur passion, pour transmettre un message, celui de l'homme petit sur la mer, mais grand parce qu'il ose l'affronter...
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