Membres

samedi 18 juin 2022

A propos de la souffrance

Ces derniers mois j'ai eu l'occasion de faire appel à une couturière. Il s'agit d'une dame très sensible, qui ressent les gens avant de les connaître, voire même de les rencontrer, la voix au téléphone lui suffisant. C'est ce qu'elle m'a dit. Ainsi elle a commencé à me parler comme si elle me connaissait depuis longtemps. Les sujets abordés sont liés à la profondeur de l'humain. Sans l'avoir prémédité, j'ai eu plusieurs fois besoin de ses services, entraînant à chaque fois une discussion. Ce matin on a parlé de la souffrance, qui peut être un moyen, voire une nécessité, pour se poser des questions et évoluer vers plus de conscience. Nous parlions à partir de notre propre exemple.

Juste avant j'étais chez le kiné. Avant la séance la secrétaire me demande ma carte Vital pour faire le point. Sortir ou rentrer ce genre de carte de mon portefeuille me prend toujours un certain temps suite à mon handicap au bras droit et à ma main crispée. Elle me propose de l'aide. Je refuse poliment lui expliquant que je dois le faire comme un exercice, même si c'est lent, ce qui ne me dérange pas. Elle me dit alors qu'elle sait ce que c'est, car sa fille est handicapée, et aveugle ajoute t'elle! Je lui demande si c'est de naissance. Non, elle est née avec un "trou" dans le cerveau, mais normale pour sa vie quotidienne. Mais il a fallu l'opérer à l'âge de 18 ans. L'opération déclencha une réaction dans le cerveau, elle provoqua la cécité et une paraplégie. Mon Dieu, vous imaginez? Pour cette fille, pour sa mère... L'assistance, la dépendance, et la souffrance bien sûr. J'avais remarqué depuis le début que cette femme avait le visage marqué par la vie, comme une tristesse permanente. Sa fille avait 36 ans maintenant, et s'était marié avec son professeur de Braille, plus âgé qu'elle, et aveugle lui aussi. Comme quoi... Je me suis senti plein d'empathie pour elle et lui ai fait comprendre. Franchement ma situation est tellement plus confortable. Je n'ai pas le droit de me plaindre, et cet exemple est un rappel.

On vient d'apprendre la mort de Jean Louis Trintignant, et il y avait ce soir un reportage sur sa vie. Lui et sa femme Nadine ont perdu une petite fille, alors bébé. Il s'en est suivi plusieurs mois de réclusion pour survivre à ce drame épouvantable, et dépasser l'idée de suicide. Ils avaient déjà une fille, Marie, qui mourra à 41 ans suite aux coups de son compagnon, ce qui fit la une des journaux. Il adorait sa fille, et ils avaient joué ensemble au théâtre, déclamant des poèmes d'amour d'Apolinaire. Là encore la souffrance l'a envahi, meurtri. La poésie l'a aidé à s'en sortir. Il ne semblait pas avoir la fibre spirituelle, bien qu'habitant Uzès, à quelques kilomètres de l'ashram d'Arnaud Desjardins! Là encore, quel destin! Mais il y a des gens qui ont vécu pire, et ont dépassé leur souffrance, j'en connais.

Jean Louis Trintignant citait cette phrase de Prévert :

Essayons d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple.

3 commentaires:

philippe a dit…

Bonjour Yannick,

Merci pour ces retours sur le thème de la souffrance.
C’est pas évident d’en discuter.
Hier,j’ai envoyé un sms à une amie qui a des ennuis de santé après que j’ai découvert de façon fortuite dans le magasin d’optique où elle travaille depuis longtemps.
Au départ je lui demande comment ça va ,elle esquive la réponse en disant que je continue mon chemin.
Après je demande qu’il y a,elle m’écrit que son corps a dit stp et que c’est mieux qu’elle travaille plus.
Je demande si elle bien entouré,oui.
Est-ce qu’elle a besoin de moi et là merci beaucoup sans plus.
Je ne suis pas content bien sûr,car je la connais depuis longtemps et j’allais lui rendre visite avant et je disais qu’elle pouvait passer me voir.
L’amitié est réciproque à mon avis.
Je respecte sa posture mais suis déçu.
On a tellement échangé avant.
C’est la vie !

yannick a dit…

Oui, la souffrance peut nous renfermer sur nous mêmes. C'est un parcours initiatique que beaucoup sans doute refusent. Accueillir n'est pas si simple.
Merci Philippe.

Acouphene a dit…

Merci !