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mercredi 20 novembre 2019

La providence au bord de la route


Je pars en voiture pour la retraite silencieuse avec Mooji. Direction le sud du Portugal, soit 1 200 km. Comme je reste 3 semaines ensuite à l'ashram, j'ai besoin d'emporter suffisamment de choses, et seule la voiture me donne ce confort. La seule chose, c'est que je suis seul, et je ne peux pas compter sur moi même s'il m'arrive quelque chose, vu mon état d'handicapé. Je me dis avant de partir, que le seul risque c'est une crevaison, la voiture marchant bien, malgré ses 380 000 km, suite à la réparation de cet été (une autre histoire).

Je fais environ 900 km le premier jour, terminant la journée avec un coucher de soleil aux couleurs rarement vues, s'éternisant pour les fixer dans ma mémoire. Puis la nuit vient. J'ai passé la dernière grande ville, Caceres, et il faut que je trouve un endroit tranquille pour passer la nuit. Je prends une petite route, espérant trouver ensuite un chemin tranquille pour me garer. En fait, les champs sont entourés de grillages, et les chemins caillouteux ne donnent accès à rien. Je me gare sur le bord du chemin, assez large, de façon à laisser la place à un éventuel passage. Bien m’en prit puisque ce fut le cas.

Le lendemain matin, je démarre et fais demi-tour. Très vite, je sens que la voiture tire à droite, ce n’est pas normal. Je pense à une crevaison. Je m’arrête et fais le tour des pneus. Effectivement la roue avant droite est à plat. Je suis dans un désert et ne peux rester ici. Je reprends la petite route de campagne, fais environ deux km avant de rejoindre la grand-route. Me souvenant d’avoir vu une station-service hier soir, je repars dans l’autre sens en roulant tout doucement. Cela me fait mal de sentir ce pneu crevé et de rouler avec, mais je n’ai pas le choix, seul je ne peux rien faire. Au bout de deux km je vois la station-service et m’y arrête. Un homme jeune sort et veut me servir de l’essence. Il ne parle pas français, ni moi espagnol. Je lui montre le pneu et mon bras handicapé, lui faisant comprendre que j’ai besoin d’aide. C’est alors qu’il me dit qu’il n’est pas mécanicien et ne peut pas m’aider. Je réponds qu’il s’agit juste de changer une roue, que ce n’est pas compliqué. Malgré son envie manifeste de ne pas m’aider, et son leit-motiv qu’il n’est pas mécanicien, il finit par sortir la roue de secours et le cric, tout en expirant son rejet total de la situation. Je vois bien qu’il n’a pas du changer souvent des roues crevées vu comment il s’y prend. Il a du mal avec les écrous qui semblent serrés forts, je lui montre comment faire en s’aidant des pieds. Puis il y a des écrous où l’outil ne rentre pas. Je ne comprends pas pourquoi, et il me montre, en soufflant comme un taureau, que ça ne peut pas aller. La situation semble bloquée. C’est alors qu’arrive une fourgonnette avec deux hommes. Ils viennent voir, se proposent tout de suite d’aider, parlent français et espagnol. Ils disent que là où ça ne se dévissent pas, c’est parce qu’il y a des caches, ce que je ne savais pas ni ne voyais, tout comme le pompiste.


Ces deux hommes sont des motards, avec leurs motos dans le fourgon, et reviennent d’un circuit au Portugal, ils sont donc mécanos pour leurs propres moteurs, ça se voit de suite. L’un prit un tournevis pour enlever les caches, puis il dit qu’il y avait un écrou antivol, qu’il fallait un embout spécial. Je ne savais que ça existait, mais il me semblait bien que mon frère, à qui appartenait la voiture avant, m’avait parlé de cet embout que j’avais rangé entre les deux sièges. Je le trouve et voici la roue enlevée. Il la regarde et dit qu’elle est fichue, vu que j’ai roulé avec. La roue de secours est mise en place, les deux français repartent, je les remercie franchement, car sans eux la situation était bloquée. Une fois de plus, sans m’être inquiété, la vie, que l’on nomme providence dans ce genre de cas, s’est occupée de moi. Ces deux français dont l’un parlait espagnol, sont passés au moment exact où il fallait pour me tirer d’affaire. Ils me préviennent qu’il ne faut pas rouler trop vite avec ce pneu galette, ni faire trop de kilomètres. Puis dans la foulée le pompiste m’indique un garage pour changer le pneu en retournant vers Caceres à une douzaine de kilomètres. De plus il me le note sur le GPS de mon portable afin d’y être guidé directement. Je ne savais même pas que ça existait sur mon téléphone, le fait d’être guidé… Je lui propose un dédommagement, il ne veut pas, mais je lui dois bien çà, et il accepte mon billet.
Grâce au GPS je trouve le garage, que le pompiste avait appelé avant, et on me change la roue aussitôt. Je repars rassuré puisque j’ai suffisamment de temps devant moi pour arriver, même si cela a duré près de trois heures.


Je retiens ce côté magique avec lequel la vie s’occupe de nous, dans un sens ou dans un autre d’ailleurs. Car enfin qu’est-ce qu’une crevaison ? Il suffit de passer au même endroit une minute plus tôt ou plus tard, ou dix centimètres à côté, et rien ne serait arrivé. De même je partais un tout petit peu plus tard le matin, et je ratais ces motards…
On ne maîtrise pas grand-chose. Mais si on ne panique pas, si on fait sa part sans en vouloir au monde entier, la vie répond. Elle nous dit qu’on n’est pas seul, qu’elle s’occupe de tout dans sa grande intelligence qui reste un mystère pour nous, ses petits enfants. Faisons confiance.


5 commentaires:

Acouphene a dit…

La vie n'est pas déroutante...

yannick a dit…

T'es gonflé de dire çà!

philippe a dit…

Pelegrinos!!!

Dominique a dit…

Belle histoire, une fois de plus.

Acouphene a dit…

;-) Elle offre plusieurs routes...