Je roulais sur la côte nord de la Sicile, une route escarpée, pleine de virages, contre la montagne, au dessus de la mer. A un moment je vis un panneau indiquant le risque de chutes de pierres. Je me dis: C'est bien gentil de nous prévenir, mais si ça tombe, que fait-on? On prie pour passer entre?
Quelques kilomètres plus loin, dans un virage, je vois une pierre, de la taille d'un pavé ou presque, à environ deux mètres du bord de la route. Je fais un écart sur la gauche pour l'éviter, mais la prend avec ma roue droite. Un bruit de choc, et deux secondes plus tard je sens que la roue est crevée. Sur ce genre de route, plutôt étroite et sans visibilité à cause des virages, je ne peux m'arrêter n'importe où. Ca fait du bruit, dans mon esprit monte un "Mon Dieu aidez-moi!" Je me gare, descend, et vois la roue à plat. Je ne peux rien faire là, de plus la route descend. Je redémarre et continue à vingt à l'heure. Le bruit de la roue me fait mal au coeur. Quelques centaines de mètres plus loin, par chance, il y a un parking sur la gauche pour admirer la vue sur la mer. Je traverse pour m'y garer. Il y a un couple qui est en train de monter en voiture pour repartir. Sinon il y a un couple de motards. Je me dirige vers eux, leur explique la situation, que je suis handicapé, et que j'ai besoin d'aide pour changer la roue. L'homme va s'en charger. Je vide le coffre pour accéder à la roue de secours, sors le cric, la manivelle. Tandis qu'il change la roue, sa compagne, qui doit avoir autour de 50 ans, s'approche de moi et me demande si je voyage seul. Je réponds oui! Elle me fait comprendre que je cours un "risque", vu mon handicap, s'il m'arrive quelque chose...
Je ne lui ai pas dit qu'elle faisait partie de la solution, qu'il y a toujours quelqu'un au moment opportun pour nous aider. Oui, je ne peux même pas sortir la roue du coffre, sans aide tout devient plus compliqué, dois-je rester chez moi sans bouger, sans prendre le moindre risque? Que je fasse 10 km ou 1 000, une crevaison ou un problème quelconque peut arriver n'importe où. Ca fait partie de la vie, comme de trouver quelqu'un de disponible pour m'aider. J'ai du lui dire que je faisais confiance.
Le travail fait, je lui passe un chiffon pour qu'il s'essuie les mains, le remercie, remet les bagages dans le coffre, et remonte en voiture. Je remercie la vie, constate que c'est le seul parking avant la prochaine ville, et estime donc que j'ai eu plutôt de la chance. Ce genre d'aventure m'est déjà arrivé en voyageant, et la vie m'avait aidé pareillement, par providence.
Il me restait à trouver un garage pour changer le pneu galette et en mettre un neuf. Je me sers de mon portable pour trouver un garage. Le premier n'existe pas à l'adresse indiquée. J'en cherche un autre. Mais il n'a pas de pneu pour ma voiture. Il m'indique un garage spécialisé dans les pneus. Je repars, il est presque six heures et j'espère qu'il sera encore ouvert. J'y arrive enfin, il y a une voiture en cours, j'explique mon cas, il vont me changer le pneu une fois l'autre terminée.
Tout s'est bien enchaîné. Malchance d'avoir crevé, chance d'avoir trouvé de l'aide... C'est la vie, tout est la vie. On veille sur nous, là haut, j'en suis persuadé.