Membres

mercredi 7 janvier 2009

Père et fils


J'ai mis mon fils à 2 ans et demi sur des skis. Des petites planches spéciales que l'on attache aux chaussures. Deux jours à le tenir entre mes jambes sur une pente presque plate de 30 ou 40 m, et à le lâcher petit à petit sur quelques mètres vers la fin.
Voyant que ça se passait bien je l'ai emmené sur des vraies pistes, et nous descendions ainsi façon "kangourou", malgré les craintes de sa mère. Je vous dis pas le mal au dos à la fin de la semaine!
Pendant des années je l'ai guidé, attendu, aidé, faisant à peine du ski pour mon propre plaisir.
Une année, vers 5 ans, il a fait une semaine de cours ce qui l'a bien aidé à progresser.

La récompense, 8 ou 10 ans après, c'est qu'on allait partout ensemble, notamment sur les bosses pour sauter dans les bras du vent. Et là j'avais peur de le voir foncer sur ces tremplins naturels. Mais il n'y eut jamais d'accident.

La semaine dernière nous y sommes allés deux jours. Il skie nettement mieux que moi maintenant. C'est plutôt lui qui m'attend.
Aux tremplins des zônes de surf, il s'élance et fait un 360°. Je suis fier de lui. Moi je n'ose pas, j'ai passé l'âge, alors je m'élance et je saute, je m'envole, enfin c'est l'impression que ça donne...
Je crois qu'il apprécie que je fasse encore ce genre de truc!

A la fin du deuxième jour, on est sorti des pistes pour aller dans la poudreuse, à l'écart de tous.
Aucun risque, juste une petite vallée ouverte sur le reste des pistes.
Quel bonheur de tracer dans la neige vierge, c'est émerveillant. La neige blanche et tendre rajoute un sentiment de pureté originelle. Même doucement c'est peut être encore plus beau!
Bien sur il faut se garder suffisamment de pente pour pouvoir revenir sur les pistes.
En même temps on veut aller découvrir le plus loin possible.
Une première fois on a du faire demi tour et remonter un peu de pente.
La deuxième fois il était trop tard, c'était la forêt et peut être des rochers en contre bas. Il a décidé de continuer, je lui ai crié de faire bien attention. Je préférais remonter difficilement et en soufflant vers une piste un peu plus loin.

Au bout de quelque temps, vue la fatigue et le trajet à faire, je choisis de descendre aussi par la forêt. Bientôt cela descendait trop pour skier, juste déraper sur le côté. Des arbres si serrés que j'en ai embrassé plusieurs. Je suis bien tombé dix fois, et déchaussé pas mal aussi. Le temps passait, il fallait rejoindre un télé siège en contre bas avant la fermeture. Il y a tellement d'arbres dans une forêt... De chutes en chutes je finis par rejoindre le bas d'une piste, les jambes fourbues et dures. On avait convenu de s'attendre en bas. Il n'y avait personne!
Je remonte, je cherche des yeux. Je me dis qu'il est grand et sait se tirer d'affaire mieux que moi.
Je redescend une autre piste, il n'y a plus personne, laisse un message à une cabine, prend un dernier remonte pente...
Finallement on s'est retrouvé à la voiture, pas plus inquiet que ça, juste pour voir à quel point on était attaché l'un à l'autre.
Ouah! Elle était extra cette poudreuse...

9 commentaires:

Mabes a dit…

Quel père, quel fils !

Acouphene a dit…

Tu m'as fait peur ! Vous savez bien ce qui est !

Anonyme a dit…

Moi aussi j'ai eu la gorge serrée - ramener toujours les choses lues, entendues, vécues, du passé, quelle tragédie !
Eh bien je suis très touchée par ton récit, Yannick (car...)( il y a toujours un "car" quand on est touché, n'est ce pas ?!)... J'aurais aimé, j'aimerais, que mon père garde en lui des moments passés ainsi, lui et moi, et qu'il me les offre peut-être un jour, juste par un mot glissé, un petit rappel souriant. mais je crains qu'il n'en ait même pas, et si tant est qu'il en avait, la pudeur est trop grande !

Anonyme a dit…

et... oui, je suis touchée bien sûr aussi par ta façon de raconter cette histoire, et par ce que tu dis, en deux mots, du lien qui vous unit, ton fils et toi !
Et par la si expressive et si simple "conclusion" !

Anonyme a dit…

Merci Nathalie. Nous sommes sans doute beaucoup à avoir manqué de gestes de la part de nos parents. Peut être même c'est la mort qui les feront s'ouvrir un peu (pour les plus coincés). Encore un sujet...

Daniel a dit…

Ce témoignage m'évoque bien des choses. Bravo pour la confiance. Tu as cependant pris bien des risques en t'aventurant seul dans la forêt accumulant chute sur chute. Etai-ce bien prudent peu avant la tombée de la nuit?

Anonyme a dit…

Il y a toujours un risque. Mes chutes n'étaient que des dérapages puisque je ne pouvais skier. J'ai fait très, très attention, privilège de l'âge.

Daniel a dit…

Allons l'ami, c'était une boutade!. Je n'ai pas douté un seul instant de ta capacité et de ton expérience. Très Bonne année à toi.

Stéphane a dit…

Je trouve ce texte beau, et ça me parle