Regardez la soliste comme elle est inspirée...
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samedi 29 décembre 2018
lundi 24 décembre 2018
NOEL
- Tu n'as pas froid?
- Non, ça va.
- Et le bébé?
- Il est contre moi, tout va bien.
- On n'a pas pu trouver mieux, c'était plein partout. Je suis désolé...
- On est bien là, tous les trois, c'est tranquille. Juste la nature, les étoiles, le ciel...
- Tu es magnifique! Un rien te comble. Tu as du avoir des parents plein d'amour.
- Etre enceinte, enfanter, être avec toi... Que demander de plus?
- O mon amour!
- Je vais t'aimer différemment avec le bébé.
- Tu es déjà une mère veilleuse!
- Tu seras un père bienveillant!
- Tu as trouvé un prénom?
- Emmanuel, qu'en dis-tu?
- Dieu avec nous...
- Oui, comme çà on sera toujours ensemble!
dimanche 23 décembre 2018
Rendre service
Je viens d'entendre cette histoire.
La personne qui la raconte était en voiture. A un moment elle demande un signe du divin.
Juste après elle voit un auto-stoppeur. Elle s'arrête pour le prendre. Il monte. Sa première phrase est :
"Quelqu'un qui rend service à un inconnu, c'est à Dieu qu'il rend service."
La personne qui la raconte était en voiture. A un moment elle demande un signe du divin.
Juste après elle voit un auto-stoppeur. Elle s'arrête pour le prendre. Il monte. Sa première phrase est :
"Quelqu'un qui rend service à un inconnu, c'est à Dieu qu'il rend service."
samedi 22 décembre 2018
L'AFFAIRE DU SIECLE
ENVIRONNEMENT
"L’AFFAIRE DU SIÈCLE" DEVIENT LA PÉTITION LA PLUS SIGNÉE DE L’HISTOIRE EN FRANCE, SIGNE D’UN VRAI SURSAUT CLIMATIQUE
C’est l’un des plus beaux signaux du réveil écologique français qui a eu lieu durant ce second semestre 2018. La pétition "L’Affaire du siècle" contre l’État français pour inaction climatique va devenir la plus signée devant celle sur la loi El Khomri. C’est une opportunité donnée au chef de l’État, en pleine crise des Gilets Jaunes, pour reprendre la parole sur le besoin d’une transition juste sur les plans écologique et social.
Depuis la fin de l’été 2018 et la démission de Nicolas Hulot du gouvernement, il y a eu un vrai sursaut écologique en France relayé par les deux marches pour le climat, l’écho donné au rapport du Giec ou l’inhabituelle médiatisation de la COP24 en Pologne. Le dernier événement en date est la menace d’attaquer en justice l’État français pour inaction climatique lancée par quatre ONG : Greenpeace, Oxfam, la Fondation pour la nature et l'Homme (FNH) et l'association Notre affaire à tous.
Cette annonce du 18 décembre, a été accompagnée par la mise en ligne d’une pétition dont l’impact est inattendu. En deux jours, celle-ci a recueilli plus d’un million de signatures. Et vendredi 21 décembre, elle a dépassé 1,3 million de signatures, ce qui en fait la pétition la plus signée de l’histoire. Elle dépasse celle demandant le retrait de la loi Travail de Myriam El Khomri en 2016.
Le texte de la pétition est un appel à la justice climatique : "Partout dans le monde, des citoyennes et citoyens saisissent la justice pour que leurs droits fondamentaux soient garantis face aux changements climatiques (…) Alors agissons pour la justice sociale et climatique, saisissons la justice pour que la France respecte enfin ses engagements sur le climat".
Un lien avec les Gilets jaunes
Cette notion de justice sociale n’est pas sans faire référence à la crise actuelle des Gilets jaunes. "Alors que les investissements nécessaires pour remédier à la catastrophe devraient être financés majoritairement par les plus aisés, les classes moyennes et les plus démunis y contribuent aujourd’hui de manière indifférenciée. La lutte contre les changements climatiques ne doit pas se faire au détriment des plus fragiles", écrivent les quatre ONG qui se réjouissent de "l’électrochoc" que provoque ce texte.
Le succès de la pétition est aussi dû au panel de people qui ont soutenu le texte dans une vidéo qui a été vu plusieurs millions de fois sur les différents réseaux sociaux. On y retrouve Marion Cotillard, Juliette Binoche, le physicien Aurélien Barrau, les chanteuses L.E.J, le cinéaste Cyril Dion, le chanteur Abd Al Malik.
Une réponse du gouvernement
Reste à savoir maintenant comment y répondra le gouvernement. Le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a réagi : "Je suis très heureux que les citoyens se mobilisent en nombre pour le climat (…) Sur le mode d'action, on pourra toujours en rediscuter bien sûr". Mais c’est la parole du Président Emmanuel Macron qui est attendue.
D’autant plus que celui-ci vient de réagir à la pétition des Gilets jaunes contre la hausse des prix du carburant. Lancée fin novembre, elle approche 1,2 million de signatures à l’heure où nous écrivons ces lignes. "Vous avez subi de plein fouet la hausse des prix du carburant, et avez décidé de réagir en signant cette pétition. Votre message, je l'ai entendu. Je vous réponds directement : vous avez raison", écrit-il. "En m'interpellant par cette pétition vous avez fait un acte citoyen. Ce dialogue, si vous en êtes d'accord, je souhaite le poursuivre", ajoute-t-il en appelant à une rencontre avec l’initiatrice Priscillia Ludosky.
Vu sur www.novethic.fr
Vu sur www.novethic.fr
samedi 15 décembre 2018
jeudi 13 décembre 2018
dimanche 9 décembre 2018
jeudi 6 décembre 2018
NOEL pour les enfants
Coucou,
D'habitude, je ne fais plus suivre les invitations internet. Mais le site de Noël MAGIQUE est vraiment unique.
Le site est gratuit, et depuis 9 ans il permet de couvrir de joujoux et de mots doux,
les enfants qui vont bientôt passer Noël à l'hôpital.
Le site est gratuit, et depuis 9 ans il permet de couvrir de joujoux et de mots doux,
les enfants qui vont bientôt passer Noël à l'hôpital.
On a jusqu'au 24 décembre pour rassembler 15.000 votes,
et amener les sponsors du site à offrir 15.000 € de joujoux aux enfants.
Je viens de le faire... suivez-moi.
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Je viens de le faire... suivez-moi.
C'est bientôt Noël, c'est gratuit et c'est vraiment utile :
est-ce que je peux compter sur deux minutes de ton temps pour eux ?
C'est ici www.messages-de-noel.net
est-ce que je peux compter sur deux minutes de ton temps pour eux ?
C'est ici www.messages-de-noel.net
Avec nous pour un Noël MAGIQUE :
Ayant passé huit mois à l'hôpital, dont la période de Noël en partie, je suis devenu sensible à beaucoup plus de choses qu'auparavant, en particulier la souffrance et la solitude, la mort aussi. Allez voir, cela ne coûte strictement rien sinon un tout petit peu de temps...
Merci.
Merci.
mardi 4 décembre 2018
LA FIN D'UN MONDE (6)
LA FIN D'UN MONDE (6/6)
- "Les électorats n'ont plus la croissance comme imaginaire". (Lu sur LCI).
ENTRETIEN
- Dominique Bourg revient pour LCI sur les origines de notre modèle de développement destructeur et entrevoit la manière d'en sortir à temps.
Professeur
de philosophie à l'Université de Lausanne et auteur du "Dictionnaire de la
pensée écologique", Dominique Bourg est également le directeur du conseil
scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme (ex-Fondation
Nicolas-Hulot). Proche de l'ex-ministre de l'Écologie, Il lui
avait conseillé de quitter le gouvernement dès janvier et s'est dit satisfait
de sa démission survenue fin août.
Dès 2010,
cet opposant au "mythe de la croissance" prévenait : "Arrêtons
la farce du développement durable". Dans cet entretien accordé à LCI, il
explique pourquoi notre modèle de développement fondé sur l'extraction des
ressources naturelles a pour issue la fin de la croissance, et pourquoi il est
nécessaire de s'y préparer collectivement.
LCI : Vous avez dit avoir cru un
moment au "en même temps" de Macron appliqué à l’écologie. Vous avez
dit qu’il était nécessaire d’entamer "un changement de fond qui prendrait
en compte les enjeux écologiques sans ruiner ou déstabiliser notre pays".
Pensez-vous qu’il est encore possible préserver tous les intérêts en même temps
?
Je pense
qu’il n’y a pas de réponse simple à cette question. Pour s’engager sur une
civilisation décarbonée, dans laquelle les flux de matières - qui sous-tendent
l’activité économique - se réduisent drastiquement, les premiers pas exigent un
financement massif. Il faut par exemple changer les infrastructures. Cette
première phase débouche donc sur de l’emploi, et sur une croissance du PIB mais
pour un temps limité. Dans ce premier temps, on fournit au système sa drogue et
on continue à faire avancer la machine.
À quoi ressemblerait concrètement
cette transition ?
Pour
réduire de 45% en dix ans les émissions de gaz à effet de serre, comme le
préconise le Giec pour rester en deçà d’un réchauffement de 1,5°C, on sait
comment faire. Pour cela, Jean Jouzel et Pierre Larrouturou ont proposé le Plan
finance-climat, qui entraînera en premier lieu de l’emploi et du PIB. Il faut
ensuite mettre en place une stratégie d’économie circulaire. C’est ce que nous
avions proposé au ministère de l’Écologie en janvier avec la Fondation Hulot et
d’autres organisations. Cette stratégie incluait par exemple un système de TVA
circulaire, dans lequel la TVA est abaissée pour les produits qui génèrent le
moins d’externalités négatives. Ce plan ne détruit pas la machine économique.
Il l’oriente vers un fonctionnement nouveau. Une fois que vous avez atteint
cette première marche, les suivantes se dessinent. Mais il n’y a aucun doute
sur la suite : ce qui nous attend au bout du compte, c’est une réduction des
flux de matières et des flux d’énergie.
Recyclage et énergies
renouvelables : la partie la plus simple de la solution
Comment expliquez-vous à des
non-spécialistes la nécessité de diminuer drastiquement la consommation
d’énergie ?
Produire
toujours plus implique d’augmenter les flux de matière et les flux d’énergie,
donc les émissions de CO2. Ces émissions de gaz à effet de serre ont augmenté
de nouveau l’année dernière, de 2% dans le monde et de 3,6% en France. Et
depuis 2000, en raison de l’émergence d’une classe moyenne dans les pays
émergents, les flux de matières dans le monde croissent encore plus vite que le
PIB.
Que dites-vous à ceux qui voient
dans les énergies renouvelables ou le recyclage des solutions pour produire
plus tout en réchauffant moins la planète ?
Il faut
qu’ils m’expliquent comment ils comptent construire, sans pétrole ou sans
charbon, suffisamment de panneaux solaires, d’éoliennes, de barrages, ou toute
autre forme d’installation produisant de l’électricité. Jusqu’à maintenant nous
avons empilé les sources d’énergie. Produire des installations de production
électrique avec quasi exclusivement de l’électricité (et un peu de gaz
naturel), ce n’est pas la même chose que les produire en s’adossant à un
pétrole abondant. Nous allons au-devant d’un sérieux problème. Un monde qui
consomme autant d’énergie que le nôtre court à sa perte. Le recyclage bute
contre le même problème : avec un taux de croissance supérieur à 1%, les
matières recyclées après des années d’utilisation ne représentent qu’une petite
partie des besoins nouveaux, parce qu’entre-temps la consommation et la
production ont augmenté. Par exemple, tout le fer et l’acier recyclé au XXe
siècle ne représente que 5% de la ressource consommée. Le taux de croissance de
l’utilisation des métaux est de 3,8% par an ces dernières décennies. Or, avec
un taux de croissance de 3% par an, la consommation double en 19 ans. Ce que
les gens n’ont pas compris, c’est que la première exigence d’une économie
circulaire est de réduire ce qui entre dans la machine économique, donc la
production et la consommation.
Avant,
notre problème, c’était que les grands problèmes globaux n’étaient pas
accessibles à nos sens. C’est fini.
Comment convaincre des électeurs de
voter pour une société où ils abandonnent une partie de leur confort matériel ?
Comme je
l’expliquais, la première phase n’est pas si difficile à vendre, car elle
nécessite des investissements qui créent de la croissance. Pour la deuxième
phase, c’est plus compliqué, mais les gens comprennent déjà qu’on n’est plus
dans les 30 Glorieuses. Le progrès technique et économique engendre plus
d’angoisse que de bien-être, et tout le monde s’en aperçoit.
Il y a quelques années, vous faisiez
pourtant le constat que les gens s’en fichaient. Ce n’est plus le cas ?
Je ne
pense pas. Regardez les manifestations du 8 septembre : 100.000 à 150.000
personnes ont manifesté pour la défense de l’environnement. C’est énorme. Avant
on arrivait à peine à quelques milliers. Les sociologues nous disent par ailleurs
que ce ne sont pas les écolos habituels, mais des gens lambda, qui n’ont pas
l’habitude de manifester.
Qu’est ce qui a changé pour que le
grand public s’y intéresse ?
Avant,
notre problème, c’était que les grands problèmes globaux n’étaient pas accessibles
à nos sens. C’est fini. Maintenant, la météo nous dit que la canicule, ce n’est
plus seulement en France, mais dans tout l’hémisphère nord. Plusieurs personnes
m’ont dit que la dernière canicule les avait paniqués. C’est la même chose pour
les précipitations, qui deviennent complètement folles aux États-Unis, au
Japon, et même à Lausanne. On a eu peur, et ça veut dire quelque chose. Tout
devient sensible aux yeux des gens.
Nous
sortons d’un mode de pensée vieux de plusieurs siècles, qui commande à l’homme
de s’arracher en permanence à la nature, considérée comme une masse
inerte.
Si tout le monde est conscient du
problème, quel est l’intérêt des rapports du Giec ?
L’intérêt
du dernier rapport du Giec n’est pas de montrer comment on peut limiter le
réchauffement à 1,5°C, car je pense qu’on n’y arrivera pas. Mais ce rapport
permettra de dire aux gouvernants : "Vous saviez", et de les
poursuivre en justice. Il y a de nombreuses procédures judiciaires en cours
dans le monde. Maintenant que les gens commencent à voir concrètement les
effets du réchauffement, tout change. L’étape suivante, c’est l’affaiblissement
de nos capacités alimentaires, et les risques sanitaires liés à la chaleur. Le
thème de l’effondrement se répand comme une traînée de poudre en France.
L’imaginaire des gens est en train de changer, par l’effet des projets
effrayants des Gafa, des rapports du Giec, de la démission d’Hulot ou des
événements climatiques actuels.
Si les mentalités changent, n’est-ce
pas aussi grâce aux initiatives de certains, comme l’astrophysicien Aurélien
Barrau et sa stratégie assumée d’"envahissement de l’espace
médiatique" ?
Sa
stratégie est très efficace, il est excellent. À l’aide de son aura de
scientifique, il a réussi à faire quelque chose.
L’enjeu pour les écologistes
désormais n’est-il pas de parler directement à l’opinion au lieu de continuer à
conseiller le pouvoir ?
Personnellement,
j’ai joué mon rôle de conseiller du pouvoir, j’ai fait de nombreuses
propositions. Comme on peut le constater, le résultat est assez faible.
Stratégiquement, nous sommes dans une période clé, donc il faut batailler d’une
autre manière.
Pensez-vous que tous les
intellectuels doivent sensibiliser l’opinion pour que celle-ci fasse pression
sur le pouvoir ?
Il faut
qu’il y ait une synergie. Cette action politique n’a de sens que si la
communauté scientifique continue à faire son boulot, que si des activistes
continuent des actions juridiques, que si des zadistes montrent que la
conscience doit parfois conduire à bloquer des projets débiles.
Comment expliquer la lenteur de la
prise de conscience écologique ?
Nous
sortons d’un mode de pensée vieux de plusieurs siècles, qui commande à l’homme
de s’arracher en permanence à la nature, considérée comme une masse inerte.
C’est le paradigme de la modernité, que veulent perpétuer les transhumanistes.
Cette pensée est mise à mal par les connaissances les plus récentes qui nous
font repenser l’économie en fonction du vivant. L’intérêt envers le bien-être animal
participe aussi de ce mouvement de reprise de conscience de la relation entre
notre communauté et le reste du vivant. C’est ce que Jacques Ellul et Bernard
Charbonneau ont appelé, peut-être trop tôt, la "force révolutionnaire du
sentiment de la nature". C’est un mouvement lent, puissant, auquel
l’action politique va finir par se connecter.
Les gens
comprennent désormais que la consommation ne va plus les rendre heureux. Le
décrochage s’est déjà opéré.
Ne pensez-vous pas que les humains désireront
toujours avoir plus ?
Ce désir
d’abondance n’est pas universel, et il est récent. Il date de l’avènement de la
pensée moderne et a plusieurs racines. Prenons les guerres de religion : on
s’est aperçu qu’en raison de ces guerres, il ne pouvait pas y avoir de finalité
commune dans une société et que la seule finalité possible devenait
l’accumulation de biens matériels. Tout ce qu’on appelle la "philosophie
du contrat" est basé là-dessus, et c’est ce qui a permis l’essor du
capitalisme. Pour moi, le capitalisme est issu d’un changement du sens de la
richesse. Avant, être riche c’était posséder autrui. Puis, ce fut posséder des
objets. Dans un superbe article, André Gorz rappelait la difficulté qu’ont eue
les premiers capitaines d’industrie du XVIe siècle à faire travailler plus les
paysans. Ces derniers n’allaient jamais dans une maison de riche, ils ne
recevaient pas de publicité. Il y avait une norme sur le suffisant, nos besoins
fondamentaux. Ce que voulaient ces gens, ce n’était pas gagner plus, c’était
travailler moins. Le désir d’accumulation n’est donc pas une nécessité
anthropologique. Pendant des millénaires, la sagesse consistait à se contenir
matériellement afin de s’épanouir dans le domaine moral et spirituel.
Mais si ce désir n’est pas immuable,
il reste malgré tout profondément ancré, non ?
Aujourd’hui,
les gens voient très bien que la croissance du PIB ne débouche plus sur du
bonheur, comme c’était le cas pendant les 30 Glorieuses. D’où l’essor des
mouvements de "déconsommation". Ce n’est pas encore très développé,
mais je pense qu’ils comprennent désormais que la consommation ne va plus les
rendre heureux. Le décrochage s’est déjà opéré.
Pourtant, le taux de croissance
reste encore l’alpha et l’oméga de l’action politique.
Oui. Le
référentiel des 30 Glorieuses est toujours présent, et c’est effrayant. Les
responsables politiques ont 40 ans de retard.
Mais ils se font élire en
s’engageant à rétablir la croissance.
Plus
vraiment. Ceux qui se font élire aujourd’hui sont des gens haineux, qui veulent
mettre en l’air tout le système : Trump, Salvini, Le Pen, Bolsonaro… En
Bavière, la CSU alliée à Merkel risque de perdre 15 points aux prochaines
élections, alors qu’il y a 3% de chômage [la CSU a finalement perdu 10 points].
Le gouvernement social-démocrate de République Tchèque a perdu les élections à
cause de la question migratoire, alors qu’il n’y a quasiment aucun migrant
là-bas. Cette vague folle montre selon moi que les électorats n’ont plus la
croissance comme imaginaire.
Les grandes
dégradations ont déjà démarré.
Comment parler à ces électeurs ?
Les gens
votent parce qu’ils ont peur des immigrés. Il faudrait leur dire que s’ils
perpétuent cette société consumériste, ils ne feront pas face à 1 million
d’immigrés, mais à la guerre et des centaines de millions d’immigrés. Allons
sur leur terrain et disons-leur que s’ils étaient cohérents avec eux-mêmes, ils
commenceraient par rendre la société plus écologique avant de construire des
barrières.
On vous croirait presque optimiste.
Je ne sais
pas s’il faut parler d’optimisme ou de pessimisme, mais on a toutes les raisons
de croire que l’effondrement se rapproche. Les grandes dégradations ont déjà
démarré, et l’actualité internationale montre qu’on se situe déjà dans une
période de destruction de l’héritage démocratique. Les décennies à venir seront
très difficiles et toutes ces difficultés vont s’accumuler sur des populations
qui ont été habituées à des modes de vies plus agréables. Ça ne sera pas
simple. Mais l’humanité ne peut durer que si elle se réforme, et ce changement
de civilisation doit nous amener à conserver le meilleur de la civilisation
passée.
lundi 3 décembre 2018
LA FIN D'UN MONDE (5)
LA FIN D’UN MONDE (5/6) - Entre écologie et confort de
vie, le paradoxe scandinave (lu sur LCI).
PARADOXAL - Régulièrement vantés pour leurs politiques
écologiques et leur volontarisme en matière de défense de l’environnement, les
pays scandinaves n’en demeurent pas moins de (très) gros consommateurs de
ressources. Focus sur le cas de la Suède, un "modèle" pas si
exemplaire.
Difficile
de faire mieux, en apparence. Alors que la France reste à la traîne en matière
de recyclage sur le Vieux continent, la Suède, à l’instar de ces voisins du
Nord, ferait rêver tout écolo pratiquant. À Helsingborg, ville du sud du
royaume, par exemple, on retrouve pas moins d’une dizaine de contenants différents
dans chaque local poubelle.
Verre
coloré, verre transparent, plastique léger, plastique épais, journaux et
magazines, carton, piles, appareils électriques, compost, tout-venant…
Impossible (ou presque) de se tromper au moment de trier ses détritus ! Des
déchets qui seront ensuite "valorisés" une fois sortis de la benne.
Les Suédois affichent, selon Eurostat, un taux de recyclage enviable de près de
50% - contre 25% pour la France -, au-delà de la moyenne de 40% dans l'UE.
Reste que
la Suède et ses 10 millions d’habitants, comme les autres pays scandinaves,
sont confrontés à un problème de taille : s’ils sont réputés pour leurs
politiques volontaristes en faveur de l’environnement, sur le recyclage, donc,
mais aussi les énergies vertes - avec plus de 50% de renouvelable, ils
devancent largement leurs objectifs de 2030 sur la transition énergétique - ou
la préservation de la nature en général, ils n’en demeurent pas moins
d’importants consommateurs de ressources. De très gros consommateurs.
En atteste
leur position dans le classement de l’ONG américaine Global Footprint Network
(GFN), qui dévoile annuellement son désormais célèbre "jour
du dépassement", moment où l’humanité vient à bout de ce que la
planète peut lui offrir. Une date fatidique atteinte
le 1er août 2018 cette année au niveau mondial.
Au "sommet" de la
consommation de ressources
Danois,
Norvégiens, Suédois et Finlandais figurent en effet parmi les mauvais élèves
européens, franchissant ce seuil au bout d’un trimestre seulement : le 28 mars
au Danemark, le 4 avril en Suède, le 11 avril en Finlande ou encore le 12 avril
en Norvège. En comparaison, le jour du dépassement intervient le 5 mai en
France, le 15 mars aux États-Unis ou le 9 février - record absolu - au Qatar.
Pour
arriver à ce constat, l’ONG compare l’empreinte écologique d’une population
donnée, avec la biocapacité du territoire concerné, c’est à dire l'ensemble
de ses
ressources renouvelables. Un savant calcul exprimé en "hectares
globaux" ("global hectare", gha) dont le résultat permet
d’établir un déficit ou, à l’inverse, un excédent. Parfois critiqué pour
son simplisme, l’indicateur permet toutefois, selon l’ONG, de rendre plus
accessibles des données complexes et légèrement indigestes. Mais aussi de
mettre en lumière des cas particuliers.
Avec leurs fortes empreintes
écologiques par habitants, le Danemark (9e), la Suède (15e), la Finlande (18e)
et la Norvège (19e) font partie des plus importants consommateurs de ressources
de la planète.
Ainsi,
malgré leur propension à consommer (voir la carte ci-dessus), les Suédois
présentent une situation excédentaire.
Et là réside tout le paradoxe. "Les pays scandinaves sont très riches en
biocapacité", nous explique Mathis Wackernagel, président-fondateur de
GFN, considéré comme le co-inventeur du concept d'empreinte écologique.
"La Suède, par exemple, dispose de nombreuses forêts (23,9
millions d'hectares, soit plus de 53% du territoire, ndlr) qui,
mécaniquement, accroissent ses réserves." Riche de ses terres, la
Suède est par ailleurs faiblement peuplée, ce qui augmente, là aussi, les
ressources disponibles par habitants.
"Cela
pourrait revenir à dire qu'il s'agit d'une très grande ferme. Sauf que, quand
on a une très grande ferme, on consomme beaucoup", poursuit-il. "Les
Suédois ont des maisons secondaires, des logement bien isolés, mais qui doivent
faire face au froid, ils aiment voyager en avion, manger de la viande, vivre
confortablement, ils ont de grosses Volvo…" Un inventaire qui n'a rien
d'exhaustif mais témoigne de l'étendue du problème.
Des besoins équivalents à quatre
planètes Terre
L’exemple
automobile a le mérite d'être révélateur. De fait, dans les rues de la plupart
des cités du Nord, si vélos et piétons sont visibles de toute part, c’est bien
la succession d'imposantes berlines, de breaks, de SUV et d'autres 4x4 qui
interpelle. À Helsingborg toujours, il suffit de se promener en ville pour
apercevoir, au pied des immeubles en brique typiques, comme des imposantes
villas, ces véhicules ô combien énergivores et polluants que les Suédois
plébiscitent pour leur confortable robustesse. À en juger par les voitures en
circulation ou celles sur les places de parking, les petites citadines n'ont en
tout cas pas la cote.
Preuve de
ce goût des Nordiques pour les véhicules XXL, la Golf de Volkswagen apparaît
comme la voiture la plus légère du top 10 des modèles les plus vendus dans le
pays en 2017, d'après le quotidien suédois Expressen. Un classement dominé par le
XC60 de Volvo et dans lequel les grosses cylindrées ont la part belle.
XC 60 : un peu plus de 42 000 euros
D’après
les derniers chiffres officiels, le pays compte au total plus de 11,4 millions
de véhicules, dont près de 7 millions de voitures personnelles - dont 61.484
(0,88% du total) sont
équipées de moteurs hybrides (46.901) ou complètement électriques
(14.583) - pour 4,6 millions de ménages, soit 1,5 voiture par foyer. Rien
d’excessif d’un point de vue occidental, d'autant qu'une taxe carbone mise en
place dans les années 1990 permet de financer la transition énergétique, mais
largement trop néanmoins d’un point de vue global. Et pour cause : si
l’ensemble de la population mondiale vivait comme des Suédois, près de quatre
planètes Terre seraient nécessaires.
"En
Suède, en raison de leur relative abondance, la question des ressources ne fait
pas forcément peur. Mais il serait impossible de reproduire ce style de vie à
l’échelle de l’humanité", reprend Mathis Wackernagel, président-fondateur de Global Footprint Network. Serait-ce le signe
d’une forme d’égoïsme des Scandinaves ? D’une sorte d’"autocentrisme"
?
Le
président du GFN y voit plutôt un effet de "moral licensing" (ou
"self-licensing"), un concept utilisé en psychologie sociale -
également appelé "effet
de compensation morale" - par lequel un excès de confiance en soi, en ses
agissements, entraînerait un tas de mauvais comportements. "Cela revient à
dire : 'Puisque je vais au bureau à vélo, je m’autorise à prendre l’avion.' On
se donne bonne conscience." Des invraisemblances qui ne datent pas d'hier.
Comme l’écrivait déjà au XVIIe siècle l'auteur anglais Gabriel Harvey, "le
vice s'enveloppe dans le manteau de la vertu".
En route vers le "désastre"
?
Bons
élèves de prime abord, souvent érigés en modèles "verts", les pays
scandinaves se révèlent en fait pas si exemplaires. Et si tout n’est pas à
jeter, loin de là, la nature y étant largement choyée, ou du moins considérée,
leur façon de fonctionner pousse à s’interroger. "Est-ce que tout cela va
s’arrêter par dessein ou par désastre ?", feint de se demander Mathis
Wackernagel, avouant d'emblée qu'il penche plutôt pour le désastre.
S’il
rejette les injonctions "moralistes", préférant les encouragements
aux critiques, l'expert de la durabilité insiste néanmoins sur l’impossibilité
de respecter les objectifs de l’accord de Paris pour le climat sans
changement radical, en particulier concernant les énergies fossiles, dont il
faudrait se passer au plus vite. En tout cas bien avant 2050, date arrêtée lors
de la COP 21. "Ignorer ces questions pourrait bien s’avérer fatal. Pas
dans l’immédiat mais à long terme."
Si on veut le bonheur de nos enfants, il faut
sérieusement envisager le problème de l'accroissement de la population
mondiale. Mathis Wackernagel, président-fondateur de Global Footprint Network
Mais, dès
lors, comment s’en sortir ? "Le plus important reste bien entendu que
chacun puisse vivre au mieux. Mais produire toujours plus de valeur va devenir
difficile", estime Mathis Wackernagel, qui, comme d’autres spécialistes du
sujet, plaide pour la prise en compte d’autres référentiels que la seule
croissance économique.
Parmi
ceux-ci, l'accroissement
de la population mondiale revêt à ses yeux d'une importance capitale.
"Si on veut le bonheur de nos enfants, il faut sérieusement envisager le
problème. Comment ? Notamment par des investissements en faveur des femmes,
afin qu’elles puissent avoir les mêmes chances que les hommes, sans avoir à se
soucier de la natalité. C’est une question de préservation." En
s'inspirant, cette fois, de la Scandinavie, terre de parité à la pointe en
termes de droits des femmes, l'espoir n'est peut-être pas encore perdu...
dimanche 2 décembre 2018
LA FIN D'UN MONDE (4)
LA FIN D'UN
MONDE (4/6) - Qui est Pablo Servigne, apôtre de l'effondrement et père de la
collapsologie ?(lu sur LCI).
ÉLECTROCHOC - Depuis "Comment tout peut
s'effondrer", paru en 2015, ce docteur en biologie de 40 ans est présenté
comme l'apôtre de l'effondrement. Ses idées infusent au sein d'une génération
sensibilisée aux questions environnementales, sans pour autant avoir
l'expérience des luttes écologiques passées. Portrait du père de la
collapsologie.
Sa
profession : collapsologue. Ou, pour le dire plus simplement, théoricien du
déclin de notre civilisation. Le travail du docteur en biologie Pablo Servigne
consiste à décortiquer les ressorts d'un possible effondrement de notre société
fondée sur un système industriel planétaire. Non pas dans plusieurs siècles,
mais de notre vivant.
Dans le
remarqué Comment tout
peut s'effondrer (Seuil, 2015), lui et son co-auteur Raphaël
Stevens dépoussièrent, dans un même mouvement, des concepts issus des luttes
écologiques de ces quarante dernières années et signent l'acte de
naissance d'"une véritable science appliquée et transdisciplinaire"
qu'ils décident alors de nommer, "avec une certaine autodérision", la
"collapsologie".
Avec ses
faux airs de Che Guevara de la lutte écologique, le scientifique de 40 ans est
devenu la figure de proue d'un mouvement dont les idées infusent notamment au
sein d'une génération sensibilisée à la cause écologique. Le mois dernier,
juste après le dernier rapport alarmiste des experts du Giec, Pablo Servigne
est apparu aux côtés d’une vingtaine de youtubeurs pour encourager chacun à
trouver un moyen d'agir en menant des actions concrètes pour limiter le
dérèglement climatique.
"C’est
déjà catastrophique, mais il n’est pas trop tard pour éviter que ce soit encore
pire", soutient ainsi Pablo Servine. Le déclic, le chercheur lui,
l'a eu il y a dix ans. Le 30 octobre 2008, plus précisément.
La prise de conscience
Ce
jour-là, le chercheur, alors âgé de 30 ans, quitte le monde universitaire après
avoir soutenu une thèse sur les mécanismes d'entraide chez les fourmis
arboricoles en Guyane. Au même moment, la finance mondiale s’effondre. La
banque d’investissement Lehman Brothers fait faillite et entraîne dans sa chute
la bourse américaine et toutes les bourses mondiales. L’effondrement,
justement, celui de notre monde, une quasi réalité à laquelle le jeune
scientifique décide alors de s’attaquer. Pablo Servigne s’engage dans
l’éducation populaire, en Belgique.
Il anime,
en tant qu'ingénieur agronome, des ateliers et développe un pôle de recherches
au sein de l’association Barricade, à Liège. Le chercheur se rend ensuite dans
la capitale belge, enchaîne les boulots dans l’économie solidaire et sociale.
Il y côtoie les milieux anarchistes, les punks, les squats. Le scientifique
découvre également avec enthousiasme le mouvement de la Transition initié par
Rob Hopkins, un enseignant anglais en permaculture, dont le livre vient alors
de paraître. L'activiste y défend l'idée d'une transition nécessaire et
incontournable vers un monde sans pétrole, en suggérant de s'y préparer à
travers des actions locales positives. Il trouve, en ce pionnier de l'écologie,
un véritable mentor.
De l’effondrement à l’entraide
C'est
aussi à cette époque qu'il fait la rencontre de Raphaël Stevens. Tous deux
nourrissent l'ambition de changer le monde. "Au début, ça n’a pas été
facile, on nous prenait pour des fous. Il a fallu que Pablo Servigne soit
invité au Parlement européen, pour qu’on commence à le prendre au
sérieux", se souvient cet ingénieur en biomimétisme de formation
spécialiste des questions de résilience. L'ancien ministre de l'Environnement
et député européen, Yves Cochet, qui a signé la préface de son premier
livre Nourrir
l'Europe en temps de crise : vers des systèmes alimentaires résilients (Acte
Sud, 2014) ne tarit pas d'éloges sur l'homme.
Il a fait
la rencontre de Pablo Servigne à l'Institut Momentum, un cercle de réflexion
fondé sur le constat que "nous vivons aujourd'hui la fin de la période de
la plus grande abondance matérielle jamais connue au cours de l'histoire
humaine". C'est également lui qui a invité le chercheur au Parlement
européen pour présenter ses travaux. Il se souvient notamment avoir été marqué
par le "magnétisme" du scientifique. "Pablo est bibliopathe, un
boulimique d'études scientifiques. Au-delà de son bagage universitaire, il
porte en lui une flamme. Ce que j'appelle l'intelligence de la jeunesse. Quand
il parle, les gens l'écoutent", souligne l'ancien ministre de
l'Environnement. Une première étape avant la politique ? Pas à en croire Yves
Cochet.
Un mode de vie alternatif
Difficile
pourtant, quand on est abreuvé de fictions dystopiques, d'envisager avec
sérénité un monde post-effondrement dans lequel l'entraide et la culture des
tomates permettraient à l'humanité de survivre. Ses détracteurs lui reprochent
son côté gourou. Le scientifique expose, dans la conclusion de son dernier
livre, Un autre fin
du monde est possible (Seuil, 2018), qu'il se considère comme
"vivaliste" : un mélange d'entraide, de résilience locale et de
retour à la nature qui permettrait l'indépendance alimentaire, notamment grâce
à la permaculture - une méthode dont l'objectif est de produire une nourriture
saine, sans utiliser de pesticides, d'engrais chimique ou de pétrole.
Cette
sagesse pour un monde au bord du gouffre consiste, grosso modo, à tenir ce
discours : conscients que nous n'échapperont pas au pire, que quantité d'horreurs
et de convulsions s'abattront bientôt sur la planète, cultivons en nous la
compassion, l'altruisme. Ce citadin de souche a choisi d'habiter à la campagne,
dans la Drôme, pour ses deux enfants. "On ne voulait pas qu’ils
grandissent en ville dans le béton", confiait-il récemment à nos confrères
de 20 minutes.
Avec sa compagne, ils ont fait le choix d’acheter un habitat léger.
"Maintenant que je publie, je peux demander un peu plus pour mes
conférences. Ça me permet de faire moins de conférences et de gagner du temps à
la maison pour m’occuper des poules, du potager, des enfants."
samedi 1 décembre 2018
LA FIN D'UN MONDE (3)
LA FIN D'UN MONDE (3/6)
- Effondrement, nucléaire et capitalisme : entretien avec Jean-Marc Jancovici
et Yves Cochet (vu dans LCI).
INTERVIEW CROISÉE - Yves Cochet et Jean-Marc Jancovici
tentent depuis de nombreuses années de sensibiliser l'opinion sur la crise
climatique et énergétique à venir. À partir de ce constat partagé, ils
débattent pour LCI des causes et des conséquences de cet effondrement qu'ils
ont prédit.
Ils
pensent tous deux que le monde se dirige vers une grave crise énergétique et
climatique. Ils pensent aussi que la décroissance, voulue ou non, est notre
horizon. Scientifiques de formation, Yves Cochet et Jean-Marc Jancovici tentent
depuis de nombreuses années d'alerter sur l'impasse dans laquelle nous mène
notre modèle de développement. Pour LCI, ils discutent ensemble des causes et
des conséquences de cet effondrement qu'ils ont prédit.
Mathématicien
et enseignant, Yves Cochet a cofondé les Verts en 1984 puis exercé plusieurs
mandats de député et de député européen entre 1989 et 2014. Ministre de
l'Écologie du gouvernement Jospin en 2001-2002, il préside désormais l'institut
Momentum, un cercle de réflexion sur l'effondrement, la transition et la
décroissance. Il est le premier responsable politique national à avoir
popularisé ces questions.
Ingénieur
et polytechnicien, Jean-Marc Jancovici a cofondé le cabinet Carbone 4, qui aide
les entreprises à opérer une transition post-énergies fossiles. Il est
également enseignant, auteur, conférencier et chroniqueur. Membre de la
Fondation Nicolas-Hulot en 2001, il a participé à l'élaboration du Pacte
écologique et du Grenelle de l'environnement en 2007. Il préside désormais
notamment le think-tank The Shift Project, consacré à la transition
énergétique.
LCI : Partons du constat qui est
aujourd’hui acté par tous, et qui est illustré par le récent rapport du GIEC :
notre mode de vie va changer de gré ou de force, notamment à cause de la raréfaction
des ressources. Jean-Marc Jancovici, vous l’exprimez comme ceci : la planète ne
peut pas tenir si 7 milliards d’humains ont le niveau de vie d’un smicard
français.
Jean-Marc Jancovici : D’abord,
je dis que notre mode de vie a déjà commencé à changer, et de force ! Ensuite
j’ai effectivement dit que l’indicible politique dans cette histoire, c’est
qu’on ne peut matériellement pas fournir – et encore moins durablement - à 7,5
milliards de terriens le même niveau de consommation qu’un smicard français.
LCI : Une fois qu’on a dit ça,
comment peut-on espérer préserver un niveau de confort minimal à l’avenir ?
JMJ : Si l’on
se demande comment préserver quelque chose qu’on ne peut pas préserver, on a
déjà la réponse... La question à laquelle je peux répondre, c’est : que peut-on
préserver de façon durable pour 7 milliards d’individus ? Si l’on ne mange pas
trop de viande, on peut probablement préserver l’alimentation, car l’essentiel
des surfaces végétales servent actuellement à nourrir les animaux. Mais notre
modèle devra s’adapter, car l’agriculture actuelle est une agriculture
"minière" qui doit extraire de la potasse ou du gaz pour fabriquer
les engrais et qui provoque une érosion des sols. Les rendements actuels en
Occident sont permis par les engrais, les tracteurs et les phytosanitaires,
donc par les hydrocarbures, et ce n'est pas durable.
Ensuite,
on ne pourra pas préserver la mobilité motorisée actuelle. Il y a 1 milliard de
voitures aujourd’hui dans le monde, et même si elles ne consommaient que 2
litres aux 100 km, contre 6 à 8 actuellement, c’est encore trop pour durer un
siècle. On ne pourra pas non plus toutes les faire fonctionner à l’électricité,
car l'appel de puissance électrique ne pourra pas suivre, ni la fourniture de
matériaux nécessaires à la construction des batteries. On pourra probablement
garder la quantité actuelle de bâtiments, mais ce sera compliqué de la tripler
ou d’y maintenir tout le confort énergétique.
Enfin, on
ne pourra pas produire autant de biens manufacturés qu’aujourd’hui, ce qui
revient à dire que le prix réel de ces biens (donc le temps de travail
nécessaire pour les acheter) va augmenter. Prenons l’exemple des vêtements. Ma
grand mère était couturière à une époque où, quand on avait un trou à la manche
de sa chemise, on cousait une pièce dessus car l’achat d’un vêtement demandait
un prix réel beaucoup élevé qu’aujourd’hui. Dans un monde sobre, on reviendra à
cela. Le t-shirt à 5 euros en soldes, ce sera terminé. Même chose pour le jouet
en plastique qu’on offre au petit dernier et dont il se sert deux fois.
Quand je
dis que 7 milliards d’humains ne peuvent pas vivre comme un smicard français,
ce n’est pas pour être méprisant. C’est parce que les chiffres montrent que le
monde qui nous attend ne sera pas un monde d’abondance. C’est terriblement
déstabilisant car ça va à l’encontre de l’idée d’une progression matérielle
continue et sans problèmes.
LCI : Yves Cochet, vous partagez ce
constat, et vous avez été l’un des premiers élus à tenir ce discours. Comment
ont réagi les gens quand vous leur annonciez ce monde-là ?
Yves Cochet : Je
partage effectivement ce constat. On peut dire malheureusement que jamais les
Chinois, les Indiens, les Africains ou les Sud-américains ne vivront comme les
Européens de 2018, à cause de la raréfaction de l’énergie et des matières
premières. Une fois qu’on dit ça, l’impasse politique est totale. Malgré
quelques petites prises de conscience récentes - la démission de Nicolas Hulot,
le rapport de Giec ou les sécheresses estivales - je pense que ce déni
perdurera jusqu’à la fin et qu’il n’y aura pas de transition facile. La grande
loi de transition énergétique de Ségolène Royal n’est pas appliquée et comporte
des tares rédhibitoires, tout comme l’accord de Paris. Après 23 ans de
politique professionnelle, je constate que les seules solutions proposées sont
: plus de croissance, plus de technologie, plus de marchés. C’est une pure
folie.
"Le déni ne cessera pas avant
de très gros ennuis car on a inventé un système de pensée qui n’est pas confrontable
au réel"
LCI : Pour vous aussi, Jean-Marc
Jancovici, ce déni perdurera ?
JMJ : J’ajouterais
d’abord qu’avec traité de Lisbonne, l’UE se retrouve probablement avec la seule
Constitution au monde qui impose une recherche de "la croissance".
J’ajouterais aussi que le nouveau "prix Nobel" d’économie, William
Nordhaus, s’est fait connaître en attaquant Dennis Meadows [le premier
physicien et économiste à avoir travaillé sur les limites physiques de la
croissance, ndlr], et en critiquant la lutte contre le réchauffement parce que,
selon lui, elle n’est pas rentable ! Comme on peut le lire dans le livre
"Des marchés et des dieux" du journaliste Stéphane Foucart,
l’économie fonctionne comme une religion, car elle part de professions de foi
non démontrées, et a besoin d’un clergé. Les principes dominants en économie -
qui sont vieux de deux siècles - se basent entre autres sur une "fonction
d’utilité", qui ne s’observe nulle part et qui n’est pas quantifiable…
Comme le concept de "dieu" ! Le déni ne cessera pas avant de très
gros ennuis car on a inventé un système de pensée qui n’est pas confrontable au
réel.
LCI : Cette théorie économique et
cette Constitution européenne sont-elles finalement les composantes de ce qu’on
appelle le capitalisme ?
JMJ : Ce n’est
pas propre au capitalisme. La pensée communiste excluait également
l’environnement, et les soviétiques étaient tout aussi productivistes et
"destructeurs de la planète".
LCI : Alors comment définir notre
système économique ? Peut-on parler d’économie "extractiviste" ?
YC : D’économie
extractiviste en croissance, avec le mythe du progrès continu et indéfini. En
bref, le libéral-productivisme.
"Pour comprendre les effets de
l'effondrement, il faut que nos dirigeants et nous-même soyons touchés dans notre
chair"
LCI : Ce système économique actuel
est aussi caractérisé par la concurrence. Cette concurrence ne peut-elle pas
devenir un obstacle à la transition écologique ?
JMJ : L’ennemi
de la transition écologique, c’est tout ce qui raccourcit l’horizon de temps,
et tout ce qui empêche la prise en compte de l’environnement dans le
raisonnement économique et social. Or, la concurrence et la financiarisation
raccourcissent l’horizon de temps. Dans une société cotée en bourse, le long
terme c’est trop souvent 6 mois, tandis que les actions de lutte contre le
réchauffement se pensent à un horizon de 30 ans, voire d’un ou deux siècles.
Quand l’action de votre entreprise est en concurrence avec l’action du voisin,
vous êtes tétanisé à l’idée de perdre en productivité. D’ailleurs, les grandes
réalisations françaises, comme les fortifications de Vauban, le système
ferroviaire ou hospitalier, n’auraient pas pu se faire dans un contexte de
concurrence. Aujourd’hui, nous avons décidé de faire de la concurrence l’alpha
et l'oméga de la construction européenne, mais c'est une erreur que nous allons
payer cher.
LCI : Yves Cochet, vous avez été élu
européen. Comment changer ce cadre économique qui empêche la transition
écologique ?
YC : C’est très
difficile dans le cadre européen, parce que l’idéologie libérale-productiviste
est profondément ancrée et parce qu’on manque d’une idéologie de remplacement
vue comme crédible par tout le spectre de l’opinion. Je pense qu’on va vers le
pire car, pour comprendre les effets de l'effondrement, il faut que nos
dirigeants et nous-même soyons touchés dans notre chair par ceux-ci. Il ne
suffit pas de lire un article ! Il faut le vivre concrètement à travers
nous-mêmes et nos enfants. Quand ce sera le cas, il sera trop tard, car l’état
politique de l’Europe se sera déjà dégradé.
"Si l’on cherche le pays le
plus résilient en Europe, je pense que c’est l’Albanie, parce que 40% de ses
paysans n’ont pas de tracteurs"
LCI : Ne pensez-vous pas qu’au
moment de cet effondrement, les dirigeants et les plus riches parviendront à
conserver leur confort et leurs intérêts ?
Y.C : Je pense
qu’au moment de l’effondrement, qui interviendra pour moi plutôt avant 2030
qu’avant 2050, les riches ne pourront pas s’isoler du reste de la population et
continuer comme si de rien n’était. Dans cet effondrement rapide, qui peut
intervenir en quelques mois, peut être que seule l’armée tiendra plus longtemps
car elle dispose de stocks d’à peu près tout : essence, nourriture, etc. Mais
pas Emmanuel Macron ou Bernard Arnault, qui sont trop dépendants de l’économie
mondiale. D’ailleurs, si l’on cherche le pays le plus résilient en Europe, je
pense que c’est l’Albanie, parce que 40% de ses paysans n’ont pas de
tracteur... Quand les nôtres ne pourront plus marcher, les Albanais sauront
comment faire autrement.
JMJ : Si on
regarde les indicateurs matériels, la décroissance a commencé en Europe en
2007. Les tonnes-kilomètre en camion, les surfaces de bâtiments construites, le
nombre de séjours au ski ont atteint leur maximum historique en 2007. Ces
indicateurs ont chuté jusqu’en 2014, puis légèrement remonté grâce à l’arrivée
du pétrole de schiste américain qui a réalimenté le marché mondial, car
davantage d’énergie, c’est davantage de machines en fonctionnement et un PIB
qui remonte.
Mais la
hausse actuelle du prix du baril de pétrole suggère que la hausse de la
production s'essouffle. D’ailleurs, j’ai constaté que le prix du baril en
monnaie locale pour de nombreux pays importateurs a déjà dépassé son niveau de
2014. On se dirige vers une crise semblable à celle de 2008, avec des niveaux
de dette équivalents voire supérieurs.
LCI : Pensez-vous comme Yves Cochet
qu’un effondrement politique précèdera l’effondrement économique ?
JMJ : Les deux
vont un peu de pair. Pour moi, l’effondrement politique a déjà commencé sans
qu’on le désigne comme tel. L’élection de Trump, le Brexit, les élections
italiennes et même la crise en Catalogne sont selon moi des marqueurs précoces
de cet effondrement, tout comme le sont les intentions de vote pour Marine Le
Pen aux prochaines élections européennes. Les élites urbaines - dont nous
faisons partie - ne voient pas ce qui se passe car nous calculons le PIB de
telle sorte qu'il continue d’augmenter, mais une fraction croissante de la population
se retrouve exclue.
LCI : Selon vous, comment cet
effondrement se manifestera en France ?
JMJ : Quand un
pays se retrouve en situation de contrainte énergétique, c’est à la périphérie
des villes, où se concentrent les premiers perdants de l'affaire, que la
désagrégation s’exprime le plus fortement. C’est dans ces zones que le vote
contestataire, en faveur de gens qui veulent "casser le système", se
développe le plus. Quand ces perdants seront suffisamment nombreux, il finira
par se passer quelque chose, je ne sais pas quoi. Mais ça se passera avant que
tout le monde ne crève de faim.
"Yves et moi avons en commun de
penser que le nucléaire n’empêchera pas la chute blobale"
LCI : Vous parlez de
"contrainte énergétique". Quelle place accorder au nucléaire pour se
préparer à une telle situation ? Vous n’êtes pas vraiment d’accord tous les
deux sur ce point.
JMJ : Yves et
moi avons en commun de penser que le nucléaire n’empêchera pas la chute
globale. Personnellement, je ne suis ni d’accord avec les pro-nucléaires qui y
voient un moyen de parer à toute pénurie, ni avec les anti-nucléaire qui
exagèrent ses inconvénients techniques et sanitaires. Je pense juste que le
nucléaire est un amortisseur bienvenu de la contraction : sans lui, on se
cogne plus fort dans le mur, mais je ne sais pas à quel point ! Le nucléaire
sert aujourd’hui à concurrencer le charbon. Or, plus longtemps on recourt au
charbon dans l’électricité, plus vite on détruit le système climatique, qui a
permis le développement de la civilisation. C’est donc au nom d’un arbitrage
entre les risques que je souhaite avoir davantage recours au nucléaire dans les
pays qui connaissent déjà cette technologie. Mais le nucléaire n’évitera pas la
sobriété, qui reste le premier déterminant de ce qu'il faut faire.
YC : Contrairement
à Jean-Marc, je ne pense pas que le nucléaire amortira la chute. Si je sors du
raisonnement économique, le nucléaire ne peut fonctionner selon moi que dans
des sociétés stables, démocratiques et très technologiques. Ces trois
conditions sont nécessaires pour la gestion des déchets nucléaires, dont la
radioactivité dure plusieurs dizaines de milliers d’années. Or, qui peut parier
sur le fait que la France, ou l’Europe, conserve la même stabilité, le même
niveau technologique et le même système démocratique dans le contexte de crise
qui marquera le 21e siècle, et possiblement le 22e siècle ?
JMJ : Je suis
d’accord avec Yves sur ces objections, mais si l’on se place dans le cas de
figure où nos sociétés sont incapables de maintenir un niveau technologique
suffisant pour conserver du nucléaire, les problèmes liés au nucléaire ne
seront rien par rapport aux problèmes généraux auxquels nous seront confrontés…
Dans une nouvelle d’anticipation que j’ai écrite pour L’Expansion en 2005, j’imaginais
le monde en 2048 comme un régime totalitaire. Je pense en effet que la
contrainte énergétique implique le retour du totalitarisme, car la démocratie
ne sait pas gérer la rareté. Elle ne sait que gérer que la liberté pour tous,
donc l’abondance. La démocratie moderne est d’ailleurs née dans des mondes en
croissance, aux 17e et 18e siècles.
YC : Si l’on se
retrouve dans l’instabilité, voire dans la barbarie ou le chaos, le
détournement de matériaux fissiles devient une possibilité. Sachant qu’il y a
plusieurs tonnes de plutonium dans le centre de retraitement nucléaire de La
Hague, imaginez ce qu’entrainerait une défection des services publics comme
celle qui a eu lieu aux États-Unis pendant l’ouragan Katrina. Ou ce
qu’entrainerait l’arrêt du refroidissement des piscines de La Hague.
"Si l’on dit aux gens de passer
tout de suite à l’action, sans en expliquer la justification, ils vont changer
2 ampoules pour être en paix avec leur conscience"
LCI : Vous travaillez tous les deux
comme conseillers auprès de publics différents - des militants ou des
entreprises. Que conseilleriez-vous à ceux qui ont la main sur la politique
énergétique française ?
YC : Il
faudrait présenter aux dirigeants un "crash program" de descente
énergétique rapide. Mais quand on voit la contestation qu’a suscitée le passage
aux 80 km/h, imaginez un décret qui passerait la vitesse maximale à 30 km/h en
ville, 60 km/h sur route et 90 km/h sur autoroute ! Politiquement, c’est un
suicide. Face à une grève des routiers et des agriculteurs, le gouvernement ne
peut pas tenir. Je l’ai vu quand j’étais ministre de l'Aménagement du
territoire et de l'Environnement. Et ce n’est qu’une mesure parmi cent.
LCI : Que diriez-vous à un lecteur
qui vient de découvrir votre pensée ?
YC : Je lui
dirais d’aller militer dans une association écologiste, il y en a plein de
bonnes. Ou de lire les livres de Jean-Marc !
JMJ : Moi, je
dirais plutôt : "Documentez-vous !" Je pense qu’on ne croit qu’en ce
dont on s’est convaincu soi-même. Si l’on dit aux gens de passer tout de suite
à l’action, sans en expliquer la justification, ils vont changer deux ampoules
pour être en paix avec leur conscience et rien d’autre. Donc je dis aux
lecteurs de LCI : documentez vous sur ce défi. C’est désagréable, mais c’est passionnant.
YC : Et ne
restez pas seul ! Discutez-en avec vos proches et votre famille. Il ne faut pas
perdre l’idée de la solidarité en route.
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