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jeudi 24 novembre 2011

apprendre et persévérer

Dans son livre "Eloge de la faiblesse", Alexandre Jollien explique comment il a "quelque peine à coordonner ses mouvements, que sa démarche est hésitante et qu'il parle lentement", séquelles d'une asphyxie à la naissance. Termes mesurés pour parler de lui même. Il va commencer dès 4 ans de multiples thérapies.
Quand on le voit aujourd'hui, on est loin d'imaginer tout le chemin qu'il a pu faire.
Ainsi il explique le nombre d'exercices qu'il a du faire pour dépasser son handicap : apprendre à s'asseoir, à tenir  une fourchette, un couteau, sans se blesser. S'exercer à marcher, c'est à dire passer du quatre pattes au "bipède" comme il dit, ce qui lui a pris des années. D'abord s'appuyer sur une table, un truc qui roule ou que l'on déplace, puis sans rien.

Que d'efforts, que de gestes répétés, que de recommencements, que de désillusions, que d'espérance repoussée... pour arriver à s'approcher d'une "normalité" vivable. Je n'imaginais pas tout ça en le voyant cet été à l'enterrement d'Arnaud Desjardins.
Il n'y a pas ce qui lui reste à faire pour être comme la plupart d'entre nous, ce qui n'est pas possible, mais tout ce qu'il a fait pour s'en sortir, et d'abord croire que c'est possible.

Je lisais dans un autre livre il y a quelque temps, l'explication d'un guide à un élève, sur le fait que le bébé qui se met à marcher tombe des centaines de fois, mais persiste jusqu'à ce qu'il arrive à se tenir debout, puis à marcher. Vous vous souvenez de ça? Moi pas.

Qu'est-ce à dire?
Un certain nombre de choses sont naturelles, comme de marcher par exemple, mais demandent en réalité efforts et persévérance. Et on l'oublie, parce que c'est quasiment inscrit en nous. Apprendre à manger sans ses doigts, à faire du vélo, à nager, ou je ne sais quoi, est sans doute moins difficile, car la motricité est lancée.
Qui a eu à se battre vraiment pour y arriver?

"Eloge de la faiblesse" me fait penser au livre de Boris Cyrulnik "Un merveilleux malheur". Au niveau du titre.
Rendre éloge à la faiblesse n'est pas conventionnel, de même que de dire d'un malheur qu'il est merveilleux semble incompréhensible.
Mais que cachent ces paradoxes? Quelle expérience? Unique, mais révélatrice...
Dépasser ses faiblesses, s'appuyer sur son "malheur" pour accéder à autre chose, est de la grandeur finalement, une grandeur d'âme qui fait croire au possible.
Et nous, qui pour la plupart n'avons pas vécu ce genre d'expérience, quel est notre possible?

5 commentaires:

anne a dit…

Notre possible est immense.
Car nous portons tous des limitations, de part notre humanité.

Oliver a dit…

J'ai vécu ce genre de difficulté avec une main dont j'avais perdu la motricité. Il faut réapprendre,et comme on n'y parvient pas à 100%, cette main nous rappelle sans cesse l'origine : l'accident. Mais les difficultés aident à soulever le voile, et à trouver la vérité. Au final, je ne regrette rien.
Avec toute ma sympathie, Oliver

Anonyme a dit…

Mon témoignage:
Prof de sport je comptais énormément sur mon corps , quand je suis tombé paralysé pour une raison inexpliquée par la médecine officielle. J'ai dû tout ré-apprendre : à respirer seul , à me tenir debout , à marcher , et à courir . Cette expérience aujourd'hui heureuse puisque j'ai retrouvé la motricité me donne l'occasion de partager. Cette période a été une opportunité de croissance hors du commun. La dimension d'humanité , mon regard sur le handicap , l'ouverture à l'humilité de devoir se faire aider ... pour tout ! et accepter d'être soutenu , accompagné, encouragé , stimulé et aimé dans le handicap ... Tout cela est un résumé exhaustif.
La plus belle expérience au-delà de tous ces aspects a été l'ouverture du coeur et la gratitude pour toutes les personnes qui m'ont accueillies avec cette limitation , et au final rendre grâçe pour la reconstruction des schémas moteurs qui m'ont permis de recouvrer le schéma corporel.

Sabine a dit…

Merci pour vos commentaires... éloigner les limites et les frontières...

yannick a dit…

Oui Anne, notre humanité comme tu dis, quel beau mot.
Les difficultés aident à soulever le voile, ô que oui Oliver.
Merci anonyme pour votre témoignage rare, et vos quelques phrases si précieuses.
Coucou Sabine.