À contre-pied. Depuis un demi-siècle, Alain Richard, qui vit aujourd'hui à Toulouse, joue au chat et à la souris avec les dictateurs, les gouvernements et les patrons sans scrupule. À 85 ans, ce stratège de la lutte asymétrique contre l'injustice brandit la non-violence comme une arme universelle au service des hommes de bonne volonté, et ne rate jamais une occasion de dénoncer les atteintes à la dignité humaine qu'il croise sur son chemin. « Lorsqu'il se produit des injustices sur lesquelles je vois qu'il est possible d'agir, je me mets facilement en action ».
C'est comme ça qu'un soir d'octobre 2007 il s'est retrouvé, place du Capitole debout dans un cercle de silence qui depuis a fait beaucoup de bruit. Une heure sans parler chaque dernier mardi du mois pour dénoncer les conditions d'internement des étrangers sans papier au centre de Cornebarrieu : au milieu du concert de protestations soulevé par les interpellations d'étrangers, la technique de base de la non-violence « qui consiste à prendre les gens à contre-pied » fonctionne à plein. Une centaine de cercles du silence se sont ouverts dans d'autres villes de France, « et on continuera tant qu'on pourra le faire. »
Pour Alain Richard, ces cercles silencieux ne sont finalement que le dernier avatar en date du combat de toute une vie mené auprès des plus pauvres d'Europe, des États-Unis, d'Amérique centrale et d'Asie. Car même s'il récuse le terme, au nom d'une « non-violence ouverte à tous » frère Alain est un professionnel de l'action pacifique. Prêtre-ouvrier dans les années « 70 », il quitte le bureau d'architecte dont on venait de lui confier les rênes pour devenir travailleur à la journée dans la métallurgie dans un quartier pauvre de Chicago. « Le secteur était alors tenu par 18 compagnies de négriers ». Au début des années « 80 », il fabrique des carcasses d'abat-jours dans les bas-fonds d'Oakland. « Et un jour où j'organisais un jeûne pour la paix en Amérique centrale, j'ai été contacté pour participer à la création des brigades de la paix au Guatemala. »
Pragmatique, le frère Alain découvre rapidement « que pour pratiquer une non-violence vraiment efficace, il faut des gens formés, ce qui prend d'ailleurs moins de temps que de former un soldat. » Pendant dix ans, il initie donc des militants du monde entier à la non-violence active au sein de Pace e Bene, une organisation américaine qui, forte de ses 25 000 membres « démontre que la non violence tire sa force du grand nombre de gens qui la vivent et sont fidèles à son éthique. »
Formé auprès de Lanza del Vasto
L'éthique de la non violence, « c'est d'abord de combattre l'adversaire pour ce qu'il fait. Mais de le respecter en tant que personne. » Le dialogue reste ouvert mais l'affrontement est sans merci. A 85 ans, Frère Alain rit encore comme un enfant lorsqu'il évoque les policiers consignés dans leur caserne, et la fuite du président guatémaltèque hors de Guatemala City le jour d'une manifestation organisée au début des années « 80 » par les familles des disparus sous la dictature. Aujourd'hui, le vieux frère formé auprès de Lanza del Vasto, et d'autres « géants » de la non-violence dans la mouvance de Gandhi ou de Martin Luther king, ne s'embarrasse plus de précautions inutiles. Pour lui les centres de rétentions sont bien des prisons. Et son sourire se transforme instantanément en colère lorsqu'il évoque « la circulaire scandaleuse qui demande aux gens de dénoncer leurs voisins s'ils hébergent un sans papier. On m'a cité des exemples de dénonciation d'un voisin ou d'un camarade de travail. C'est affreux. » Heureusement, « il y a des gens qui bougent. Ils ne sont pas toujours prêts à passer à l'action en acceptant par exemple de cacher chez eux des étrangers qui en ont besoin. Mais il y a aussi de tous petits engagements beaucoup plus simples, tels que d'accompagner un étranger au tribunal, qui sont très utiles. »
Article tiré de LADEPECHE.fr
Il dédicacera son livre à la librairie MOLLAT à Bordeaux le 21 janvier à 18 H.
2 commentaires:
merci !
oui ... merci !
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