On ne sait jamais vraiment ce que vit l'autre, ce que vivent les autres.
L'autre jour, j'étais à une réunion qui se passait chez une personne vivant sur un fauteuil spécial avec un appareil l'aidant à respirer. Il peut y avoir une vraie difficulté à accepter une situation, disons peu ordinaire, qui fait que pris par l'émotion de la projection, on alourdit encore plus l'ambiance. Le mieux est sans doute de rester le plus possible soi même J'ai découvert que non seulement j'étais plus attentif à ce que je ressentais, mais du coup la vigilance pouvait s'affiner. Apprendre à ne pas détourner le regard...
Qu'est-ce que je peux savoir de ce que vit cette personne? Rien! Je peux bien sur supposer que je le vivrais mal si je me retrouvais du jour au lendemain ainsi. Mais c'est du discours mental.
Il y a inévitablement une suite de situations. Comment je me situe là maintenant?
Il y a plein de gens qui apparaissent normaux, mais qui en réalité sont dans d'énormes difficultés d'acceptation de leur situation, et se font un sang d'encre.
Qu'est-ce qui fait que pour certains la vie est dure objectivement, mais qu'en plus ils se sentent incapables de faire face ou de surmonter quoique ce soit, et finissent par tout aggraver? Il y a des personnes qui ont tendance à voir tout noir, et deviennent incapables de jouir de la vie. On peut imaginer combien ces gens ne voient pas le monde, mais "leur" monde uniquement. Pour certains cela peut vraiment devenir pathologique.
Mais où commence le pathos? Qu'est-ce qui déclenchera, ou pas, la guérison?
Ce soir je viens d'apprendre la mort d'un cousin. Mort par suicide. Combien faut-il se sentir perdu pour arriver à un tel acte! Ne plus pouvoir vivre avec soi même. Ne plus pouvoir vivre tout court... C'est un réflexe normal de penser au suicide, à la mort, quand on a l'impression d'être tellement dépassé par la souffrance occasionnée par certains évènements, surtout lorsque l'on est jeune.
La souffrance est certainement la chose la plus partagée par les êtres humains. Comment se fait-il que l'on en parle pas plus? C'est bien le premier constat de la voie bouddhiste pourtant.
Je me souviens d'une phrase prononcée par une amie, disant : "Je ne sais pas comment font les gens qui ne sont pas engagés sur une voie?" Elle traversait elle même quelques difficultés à ce moment là.
Avant de découvrir "qui l'on est vraiment" comme disait Douglas Harding, il s'agit déjà pour beaucoup de ne pas être détruit ou abimé.
Notre plus grande tâche est bien de se guérir soi même, afin d'apporter un tant soi peu de réconfort à ceux qui ne l'envisagent même pas.
5 commentaires:
Bonjour Yannick, ton billet m'a bien intéressée, dans sa globalité.
Je m'arrête sur la douleur dont on parle si peu en effet, et qui est pourtant présente pour ainsi dire en permanence et tellement criante parfois. Je suis souvent surprise, si je l'évoque au cours d'une discussion, de voir une forme de déni (de mon point de vue bien sûr) chez ceux avec qui je parle, au point de sentir qu'on me renvoie l'image de quelqu'un qui a du mal à vivre (alors que je me sens incomparablement vivante depuis que je vis dans plus de vérité).
Il me semble bien que la douleur est un tabou, ou une "grossièreté" !
Bonjour Yannick,
Je suis triste avec toi , pour ton cousin .
Ce que je déplore dans ce rapport à la souffrance , c'est le constat de ne pas pouvoir s'entraider quand le besoin se fait sentir . Est-ce la honte ?
l'impuissance ? le sentiment que l'on ne va pas être compris qui pousse la personne submergée par la souffrance à ne pas dire ?
Et puis il y a les personnes qui se plaignent tout le temps
( concave/ convexe);
celles qui se sentent exister en étant des victimes et dont on ne sait plus quoi penser à force d'être sollicité ...
les extrêmes ont toujours été là ...
Est-ce que l'on peut simplement observer ce que cela nous fait ?
et servir la personne qui demande à être VERITABLEMENT aidée , tout en sachant que le piège est :
l'attachement au résultat !
Je le vis ... tous les jours dans la fonction que j'occuppe...
Ce thème est effectivement un grand Sujet, yannick !
Oui Nathalie, la souffrance est évitée, déniée.
Oui Marie, chacun fait avec sa souffrance selon ses moyens, pris avec son propre tempérament, prisonnier des deux finalement. Trouver la part en eux mêmes qui pourra les aider, en plus de l'aide extérieure. Etre "soignant" c'est aussi reconnaître la faiblesse du soigné, sa toute impuissance, ou la terrible force du mental. Et accepter qu'il en soit ainsi, tout en jouant son rôle.
J'aime ton expression:
"sa toute-impuissance "!
Oui ! C'est juste !
C'est la première fois que l'expression toute-puissance est retournée dans son opposé , bravo!
Et comme tu le dis :
"Qu'il en soit ainsi"
En tant qu'ancien enseignant, je déplore que rien ne soit fait pour aider le petit être humain à comprendre comment il fonctionne ; comme si ces choses allaient de soit. Cela devrait être la matière principale mais c'est incompatible avec une société qui privilégie la compétition.
Enregistrer un commentaire