Membres

dimanche 16 septembre 2012

la voie alpine (suite)

Re-pausé, je re-pars.
Descendre, alors que je suis dans une sorte de cirque, veut dire remonter à un moment ou à un autre, puisqu'il semble que la sortie soit par le haut.
Je découvre ce que sont les passages sur des dalles, sorte de grands rochers complètement plats qui sont posés un peu dans tous les sens, et notamment en pente, qu'il faut alors franchir en assurant ses appuis ou en mettant les mains.

A un endroit il y a même une chaîne pour franchir un passage un peu scabreux. Honnêtement j'adore ça, et aimerais que ce soit encore plus long. Il n'y a pas de harnais à mettre, comme sur les vias ferratas dont j'avais parlé l'an dernier, il ne faut pas que les mains lâchent. Le poids du sac peut nous entraîner si on modifie l'équilibre qui tend alors vers le déséquilibre, car rester dans une certaine verticale n'est pas évident. Si on glisse, si un appui ne tient pas, il ne reste que les mains pour se retenir.
Vraiment, dans ce genre d'endroit, l'attention est extrême. S'il n'y a pas de peur, il n'y a pas de pensées. Juste la confrontation au réel. Je n'ai fait que quelques dizaines de mètres d'alpinisme à Chamonix, mais je peux imaginer l'attention extrême que cela demande, surtout si l'on n'est pas encordé.

Le dernier col franchi, ce sera une descente assez douce ensuite dans un décor complètement sauvage. J'ai mal au genou droit. Je fais des exercices de respiration pour récupérer de l'énergie. Je vois le prana qui est dans l'air.
Je pense aux marcheurs des temps anciens, aux soldats qui traversaient des pays entiers pour aller faire la guerre, à Hannibal et ses éléphants qui traversèrent les Alpes, aux porteurs népalais qui portent des charges autrement plus lourdes, avec un équipement des plus simples. Je pense au record du GR en 36 heures! Juste à ce moment là un type me dépasse en courant, avec une réserve d'eau dans le dos comme seul bagage. Je le recroiserais plus tard. Il fait un aller-retour entre Bavella et le refuge où je vais....
Le chemin retrouve la forêt. En bas un torrent se fait entendre. Je vais le traverser plusieurs fois. Je me lave. Cela fait un bien fou de se passer cette eau fraîche et pleine d'énergie pure sur le corps.

La fin est laborieuse. Croyant le refuge assez proche après une dernière traversée du torrent, d'après le guide, j'ai des doutes au bout d'une heure et monte sur un rocher pour essayer de voir quelque chose. Ai-je raté un embranchement? Voyant une bergerie en contrebas et sachant que le refuge en est proche, je prends leur direction. C'est alors que je vois un homme arriver, que j'avais doublé il y a deux heures au torrent. Je n'ai plus d'eau et lui demande quelques gorgées. Il me dit que c'est un peu plus haut encore. Dix minutes plus tard on voit le refuge, avec encore dix minutes - un quart d'heure de marche. S'il n'était arrivé au bon moment, j'aurais fait un détour supplémentaire!

Je suis exténué, je peux à peine marcher sans bâtons. Je trouve un emplacement pour la tente. Le couple gazelle est déjà là malgré leur détour par la forêt, c'est dire si je fus lent. Un type vient parler avec moi de ses problèmes de genoux, et d'ampoules. Il finit le GR et veut faire la partie alpine demain. Je lui dis que la descente est risquée s'il a mal aux genoux. Il me parle de la faire à reculons. Je ne me doutais pas alors que j'allais pratiquer ça aussi par la suite.
Une fois mes chaussures enlevées, je constate avec effarement le désastre, j'ai mes petits orteils dans un sale état. Les ampoules, déjà conséquentes, ont éclatées. Foutues chaussures! Elles sont trop justes, ou mes pieds se sont élargies. Même en pieds nus, je marche avec difficulté. Je me mets un nouveau pansement et passe la pommade. Pas étonnant que je suis lent. Comment vais-je faire pour la suite?
Je me fais 2 soupes, un bol de muesli et un autre bol de lait chaud, tellement j'ai soif (plus d'un litre).
Je dors très mal, me retournant toutes les cinq minutes, tellement la douleur au pied me lance. Cela va se calmer un peu en fin de nuit.

2 commentaires:

Dominique a dit…

L'étoffe du héros !
Toujours passionnant . Petite frustration d'être arrivé, en remontant depuis le début, au terminus provisoire.
Bonne semaine Yannick.

yannick a dit…

Merci Dominique, à toi aussi.