Après ce superbe plateau, le chemin redescend de plusieurs centaines de mètres, d'abord sur un sentier pierreux, sur lequel il faut faire attention à ne pas glisser. Je croise d'abord un jeune homme qui parait exténué. Il me demande si le refuge est encore loin. Il me dit qu'il n'a plus d'eau, qu'il en consomme 4 litres par jours. Je lui passe un demi litre.
Je vois de loin quelques personnes monter en soufflant, sous le soleil encore haut et chaud. A un moment je croise un garçon sans sac à dos. Je lui dis, après un bonjour devenu systématique : "Tu es le premier que je vois sans sac à dos, tu en as de la chance!" Derrière lui un couple que je prends pour ses parents. Au moment où je finis ma phrase, qui se voulait amicale, je découvre qu'il doit être autiste. Il me regarde en essayant de dire quelque chose qui ne sort pas. Son père lui dit de répondre à mon bonjour. On se sourit avec les parents. Je réalise que non seulement je me suis mis à dire bonjour aisément, souvent le premier, mais que parfois je lance une phrase, ou plutôt elle s'élance de moi, ce qui m'étonne un peu. C'est assez nouveau. J'espère ne pas avoir vexé ce jeune garçon, qui est sans doute dans une aventure tout à fait particulière en marchant ainsi.
Le chemin continue de descendre, mais dans la forêt cette fois. En fonction de la luminosité, je garde ou enlève mes lunettes de soleil. Cette descente interminable me fait mesurer les efforts que font ceux qui montent. Petit à petit les bruits de quelques voitures se font entendre. Mais je ne vois rien. Enfin le sentier débouche sur une route, avec le bar - restaurant qui offre une zone de camping. Bocca di verde, col de verdure le bien nommé, 550 m plus bas que le dernier refuge! Il y a une source qui alimente une fontaine et se fait entendre avant tout le reste. Je m'attable à la terrasse pour ma consommation de fin d'étape.
Puis j'installe la tente, prends une douche, tout ça en boitillant...
Bientôt je lie connaissance avec 2 couples d'un certain âge qui viennent du nord et s'engagent vers le sud. Ils dorment dans le dortoir, construction sommaire dont les murs ont l'épaisseur d'une cloison. Bonjour la chaleur! Mon histoire de chaussure leur semble étonnante. Ils me conseillent d'aller à Corte pour en trouver d'autres.
Puis je mange avec 3 personnes dont un anglais. En fait j'ai quasiment fini quand eux commencent, alors que la nuit est tombée. De temps en temps les frontales s'allument. J'adore ces ambiances où l'amitié prime sur le confort, où l'on se prête tout de suite ce qui manque à l'autre, où l'on ne voit même plus le visage du voisin, où tout devient si simple parce qu'essentiel, où les corps fatigués laissent la place aux coeurs.
La vie est si belle...
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