Rencontre à Shantivanam

Un grand Québecquois, très maigre, vient d'arriver. En Inde depuis cinq ans, il circule à vélo.
Nous lions connaissance. Une barbe arrondit son visage où se cachent des yeux qui regardent au loin. Une voix un peu grave, basse plutôt, qui prend son temps, comme son corps. Je ne sais son âge. Plus de quarante ans.
Je l'aime bien d'emblée, avec du respect. Je ne sais où il se situe. Il est un peu énigmatique. On parle, sans parler de "qui on est", ou peut être c'est justement "qui on est" qui parle, et non pas "qui a fait". Il y a des grands silences. Ca me fait encore peur, avec des gens comme ça, ces silences...
Aujourd'hui, il sort cette phrase vue à Bombay sur le mur d'un tea shop : "La vie est un mystère à vivre et non pas un problème à résoudre."
Je me sens bien petit quand je vois ce dont je suis capable. C'est toujours cet esprit de comparaison. Fréquenter les oiseaux du large élève, et en même temps nous montre jusqu'où il est possible de monter. Mais tout dépend d'où l'on part.
L'accent québecquois est peintre. Une seule couleur, actuellement le bleu. Il ferait bien une hutte, mais il ne voit pas l'endroit où s'installer. Il a le voyage en lui. Et pourtant un calme, un silence... Il se découvre peu à peu. Une modestie rare. Vraiment, miser sur le silence en soi, qui crée tout.
Il s'appelle Paul, et finit par me montrer ses peintures. C'est réellement beau. Certaines ressemblent à des tapisseries, et m'attirent.
Il me parle de vivre dans un char à boeufs qui serait chambre, cuisine, atelier ambulants...
"Je ne veux pas travailler pour gagner de l'argent."