Plus la neige tombait, plus le silence devenait profond. Seul le crépitement de l'âtre le troublait, mais en faisait partie en réalité, car le feu éteint les pensées quand on l'observe.
"- Il y a beaucoup de gens à venir ici? demanda Marie.
- A vrai dire non, car il n'y a rien à voir, et je suis souvent dans les collines avec mes moutons.
Quelquefois, des promeneurs...
- Pourtant on nous a dit au bar céleste que vous pouviez héberger le passant.
- Oui, cela arrive, ce n'est pas écrit, c'est le bouche à oreille, au moment opportun les choses se font, comme pour vous.
- Il y a eu une première fois, comment cela a t-il commencé?
- La première fois c'est moi qui suis venu là. Je voulais voir l'horizon, et je suis monté ici. Cette maison était en ruine. Une femme chamane avait installé un tipi provisoirement pour être près de la nature et des étoiles. Elle vivait de presque rien, de ceuillette, et parfois de soins qu'elle donnait à des personnes qui avaient entendu parler d'elle. Elle m'a proposé au bout d'un moment de passer quelques jours. Elle m'a transmis un peu de ses connaissances. Très vite j'ai senti que cette vie me convenait. Un jour elle me dit que je deviendrais berger, que je vivrais ici, et que si je restais dans un état d'accueil, je ne manquerais de rien.
C'est ce qui s'est passé. Cela n'a pas été facile parce qu'il faut faire confiance, et cela veut dire perdre ses anciens repères. Au début j'étais attiré mais je vivais aussi dans la peur. Un beau jour quelque chose s'est passé, et la peur a disparu définitivement.
- Comment ça?
- Dans la société citadine, les gens accumulent et ont quand même peur de manquer. Quand on simplifie sa vie, la seule peur qui reste, c'est de ne pas avoir assez à manger. C'était une période où je n'avais plus de réserves, les brebis allaient agneler et il n'y avait pas de lait, plus de fromage, rien. Je jeunais depuis 5 jours, et des idées noires m'envahissaient parce que j'avais en fait perdu confiance. Un matin je n'avais plus que ce mot à la bouche, c'est le cas de le dire, mange. Et j'ai réalisé que si on inverse les syllabes, cela donne : je mens. J'ai accepté au fond de moi l'idée que je me mentais, que je n'étais pas assez fort pour vivre ainsi, et que la peur était encore en moi, alors que je croyais l'avoir dépassée. Je n'avais pas été au bout de moi même, et c'est bien ce que me proposait la vie à ce moment : une mise à l'épreuve. Jusqu'où va ma confiance? J'ai alors admis que je m'étais trompé, et qu'il fallait aller demander à l'être rangé...
Je me suis agenouillé comme pour demander pardon de mon arrogance.
C'est alors qu'un couple est apparu, avec un panier plein de victuailles. Il me cherchait depuis la veille, sans me trouver. J'ai vraiment compris alors que tout arrive au moment juste, la veille il eut été trop tôt. Depuis je ne me préoccupe de rien.
- Alors la vie nous teste dans nos croyances?
- Indéniablement..."
Il remit une bûche dans le feu.
3 commentaires:
ton conte est tellement beau qu'une coccinelle vient de se poser dessus, la vérité si je mens !
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