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mercredi 30 décembre 2009

Mon esprit est pauvre


Ils mangèrent en silence. La neige tombait drue maintenant et couvrait de son manteau vierge toute trace d'un passé qui les avait amené là.
"- Je ne crois pas que vous pourrez partir demain, dit Barnabé, la neige va persister toute la nuit et la circulation sera impossible.
- Comment savez-vous cela?
- Vous savez, à force de rester immobile, dans l'observation de ce qui va, de ce qui vient, on ressent les choses au delà des apparences. Rien n'arrive brutalement, tout se prépare. Le temps est facile à prévoir car il obéit à des lois, il suffit de regarder les nuages, le vent, sentir l'air humide ou sec, si l'on voit loin ou pas, tout ça sont des indicateurs.
- Et vous savez aussi pour les hommes?
Barnabé plissa les yeux comme s'il se demandait s'il allait dévoiler un secret ou non.
- Oui, pour les hommes c'est pareil. Une mère qui vit en osmose avec son bébé, sait à l'avance ce qu'il lui faut, car elle pressent tout de lui. Mon métier de berger m'a fait apprendre le silence et l'écoute à travers la solitude. Mon esprit est pauvre, il n'est pas chargé d'informations de toutes sortes. Ainsi il capte d'autres informations plus subtiles, mais plus essentielles. Lorsque je vois apparaître quelqu'un, sa manière de se tenir, de marcher, de s'asseoir, me dit déjà beaucoup de lui. Lorsqu'il parle, je sais si c'est son coeur qui parle ou sa tête, s'il est dans la paix ou dans la précipitation. Ainsi je sens s'il est en évolution ou non, ce qu'il attend de la vie et ce qui risque de lui arriver ou pas..."
Un silence s'ensuivit. Marie et Joseph se regardèrent sans mot dire, mais tout semblait évident pour eux. Il y avait une unité de compréhension. Marie sentait toujours les choses à l'avance, en parlait à Joseph, qui avait une confiance totale en elle, et aidait à la réalisation de ses prémonitions en ne discutant pas. En quelque sorte il donnait à Marie la force de mettre en oeuvre ce qu'elle pressentait.
"- Le plus grand chemin n'est pas d'aller loin, reprit Barnabé, mais de se rapprocher de soi même. Quoiqu'il arrive, c'est la façon dont on prend les choses qui peut nous rapprocher de nous même ou non. La volonté fait aller vers l'extérieur, l'abandon fait revenir à l'intérieur.
- J'ai l'impression que nous sommes venus au bon endroit, dit Joseph.
- Vous n'êtes pas venus de vous mêmes, vous avez été guidés, car ce matin vous ne connaissiez rien de là où vous êtes ce soir.
- Alors c'est bien mon intuition qui se dévoile en ce moment, dit Marie.
- Oui, sauf que l'intuition n'est pas à vous, elle fait partie de la vie. C'est en s'ouvrant à la vie que celle ci nous traverse et nous conduit vers l'aide que l'on cherche pour grandir.
- Merci, dit Joseph en mettant sa main sur son coeur."
Une larme perlait sur la joue de Marie, tandis que son coeur vibrait.
Barnabé mit une main sur l'agneau, dans un geste de paix indicible.

5 commentaires:

Mabes a dit…

une main sur mon coeur pour ce beau conte Yannick...

croukougnouche a dit…

tiens!Mabes! on se retrouve dan ce havre de paix!
quelle belle histoire , racontée avec un cœur plein de foi et d'espérance , c'est ce qu'il nous faut pour franchir ce nouveau passage d'année !

Acouphene a dit…

oui mon intuition me dit que cela prend de l'ampleur...

philippe a dit…

Ah,volià une info. juste et vrai.

FRANKIE PAIN a dit…

merci de ce conte pour cette année ci