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lundi 18 juillet 2011

Les deux amis

Après que le gong eut retenti, les nouvelles directives se firent entendre :
-"Vous ne parlez pas, on va inverser les rôles. Vous vous regardez deux minutes et on recommence la question."
Philippe, qui se sentait un peu bousculé, se dit que cette fois ce sera plus tranquille pour lui. Il regardait Nathalie avec un oeil nouveau. Elle avait l'air calme. Qu'allait-elle répondre? Certes au second tour, ceux qui allaient répondre avaient l'expérience du premier tour.
Jamais il n'avait regardé quelqu'un aussi longtemps, sans lever les yeux. A force de regarder on ne voit plus les mêmes choses qu'au début. On voit des détails bien sur, mais surtout c'est l'impression que tout se cache derrière les yeux, toute la personne est là. "Le regard est le miroir de l'âme:" Comme c'est vrai, se dit-il.
Percevoir l'âme de quelqu'un, c'est tout simplement fantastique. Ne plus être voyeur, comme la plupart du temps, mais voyant, c'est à dire contempler l'au delà des apparences.
-"Qui es-tu?" commença Philippe.
-"J'essaie d'être moi même!" répondit Nathalie.
Il attendit, puis reposa : "Qui es-tu?"
-"Un femme, je me sens une femme. Ce qu'un homme ne saura jamais ce que c'est..."
-"Oui, mais qui es-tu?"
-"Je suis quelqu'un qui veut vivre, vraiment vivre, vivre jusqu'au bout. Là je me sens vivante, et je veux vivre cette intensité le plus souvent possible. Je ne me satisfais pas de la banalité ordinaire. Je veux vibrer, je suis dans cette demande."
Philippe attendit, un peu troublé par ce genre de réponse, à la fois profonde, sincère, et impersonnelle.
-"Qui es-tu?"
-" Je te l'ai dit, et j'ai tout dit, le reste n'a aucune importance."
- "Qui es-tu?"
- ...
- "Qui es-tu?"
- "Je sais qui je suis, je suis ça!"
- "Qui es-tu?"
- "J'ai tout dit, Philippe..."
- "S'il te plait, qui es-tu?" répondit-il doucement.
- ...
Il la regarda intensément, ne sachant plus s'il devait continuer à poser cette foutue question. Au bout d'un moment de silence, alors qu'il allait reposer la question, elle se mit à pleurer par à coups. Il ne s'attendait pas à ça. Elle avait l'air d'assumer. Il eut envie de la consoler. Que faire, que dire? Isabelle passa à côté et tendit un mouchoir en papier. Nathalie le prit. Isabelle ajouta :"Arrêtez l'exercice, restez en silence."

3 commentaires:

Anonyme a dit…

La dépendance s'installe... je guette les suites !

Mabes a dit…

ou des pleurs libérateurs...

Acouphene a dit…

Cela me rappelle quelques séances de groupe... ;-))