Un ethnologue new yorkais reçoit un jour à Manhattan un de ses vieux amis sioux. Et comme à grand peine ils cheminent dans la cohue des gens, des voitures hurlantes, des gyrophares policiers, bref dans l'ordinaire boucan d'une avenue crépusculaire, à l'heure de pointe, le Sioux s'arrête soudain au coin d'une rue, tend l'oreille et dit :
- Tiens, j'entends un grillon!
Son ami s'étonne.
- Un grillon? Laisse tomber, mon vieux, tu rêves. Entendre un grillon à New York, dans ce vacarme?
- Attends, dit l'autre.
Il va droit à l'angle d'un mur. Dans une fente de béton poussent des touffes d'herbe grise. Il se penche, puis s'en revient. Au creux de sa main, un grillon.
- Alors ça, bafouille l'ami, abasourdi, c'est incroyable. Une ouïe fine à ce point là, c'est un truc de sorcier ou quoi?
- Pas du tout, répond le Sioux. Chacun entend ce qui l'habite et ce qui importe dans sa vie. Facile à démontrer. Regarde.
Il sort quelques sous de sa poche et les jette sur le trottoir. Tintements brefs, légers, fugaces. Dans la bousculade autour d'eux, tandis que les voitures, au feu du carrefour, klaxonnent, démarrent, rugissent, dix, quinze têtes se retournent et cherchent de l'oeil, un instant, ces pièces de monnaie qui viennent de tomber.
- Voilà, c'est tout, dit le Sioux.
Henri Gougaud
(envoyé par Marie)
5 commentaires:
merci pour le grillon si bien caché dans la fissure (lézarde)qui chante
dans la grande ville. alors que nous cherchons la musique du silence qui fait tant de bruit.
n'importe quoi! clin d'oeil!
j'aime vos blogs
merci , c'est plutôt convainquant!
Qu'entends-tu Yannick ? L'ombre cachée par la lumière ?
Merci à Marie
Bien l'histoire!
Excellent.
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