Frère Antoine

La marche d'approche de cette grotte est déjà un parcours. Elle n'est pas si facile à trouver. Cela permet à la nature d'épurer un peu le bonhomme.
Il y a un couple et un enfant attablés avec lui. Je monte jusqu'à eux. Il reconnaît ma tête, bien que complètement rasé. Et me propose à manger, eux venant de finir.
Frère Antoine ne se laisse pas approcher facilement. Son humour décapant est son garde barrière.
A un moment lui demandant s'il a besoin de quelque chose en particulier, il me répond : "Non j'ai fait ce matin, personne ne peut faire besoin à ma place!"
Il faut s'arrêter un moment. Des personnes en ballade avec un chien se sont faites un peu rembarrer en posant les questions banales d'usage, tout en leur proposant des gâteaux et à boire après.

A un moment il a demandé qu'on aille lui chercher son instrument et nous a chanté une ou deux chansons.
Je retiens aussi deux histoires.

On demande à deux disciples proches d'Amma de définir l'enseignement en deux mots.
Le premier répond : "Lacher prise!"
Le second dit : "Tenez bon!"
(C'est une histoire vraie).

Un homme riche demande dans un ashram américain si c'est possible de téléphoner à Dieu. On lui dit que oui. Il appelle. Une fois fini, il demande combien il doit. "1000 dollars" lui répond-on. Il trouve ça cher, mais il paye.
Quelques mois plus tard, dans un ashram en Inde, ce même homme demande aussi s'il peut téléphoner à Dieu. "No problem!" Il téléphone, et demande à la fin combien il doit. On lui répond : "10 roupies!" Etonné il demande comment cela se fait-il que cela soit si peu cher alors qu'aux USA il a payé une somme folle pour le même appel. L'indien lui répond : "Here it is just a local call!"

Je feuillette un nouveau livre sorti à son propos : Frère Antoine Ermite de l'ordre du jour aux éditions Campanile. Il a été fait par Martine Le Cam, et comporte beaucoup de photos.
Du coup il parle de ses livres, de sa manière de dire les choses, et comment les responsables d'édition les ont modifié. Toujours une histoire d'ego quelque part, ou de se concilier les futurs lecteurs...
On parle d'Arnaud. Je lui apprends ses "problèmes" de santé, sans savoir qu'il va mourir le lendemain soir.
Frère Antoine a 88 ans. Il est l'un des derniers anciens. Il n'est plus tout à fait dans le même contexte que lorsque je l'ai rencontré pour la première fois en 78 (voir les posts à ce sujet). Il y a des personnes qui viennent régulièrement lui apporter de l'eau et de la nourriture. Mais son esprit, sa démarche, est toujours là.

Sur un objet est écrit :

Qui que tu sois

Démon ou ange

Si t'as soif bois

Si t'as faim mange

Même s'il ne mange plus beaucoup, je l'ai toujours connu se préoccuper d'abord de la nourriture pour le passant. Ensuite, avec un peu de temps, un autre essentiel viendra nourrir le pélerin.

Entre moments de silence et partages, nous allions passer l'après midi ici avant que je raccompagne le couple à Fréjus où il est en vacances.

Curieusement j'avais pensé, avant de venir, que j'allais peut être emmener des gens en voiture...

(Ces photos ont été prises il y a deux ans avec sa permission).