Marcher

Lorsque l'on marche, s'il n'y a pas d'horizon, on est dans le tout près.

Lorsque l'horizon se découvre, on est comme un point minuscule dans un univers immense.

Il y a une dilatation de l'espace qui correspond à une diminution de soi.

Le monde devient tellement immense que je me sens de plus en plus petit.

A vrai dire, il peut m'arriver de disparaître, absorbé par la vision du sans limites.

Lorsque l'on marche, il y a un effet de ralentissement.

Ralentir, c'est ne plus être dans l'empressement.

Le corps sait bien ce que c'est de ralentir, 

L'esprit, non.

Cela demande de l'entrainement.

Marcher et penser ne sont pas compatibles

Tant que la pensée galope loin devant.

Comment épuiser ce galop, sinon l'accompagner,

Pour qu'il se résigne au pas de l'instant.

L'esprit qui galope, stagne en vérité.

La pensée, jamais fatiguée, épuise l'esprit.

Le corps, lorsqu'il se fatigue, ramène l'esprit au présent;

Ainsi la fatigue est-elle une bénédiction.

Découvrir le pas après pas,

Etre avec son inspir, être avec son expir,

Dépasser l'empressement stérile,

Etre dans la non attente de la fin de l'étape,

Dans la non attente de la vue suivante,

Juste marcher,

Dans le silence de son calme intérieur,

O l'exercice dont le but n'est pas assuré,

Voilà bien une autre petitesse 

Qui n'a rien à voir avec ton habituelle vitesse.

Qui est le plus fort à ce jeu

Sinon de t'avouer vaincu?

Cette course du ralentir est unique,

Ton seul concurrent est toi-même.

Tu peux compter les heures de marche,

Les kilomètres que tu as fait,

Ou les pensées qui t'ont échappé.

Que choisis-tu?

Marcher c'est apprendre à rejoindre le présent.

Autant de pas, autant d'occasions.

C'est le plus long,

Surtout si l'on rêve d'y être...